​La création artistique se façonne
La Chine au présent 2024-07-19 18:25:32

Des artistes français font une ronde avec des villageois à Tucheng, dans le district de Xishui (Guizhou), en 2016.

  

« Tu parles de l’homme qui possède un four à poterie ? Bien sûr que je me souviens de lui ! », s’exclame Nacèra Kaïnou, la renommée sculptrice et peintre française, lorsqu’elle entend parler de Yuan Xiaokang, un résident du village de Taoguan. Malgré une période de huit ans écoulée, son passage à Zunyi, situé dans le nord du Guizhou, pour assister à l’événement intitulé « La Chine aux yeux des artistes internationaux », reste gravé dans sa mémoire.
En avril 2016, une délégation de plus de 50 artistes français, dont Nacèra Kaïnou, a été conviée à Zunyi pour un voyage créatif de 40 jours. Suite à cette visite, le Centre international des arts de Tucheng a été inauguré, mettant en avant les œuvres conçues lors de cet évènement et favorisant ainsi les échanges culturels entre la Chine et la France.

À l’occasion du 60e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques sino-françaises, des habitants de la cité antique de Tucheng, située dans le district de Xishui à Zunyi, qui avaient prêté main-forte aux artistes dans leurs créations il y a huit ans, ont revisité ces lieux chargés de souvenirs pour se remémorer cette aventure artistique inoubliable.

Yuan Xiaokang admire la sculpture Paoge de Nacèra Kaïnou.

Une œuvre durement acquise

Depuis la cité antique de Tucheng, un trajet de 30 minutes en voiture mène au village de Taoguan. Ce village, qui s’enorgueillit d’une tradition potière de plus de 300 ans, a conservé ses fours à l’ancienne. La préservation de ce patrimoine culturel a donné lieu à une rencontre enrichissante entre une artiste française et un habitant du Guizhou vivant dans les montagnes.

« Voici l’endroit où nous avons aidé Mme Kaïnou à réaliser une sculpture », présente Yuan Xiaokang, en poussant la porte en bois du four.

Animée par le désir de créer une œuvre aux caractéristiques chinoises, Nacèra Kaïnou s’est rendue dans la cité antique de Tucheng. Après avoir rencontré Luo Mingxian, alors âgé de 92 ans, un habitant local qui était considéré comme le dernier représentant des Paoge (organisation qui a vu le jour entre la fin de la dynastie Ming (1368-1644) et le début de la dynastie Qing (1644-1911) très active dans le Sichuan), la sculptrice française a trouvé son inspiration créative.

« Étant l’une des figures représentatives de Tucheng, Luo Mingxian a joué un rôle crucial dans sa région. Les habitants locaux avaient l’habitude de se tourner vers lui quand ils étaient confrontés à des problèmes », a remarqué Nacèra Kaïnou. Profondément impressionnée par ce personnage charismatique, elle avait le sentiment de pouvoir lire ses jours passés dans chaque pli de son visage.

Toutefois, elle a rapidement rencontré un obstacle : l’argile proposée par les organisateurs de l’événement s’est avérée trop fragile pour être cuite dans un four électrique. Pour résoudre ce problème, les villageois lui ont présenté Yuan Xiaokang, un expert du sol local grâce à ses nombreuses années d’études en poterie. Avec son aide, la sculptrice a finalement déniché l’argile idéale pour son œuvre.

De plus, ayant remarqué que l’artiste française était préoccupée par la température potentiellement trop élevée du four électrique, Yuan Xiaokang lui a fait découvrir le four traditionnel qu’il avait acquis dans le village. En effet, la poterie est un art nécessitant une harmonie parfaite entre l’eau, l’argile et la chaleur. C’est ainsi qu’un four, laissé à l’abandon depuis deux décennies, a été remis en service.

Pour répondre aux exigences de la fabrication, Yuan Xiaokang, avec l’aide de quelques-uns de ses condisciples, a réalisé une centaine de poteries rudimentaires pour protéger l’œuvre de Mme Kaïnou. Il explique que pour maintenir la température requise, ils ont disposé ces objets devant l’œuvre, formant ainsi un mur protecteur qui bloque le feu.

L’attente était assez palpitante. La température à l’intérieur du four montait progressivement jusqu’à 1 000 ℃ pour laisser émerger la sculpture Paoge. Cette œuvre, presque parfaite, émerveille tous ceux qui la voient.

Aujourd’hui encore, des photos de Yuan Xiaokang, des villageois et des artistes français prises lors de cette année mémorable sont fièrement affichées sur le mur du four, témoignant en silence des moments précieux du passé. « Nous espérons que Mme Kaïnou reviendra au village de Taoguan, elle sera toujours la bienvenue », expriment les villageois dans une invitation sincère.

Une artiste créant à Tucheng

Une expérience merveilleuse

Le 2 avril 2024, à 10 heures du matin, Nacèra Kaïnou, comme à son habitude, entre dans son atelier peuplé de nombreuses sculptures inspirées de la Chine. Parmi celles-ci, Le Petit Afu, une œuvre inspirée d’un jeune garçon de la cité antique de Tucheng, occupe une place de choix parmi ses créations favorites.

« Je l’ai créée peu après mon retour en France. Chaque fois que je la regarde, je me remémore mon séjour dans la cité antique de Tucheng », confie la sculptrice. Pendant cette période, un petit garçon venait la voir tous les jours, ajoutant une touche de vie à son quotidien créatif.

Nacèra Kaïnou, dévouée à l’art de la sculpture depuis plus de 40 ans, a été honorée du titre de Chevalier des Arts et des Lettres. En mars 2014, lors de la conférence commémorant le 50e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques sino-françaises, sa sculpture représentant le buste de Charles de Gaulle a été offerte en cadeau d’État au président chinois Xi Jinping lors de sa visite en France.

« Tucheng a gardé de nombreuses cultures traditionnelles, c’est un terreau fertile pour les artistes », déclare Mme Kaïnou. Située au bord de la rivière Chishui, cette cité antique, avec plus de 2 000 ans d’histoire, était autrefois un port important permettant au sel du Sichuan d’entrer dans le Guizhou. Elle conserve à la fois des coutumes ancestrales et des paysages idylliques, et a laissé à Mme Kaïnou l’inoubliable souvenir de sa cordialité.

Pour marquer le 60e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques sino-françaises, Nacèra Kaïnou a réalisé une sculpture spéciale en l’honneur du Docteur Jean-Augustin Bussière. Ce médecin français, durant la Seconde Guerre mondiale, a dédié ses efforts à la lutte contre les envahisseurs japonais, en acheminant du matériel médical et des équipements de communication à l’armée chinoise.

« En tant qu’artiste, je souhaite également apporter ma contribution à l’amitié franco-chinoise », déclare Mme Kaïnou, qui nourrit une profonde affection pour la Chine après y avoir effectué plusieurs visites. Elle espère qu’il y aura davantage d’événements inspirants qui se dérouleront entre la France et la Chine, afin d’enrichir l’expérience des artistes des deux pays.

Centre international des arts de Tucheng

Une fusion culturelle

Françoise Monnin, rédactrice en chef du magazine français Artension et critique d’art de renom, a exprimé une grande admiration pour le Centre international des arts de Tucheng inauguré en 2016. Sa dédicace élogieuse est visible à l’entrée de la galerie. Le centre expose des œuvres d’une cinquantaine d’artistes européens, parmi lesquelles se distinguent la sculpture Paoge de Nacèra Kaïnou, la peinture Les lumières de Zunyi d’Alain Frononot, ou encore la peinture Le Mariage de Jean Deparis, décrivant la cité antique de Tucheng à travers une fusion de perspectives orientales et occidentales.

« L’art est une longue marche, tout comme Tucheng a été un tournant lors la Longue Marche de l’Armée rouge chinoise. Il est donc évident que les deux partagent une signification commune », remarque Ya Ding, président de l’Association pour le développement des échanges France-Chine et chevalier de la Légion d’honneur. Il a choisi Zunyi comme première étape de l’événement « La Chine aux yeux des artistes internationaux » il y a huit ans.

Jean-Louis Balandraud, secrétaire général du Conseil national du tourisme et chef du groupe d’artistes français lors du voyage à Zunyi, déclare que Tucheng est un lieu fascinant où se mêlent tradition et modernité et espère que le Centre international des arts de Tucheng permettra de continuer à fusionner harmonieusement ces deux aspects.

Lors du voyage, la beauté des vallées de la rivière de Chishui, l’histoire de la Longue Marche et le développement vigoureux des infrastructures dans le Guizhou ont profondément marqué M. Balandraud. Selon lui, la Chine est l’un des pays les plus accueillants du monde : « Il n’y a pas si longtemps, je me replongeais, avec des artistes rencontrés lors de ce voyage, dans les souvenirs de cette expérience inoubliable ».

Cette année marque le 60e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France et l’Année sino-française du tourisme culturel. Ces célébrations coïncident avec l’organisation des Jeux olympiques d’été à Paris. Les échanges et la coopération entre les deux pays, tant sur le plan culturel que sportif, seront davantage renforcés.

*LAI YINGYING, PANG BO et WANG HUA sont journalistes à Discover Guizhou relevant du Guizhou Daily.

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