​La vie nomade perce sur les écrans
La Chine au présent 2024-07-19 18:28:46

Début de la transhumance à l’approche de l’automne à Altay

« Dans la culture kazakhe, les gens ne deviennent intimes, en amitié comme en amour, qu’après avoir développé une réelle compréhension mutuelle. Pour cette raison, dans leur langue, dire ‘‘Je t’aime’’ signifie également ‘‘Je vois qui tu es et je te comprends clairement’’. » Cette phrase populaire est tirée de la série télévisée à succès en huit épisodes To the Wonder, qui met en scène la vie nomade des Kazakhs à Altay (Xinjiang), et qui alimente les conversations, qu’il s’agisse des paysages, des habitants et de leur mode de vie.

Adaptée de Mon Altay, un recueil d’essais basé sur les souvenirs de Li Juan, une écrivaine originaire du Xinjiang, dans cette contrée spectaculaire il y a environ 25 ans, la série raconte comment l’héroïne, Li Wenxiu, une jeune femme de l’ethnie Han d’une vingtaine d’années, s’intègre à la vie locale.

La mère de Li Wenxiu, originaire de la province orientale du Jiangsu, tient une épicerie dans un village kazakh isolé d’Altay. Après des difficultés dans son existence en ville, Li Wenxiu retourne au village pour vivre avec sa mère et tente de réaliser son rêve, celui de devenir une écrivaine indépendante. L’un des sujets les plus controversés sur les plateformes de réseaux sociaux est la façon dont elle comprend et admire la culture locale pour progressivement s’y intégrer. Au début, elle commet des impairs en mélangeant les noms kazakhs et passant outre aux coutumes, avant de finalement parvenir à se faire des amis et de choisir de rester, pour sa carrière mais aussi par amour.

« Ils [les Kazakhs] ont leur propre mode de vie et leurs propres conceptions sur la façon dont les choses fonctionnent. Tu as le droit de ne pas être d’accord avec eux, mais tu ne dois pas essayer de les changer de manière condescendante. Tu dois cesser de te sentir plus intelligente parce que tu viens d’une grande ville. » Cette réplique de la mère de l’héroïne a touché Hu Huhu, un photojournaliste basé au Xinjiang. « Face à des gens que nous connaissons peu, nous devons toujours conserver un esprit de compréhension et de respect mutuels. »

Un succès considérable

Le public a été conquis par cette histoire, et le 9 mai, au troisième jour de sa diffusion sur la chaîne publique chinoise CCTV, To the Wonder a fait exploser l’audimat. Le lendemain, on comptait 38,302 millions de vues sur la plateforme chinoise de streaming iQiyi. Sur Douban, une application chinoise de critique artistique, la série a reçu la note de 8,8 sur 10, la plus élevée pour une série télévisée nationale jusqu’à présent cette année. Il s’agit également de la première série en langue chinoise à avoir été présentée dans la sélection officielle « séries longues » du festival Canneserie 2024, qui se déroule à Cannes depuis 2018.

« Les paysages d’Altay sont comme une image ! Je n’ai jamais vu une contrée aussi merveilleuse » ; « J’aime la façon dont les gens là-bas mènent une vie simple mais dynamique. Je n’ai pas la moitié de la vitalité qu’ils ont aujourd’hui » ; « C’est la première fois que je prends connaissance de la vie nomade, et le fait de voir comment les gens s’adaptent à la modernisation tout en transmettant leurs traditions m’a profondément touché. » Tels sont les commentaires les plus appréciés que l’on peut lire dans le groupe en ligne des fans de la série.

Altay borde la Mongolie au nord-est, la Russie au nord et le Kazakhstan au nord-ouest. Les Kazakhs représentent environ la moitié de la population locale, ce qui fait de la région un lieu riche en culture nomade kazakhe.

La série a mis cette région sur le devant de la scène nationale. Elle a propulsé l’activité touristique, dont la pleine saison dure généralement de juin à octobre, mais qui a commencé beaucoup plus tôt cette année. Selon les données du Bureau de la culture et du tourisme d’Altay, du 13 au 19 mai, la zone a accueilli plus d’un million de touristes, soit une augmentation de 70 % d’une année sur l’autre. Les revenus du tourisme au cours de cette période se sont élevés à 112 millions de dollars (+131 %).

« J’ai assisté à la Conférence sur le développement du tourisme au Xinjiang, et les sujets liés à Altay et To the Wonder étaient parmi les plus évoqués », a déclaré à Abduweli Abdurixit, producteur exécutif de la trilogie documentaire Je suis du Xinjiang, qui vise à présenter le Xinjiang authentique au monde extérieur.

Lors de cette conférence qui s’est déroulée à Tourfan les 27 et 28 mai, des représentants de tout le Xinjiang ont présenté leur offre touristique. Les itinéraires de visite des deux prairies d’Altay où la série a été tournée, celui de la ville natale de Li Juan dans le district de Fuyun, ainsi qu’un programme immersif mettant en valeur la riche culture kazakhe d’Altay, ont fait l’objet d’une grande attention.

« Quand j’étais petit, la zone urbaine d’Altay était si petite qu’elle pouvait être desservie par deux lignes de bus », se souvient Abduweli. « Aujourd’hui, le pays a développé une industrie du ski florissante, et les touristes sont très nombreux en hiver. Les installations qui les accueillent se développent à une vitesse surprenante. » Plus d’une dizaine de stations de ski, avec 232 pistes s’étendant sur 248 km, ont ainsi été construites en quelques années. « J’espère que les personnes intéressées par Altay pourront devenir plus que des visiteurs, pour y mener une vie et carrière différentes et réaliser leurs rêves », confie-t-il.

Des villageois du bourg de Chonghuer accueillent les touristes en musique.

À la découverte des Kazakhs

Le groupe ethnique kazakh mène une vie nomade depuis des milliers d’années. La série reflète l’amour de ce peuple pour leurs animaux d’élevage, leurs efforts pour protéger l’environnement, ainsi que leur respect pour la nature. Elle montre également comment leur mode de vie a profondément influencé leur personnalité et leurs coutumes.

« Beaucoup de mes collègues à Beijing m’ont demandé si les personnages de la série étaient représentatifs du peuple kazakh dans la vraie vie. Je leur ai répondu que nous, les Kazakhs, sommes tous aussi courageux, dynamiques, chaleureux et libres, et que nous n’avons pas peur de relever les défis et de surmonter les obstacles que la vie nous réserve, comme le montre la série », affirme Sayra Dulat, un Kazakh qui travaille dans la capitale chinoise.

La série présente en effet les défis auxquels les Kazakhs sont confrontés dans le processus de modernisation socioéconomique et d’urbanisation, notamment l’évolution des modes de vie, le choc des idées et les attitudes des gens à leur égard. Par exemple, Batay, le personnage masculin principal et également l’amant kazakh de Li Wenxiu, veut quitter sa ville natale et abandonner la vie de berger. Il entre en conflit avec son père, qui insiste pour suivre le mode de vie nomade traditionnel. Finalement, le père cède et respecte la décision de son fils. Le fils prodigue revient néanmoins au bout de trois ans pour adopter finalement le mode de vie ancestral.

« De grands changements ont eu lieu à Altay ces dernières années », explique M. Hu. « Par exemple, de nombreuses technologies de pointe ont été introduites pour la gestion du bétail et les produits laitiers, et des centaines de postes offrant abris, nourriture et médicaments ont été construits le long des itinéraires de pâturage des éleveurs kazakhs. Les autorités proposent également des services de prévisions météo et une assistance en cas d’urgence. »

M. Hu estime que le choix entre style de vie traditionnel et style de vie moderne est tout à fait personnel. « J’ai connu des gens qui sont restés dans leur ville natale et ont vécu comme leur père, mais aussi des gens qui sont partis étudier et travailler ailleurs. »

Bayan Tashen, un jeune écrivain revenu à Altay après avoir terminé ses études à Guangzhou (Guangdong) est un exemple parmi d’autres. Il travaille maintenant à l’élaboration de programmes visant à promouvoir la région. « La scène dans laquelle le personnage principal décide de revenir à Altay m’a touché », dit-il. « J’ai pris la même décision après avoir obtenu mon diplôme universitaire. Je voulais être témoin des changements dans ma ville natale et parler la langue kazakhe, ce que je n’avais pas fait depuis longtemps. Je pense que la fin de la série suggère que les Kazakhs ont une affection et une nostalgie profondément enracinées pour leur terre, malgré le caractère inexorable des changements et la modernisation. »  

 

*ZHANG YAGE est journaliste à Beijing Information.

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