​Le voyage d'une vie
La Chine au présent 2024-06-28 14:18:41

Le livre Journal de mon séjour en France

Il y a 52 ans, en 1972, nous avons été envoyés par le gouvernement chinois pour étudier à Aix-en-Provence, dans le sud de la France. Ces deux années universitaires ont été pour nous tous une expérience merveilleuse, précieuse et inoubliable.

La première rencontre avec la France

En 1972, quelques années seulement après l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France, les échanges culturels se sont intensifiés. Afin de former des traducteurs et des professeurs de français de haut niveau, nos deux pays ont mis en place un programme d’échange d’étudiants pour une durée de deux ans. Du côté chinois, 20 jeunes issus de divers ministères et universités ont été sélectionnés pour cette aventure éducative en France. J’ai eu l’honneur d’être l’un d’entre eux, notre groupe étant composé de jeunes de 19 à 33 ans.

C’était au début de l’hiver lorsque nous avons quitté Beijing. Sous un ciel ensoleillé, nous avons dit au revoir à nos proches à l’aéroport, laissant derrière nous notre mère patrie.

Après plus de 30 heures de vol et d’escale, nous sommes arrivés à l’aéroport d’Orly à Paris. Nous avons été accueillis par des représentants de l’ambassade de Chine en France et d’une agence de voyage française, qui nous ont installés dans un hôtel du centre-ville de Paris. L’ambassadeur de Chine en France, Huang Zhen, et son épouse Zhu Lin ont organisé un dîner de bienvenue et nous ont gentiment fourni des informations sur la France.

Après deux jours de tourisme à Paris, nous avons pris un train de nuit pour nous rendre à la Faculté de lettres de l’université d’Aix-Marseille, dans le sud de la France. À notre arrivée, nous avons été chaleureusement accueillis par le sinologue français Léon Vendermeersch (1918-2021). Sous le soleil matinal, il nous a préparé un petit-déjeuner français traditionnel composé de pain, de café et de thé pour nous réconforter après un long voyage. située à plus de 60 km de Marseille, la deuxième plus grande ville de France, Aix-en-Provence, est une ville d’art, de fontaine et de soleil. C’est là que nous avons officiellement commencé notre aventure éducative à l’étranger.

M. Vendermeersch, fondateur du Département de chinois de l’université d’Aix-Marseille, était notre professeur de traduction. Il a consacré sa vie à la recherche sur la culture chinoise et aux échanges culturels franco-chinois, réalisant de grandes avancées et publiant de nombreux ouvrages dans les domaines du confucianisme chinois, des systèmes sociaux anciens et de l’histoire de la pensée chinoise. Notre amitié avec M. Vendermeersch s’est poursuivie jusqu’à sa disparition en 2021. En plus, nous avons eu la chance d’être enseignés par trois autres professeurs, M. Durant, M. Véronique et Mme Jourdan, qui avaient tous une riche expérience de l’enseignement et ont été très bienveillants envers nous. Mme Jourdan nous a même invités à un voyage de ski dans les Alpes avec son mari, un souvenir qui reste gravé dans nos mémoires.

Des étudiants chinois dans les Alpes, le 2 juillet 1973 (PHOTO FOURNIE PAR LI BAOYUAN)

Compréhension mutuelle entre les civilisations

La diversité et la complexité de la société moderne française ont immédiatement piqué notre curiosité. Comme nous n’étions en France que pour deux courtes années, nous avons saisi toutes les occasions pour approfondir notre compréhension de la société française et de sa riche culture. Que ce soit en discutant avec nos amis et camarades de classe à la cantine, en assistant à une manifestation dans la rue ou en suivant une campagne électorale à la télévision, chaque expérience était pour nous inédite.

Au cours de ces deux années d’études, en plus des cours de langue, nous avons été initiés à divers aspects de la culture française, tels que le théâtre moderne, le roman contemporain et la poésie française. Ce programme enrichissant nous a véritablement ouvert les portes du monde de la littérature et de l’art français. Pendant notre temps libre, nous avons exploré non seulement les rues de la ville, mais aussi les montagnes et les lacs environnants. Des cafés, musées d’art et cinémas du centre-ville jusqu’aux châteaux, caves et ateliers de fromages de la campagne, de la randonnée et du ski dans les Alpes à la pêche des fruits de mer sur les plages de La Rochelle, chaque expérience était vivante et inoubliable. Ces aventures ont grandement enrichi notre séjour en France et ont laissé des souvenirs indélébiles.

Il est à noter que l’arrivée d’un groupe d’étudiants chinois a également attiré l’attention des Français. Qu’est-ce que c’est que d’être un jeune originaire d’une puissance mystérieuse d’Orient ? Quel est le paysage social de la Chine nouvelle ? En tant que premiers étudiants chinois après l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine, nous sommes devenus l’objet de l’attention des médias français. Jacqueline Dubois, une journaliste à TF1, et un caméraman nous ont suivis depuis Paris pendant un an, filmant notre vie et notre travail, et réalisant ainsi un reportage documentaire d’une grande importance.

Le documentaire a été diffusé à la télévision française, et puis rediffusé à l’occasion du 50e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France. Nous avons regardé la vidéo à plusieurs reprises, émus par l’expérience que nous avons vécue il y a plusieurs décennies. Les questions des journalistes couvraient un large éventail de sujets : nos impressions sur la France, l’objectif de nos études, nos opinions sur l’amour, la mode et la religion, entre autres. Même si nos réponses portaient l’empreinte de l’époque à laquelle nous vivions, notre dévouement envers notre pays et notre assiduité à l’étude ont laissé une forte impression à nos amis français.

Le témoignage de l’amitié sino-française

À l’été 1974, après avoir terminé nos études, nous sommes retournés en Chine. Chacun a poursuivi son chemin et s’est lancé dans sa carrière. Avec l’avènement de la nouvelle ère suite à la réforme et l’ouverture, j’ai participé activement aux échanges internationaux et assisté à de nombreux moments d’échanges amicaux entre la Chine et d’autres pays. Les fruits de nos études en France se sont progressivement manifestés dans mon travail. Au milieu des années 1990, j’ai été affecté à l’ambassade de Chine en France en tant que conseiller politique. Pendant cette période, j’ai contribué à l’établissement du jumelage entre les Champs-Élysées et la rue Wangfujing, une rue piétonne commerciale à Beijing. Tout cela est indissociable des bases que j’ai posées et des résultats que j’ai accumulés lors des études en France.

Il n’y a pas si longtemps, en rangeant mes vieilles affaires à la maison, j’ai retrouvé par hasard le journal que j’avais tenu pendant mon séjour en France. Ce journal retrace les pas que nous avons faits en deux ans, des grandes métropoles aux petites villes isolées, de la cité universitaire à l’ambassade en passant par les administrations municipales. Il décrit tous les aspects de notre vie, du quotidien aux changements, en passant par les auditoriums, cantines, dortoirs, supermarchés, églises, réunions électorales, théâtres, cinémas, trains, bateaux et voitures. Ce journal raconte également nos sentiments et notre respect pour nos chers professeurs, notre nostalgie pour nos camarades de différentes nationalités et nos amis français qui ont toujours aimé et soutenu la Chine. Il dépeint les coutumes et les magnifiques paysages que nous avons admirés, tout en notant les personnalités remarquables que nous avons rencontrées, les politiciens, artistes, journalistes, hommes d’affaires et personnes ordinaires français, et les impressions qu’elles nous ont laissées.

Je n’aurais jamais imaginé que ces mots, notés au hasard à l’époque, deviendraient un compagnon affectueux, les souvenirs fidèles et un témoignage historique de cette expérience extraordinaire en France. Une idée m’est venue à l’esprit : publier ces mots vieux d’un demi-siècle dans un livre intitulé Journal de mon séjour en France. Grâce à la technologie de conversion de la parole en texte faite par le smartphone, le contenu manuscrit, autrefois flou, a pu être clairement transcrit sous forme électronique et a été publié à l’occasion du 60e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France.

Des diplomates aux rédacteurs, des fonctionnaires aux professeurs, tout au long de ce demi-siècle d’histoire, chacun d’entre nous a utilisé ses compétences et ses connaissances en français, pour accomplir de belles performances dans son propre domaine. Ce qui est le plus louable, c’est que chacun d’entre nous contribue à sa manière au développement et à la consolidation de l’amitié sino-française afin que la fleur de l’amitié continue à s’épanouir pour toujours.

*LI BAOYUAN est ancien diplomate au Département international du Comité central du Parti communiste chinois. Diplômé en spécialité de français de la Faculté des langues occidentales de l’Université de Pékin en 1962, il s’est longtemps consacré à la traduction et à la recherche sur les questions internationales.

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