Des partenaires de loisirs admirent le paysage à la chaumière Du Fu à Chengdu. (PHOTO : MI YAN)
« À la recherche de partenaires de loisirs » a été l’un des plus populaires hashtags sur la toile chinoise en 2023. Sur Internet, en fonction de centres d’intérêt, voire de lubies de dernière minute, des réseaux ciblés et non contraignants se forment. Hors ligne, cette tendance se concrétise à travers des sorties et des rencontres. Les jeunes Chinois adoptent volontiers cette approche, tout particulièrement à Chengdu. Ce pays de cocagne proposant un kaléidoscope de merveilles laisse toute latitude de choix pour les bons plans à partager.
Un nouveau mode de relations sociales
Gao Peng, autour de la trentaine et originaire du nord-est de la Chine, est de nature extravertie et très sociable. C’est en suivant son cœur qu’il s’est installé à Chengdu en 2021. Cependant, à son arrivée, là où le bât blessait, c’était sa vie sociale perturbée par son travail à l’aéroport, qui impliquait des horaires de repos différents de la plupart des gens. « Je peux certes sortir tout seul, sauf que, lorsque je souhaite goûter à plusieurs plats différents, je n’arrive pas à tout finir et ça me revient cher. »
Afin de remédier à ce souci, il a posté une annonce sur les réseaux sociaux, à la recherche de commensaux. Rapidement, il a rassemblé une vingtaine de personnes sur la même longueur d’onde. Avec ce groupe de « co-pains », Gao Peng a enfin pu combiner sa passion pour la bonne cuisine avec une vie sociale épanouissante dans la capitale gastronomique de Chengdu. Écumant dorénavant toutes sortes de restaurants, il peut à son tour recommander des spécialités culinaires bien locales et des sorties intéressantes.
Des jeunes profitent de leur temps libre avec leurs partenaires de loisirs pour faire du camping. (PHOTO : HAN JIE)
Le Tian, étudiant en master de gestion à l’école de commerce de l’Université du Sichuan, avait, lui aussi, formé un groupe de partenaires de loisirs, composé d’étudiants de son université et de jeunes du coin. Ce peloton s’est fondu avec celui de Gao Peng pour constituer une compagnie très active. Leurs rendez-vous s’enchaînent, dès qu’un signal est lancé, une action concertée est menée. Les théâtres d’opération couvrent toute la ville, l’assaut peut surgir dans tout quartier.
Ce type de lien social léger permet à Gao Peng et Le Tian d’avoir de la compagnie « à juste dose ». Cependant, certaines de ces relations ne se limitent pas à des rencontres éphémères, au contraire, elles peuvent se renforcer et se prolonger au fil des contacts hors ligne à travers diverses activités de loisirs. En effet, un groupe de « co-pains » ne se cantonne pas aux restaurants. D’autres bonnes adresses et bons plans se partagent, tels que salles de badminton, concerts, expositions, jeux de rôle, promenades urbaines, marchés aux fleurs et célébration du Nouvel An. Des sorties en pleine nature s’organisent aussi de temps à autre, comme des randonnées dans l’ouest du Sichuan, des séances de ski ou des moments de détente dans les bains thermaux des montagnes.
Cette manière d’explorer une Chengdu à multiples facettes est intrinsèque à notre ère numérique. Selon Qiu Zeqi, professeur au département de sociologie de l’Université de Pékin, dans une société numérisée, les relations amicales subissent un changement fondamental en raison de l’élargissement de l’éventail des choix disponibles. Chaque jour, des groupes de loisirs se créent sur les réseaux sociaux, favorisant les rencontres de jeunes partageant des affinités.
Une ville de mélange et d’inclusivité
À part ces rendez-vous improvisés, la rencontre entre modernité et tradition dans les rues de Chengdu crée aussi une alchimie délicieuse. Aujourd’hui, alors que l’immédiateté règne dans l’accès à la consommation, la lenteur est mise en avant dans la sphère émotionnelle et spirituelle. Ces deux rythmes se concilient harmonieusement à Chengdu, offrant d’innombrables moments de bonheur.
Des jeunes font du skateboard au parc sportif Woodpark. (PHOTO : HAN JIE)
Un quartier ou une cour centenaire peut abriter des activités commerciales avant-gardistes, les édifices branchés s’imprègnent de senteurs locales d’autrefois. Dans les ruelles Xiaotongxiang et Zhazijie, les cafés à chats invitent à un farniente félin. Dans les vieux salons de thé, toujours animés, résonnent des bruits de mah-jong et de conversations, créant une symphonie apaisante à la chengdunaise.
Quelques pas plus loin, un magasin de crème glacée est flanqué d’un célèbre café-boulangerie de la ville. Entre une pâtisserie au décor frais et une boutique de vêtements de marque de niche, s’immisce un restaurant très fréquenté de brochettes épicées. En face, un bar d’art jouxte une épicerie, non loin d’une boutique de jouets vintage. Ces ruelles, en constante évolution, à l’image de vaisseaux capillaires, attirent beaucoup de touristes, de commerçants et de nouveaux résidents.
Xiao Tao, une jeune femme du Guangdong, est venue à Chengdu pour visiter le bourg de Sangyuan du district de Qionglai. Quelle ne fut sa surprise, lorsqu’elle a découvert à son arrivée que le restaurant campagnard où elle prenait du thé en été s’était transformé en un complexe d’auberges. Le Xiling Suji occupe un terrain de 98 ha avec ses gîtes à thème essaimées au milieu de la verdure et à l’orée des champs. En s’inspirant de la culture locale, la villégiature propose un camping de luxe, des activités de loisirs en famille et des expériences agricoles, satisfaisant les attentes des agrotouristes en quête de nouveauté et d’originalité.
« On fait bouillir du thé et grille des mandarines autour d’un réchaud, la rivière Chujiang coule sereinement à côté, le tout dans un décor de murs blancs, tuiles grises et de bois de bambous », s’enthousiasme Xiao Tao en décrivant cette scène digne d’un film. « Le barman originaire du nord-est du pays nous a concocté le cocktail “Xiling ensoleillé”, qui correspondait parfaitement à la météo du jour. Je lui ai demandé pourquoi il était venu travailler ici, il a répondu que le cadre de vie lui plaisait et ça lui mettait en bonne humeur pour travailler », poursuit-elle, en promettant d’y revenir passer le week-end.
Le parc d’attractions artistique « Land of Wilderness » à Chengdu permet de rencontrer des jeunes partageant les mêmes centres d’intérêt. (PHOTO : MI YAN)
Pendant le Nouvel An chinois, la vieille ville de Luodai, aux environs de Chengdu, était placée sous le signe de l’événement « Un retour dans la Chine ancienne ». Comme son nom l’indique, divers divertissements originaux ont été proposés pour plonger les participants dans l’antiquité, à l’instar du jeu de rôle murder party en costume traditionnel qui a inauguré l’événement. Des spectacles traditionnels, tels que le récit de conteur improvisé, le guzheng, l’ocarina et la cérémonie du thé de la dynastie Song, s’enchaînaient, entrecoupés de danses modernes à caractéristiques chinoises et d’autres activités ludiques innovantes. Les stands de fromage de soja frais, de sculpture de caramel et d’autres spécialités locales réveillaient les papilles et les souvenirs des visiteurs. Les expériences immersives de tourisme culturel permettaient un voyage dans le temps et un dialogue avec les anciens, constituant l’apothéose de l’événement festif de cette année.
Les larges artères de circulation relient les différentes zones économiques et véhiculent la grande vitalité du développement, tandis que les petites ruelles régulent le rythme de vie. Le croisement des formes d’activités commerciales, le mélange des styles d’architecture et d’urbanisme, le développement intégré des milieux urbain et rural incarnent l’inclusivité de Chengdu. C’est justement dans ce mélange et cette inclusivité que réside le sentiment de bonheur de ses habitants.