​Eau radioactive de Fukushima : le rapport de l’AIEA ne peut justifier le plan de rejet du Japon
RCI 2023-07-10 11:12:25

Après la publication par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) de son rapport d’évaluation sur le rejet en mer de l’eau radioactive de Fukushima, le 4 juillet dernier, de nombreux Japonais ont fait part de leur inquiétude. A les en croire, le rapport n’est pas convaincant lorsqu’il affirme que le plan de rejet du Japon « répond aux normes de sécurité internationales ».

« Cela ne dissipe pas l’inquiétude de la population et nous sommes contre le rejet en mer », a martelé Haruhiko Terasawa, chef des coopératives de pêche de la préfecture de Miyagi.  

Après l’annonce unilatérale par le gouvernement japonais de son plan de rejet en mer de l’eau radioactive en avril 2021, les groupes de pêcheurs japonais, la région côtière du Pacifique et les pays insulaires du Pacifique Sud ont exprimé une forte opposition. Sous la pression, le Japon a invité l’AIEA à procéder à un examen et à une évaluation en septembre de la même année. Après deux ans de travail, l’AIEA a finalement produit un rapport d’évaluation final. Toutefois, ce rapport ne reflétait pas entièrement les opinions de tous les experts ayant participé à l’évaluation, et les conclusions n’ont pas été approuvées à l’unanimité par les experts. Or, malgré leur caractère partiel, ces conclusions ont été publiées à la hâte.

L’AIEA est principalement chargée de promouvoir l’utilisation sûre, sécurisée et pacifique de la technologie nucléaire et n’est pas l’organisme approprié pour évaluer l’impact de long terme de l’eau radioactive sur l’environnement marin et la santé biologique. A en croire certains analystes, en invitant l’AIEA à évaluer son plan de rejet en mer, le gouvernement japonais a fait ses petits calculs : obtenir l’approbation de l’agence pour justifier son plan. Le pays a mené une série de manœuvres au cours des deux dernières années.

Tout d’abord, la partie japonaise a limité le travail de l’AIEA. L’agence n’a été invitée qu’à évaluer le plan de rejet en mer. Les questions clés, telles que : « Quel est le moyen le plus sûr de traiter l’eau radioactive ? » « Quels sont les impacts environnementaux du rejet en mer de l’eau radioactive ? », ont été exclues de l’évaluation de l’agence. Dans ces conditions, il est difficile pour le rapport de répondre aux préoccupations réelles de la communauté internationale.

Ensuite, tous les échantillons et les données connexes que l’AIEA a obtenus pour examen ont été fournis par la seule partie japonaise. Dans un reportage du 4 juillet dernier, le New York Times a cité un expert en surveillance des radiations nucléaires, selon qui « les données fournies par la partie japonaise jusqu’à présent sont incomplètes et le processus n’est pas assez transparent ». Sans oublier que TEPCO, la société impliquée, a des antécédents peu reluisants de dissimulation et de falsification de données sur l’eau radioactive de Fukushima.

Dans ce cas, l’AIEA n’a effectué qu’une analyse comparative d’un petit échantillon sur la base des données et des informations fournies unilatéralement par la partie japonaise. De toute évidence, l’indépendance et la représentativité de l’échantillonnage font défaut. Par conséquent, pour certaines questions clés, telles que : « Le dispositif d’assainissement japonais est-il efficace à long terme ? » « Quel est l’impact des radionucléides sur l’écologie et la santé humaine ? » « Les données relatives à l’eau radioactive sont-elles exactes et précises ? », le rapport ne peut fournir de réponses. Alors, comment peut-il justifier et légitimer le plan japonais de rejet en mer ? Comment peut-il garantir que ce plan n’aura pas d’impact sur d’autres pays ?

Quel que soit le contenu du rapport, la tentative du Japon de déverser des millions de tonnes d’eau radioactive dans l’océan Pacifique au cours des trois prochaines décennies ne devrait pas être permise. Le Japon a choisi de rejeter l’eau radioactive en mer, ce qui revient à transmettre le risque de contamination nucléaire à toute l’humanité. Le rapport de l’AIEA reconnaît que le système ALPS utilisé par le Japon « ne peut pas éliminer tous les radionucléides de l’eau radioactive ». Cela corrobore l’inquiétude du public.

Un certain nombre d’études internationales ont montré que l’eau radioactive de Fukushima contient plus de 60 radionucléides. Selon les données publiées par la partie japonaise, environ 70 % de l’eau traitée par l’ALPS ne répond pas aux normes de rejet et doit être assainie à nouveau. En outre, l’efficacité et la fiabilité de l’ALPS se détérioreront à mesure que l’équipement vieillira sur le long terme. Toutefois, le rapport ne répond pas à la question de savoir si les installations japonaises de rejet fonctionneront efficacement, si les mesures de gestion mises en place sont appropriées et si des mécanismes de contrôle stricts seront appliqués.

 « Il nous faudra des générations pour prendre les risques énormes du plan japonais de rejet en mer », a averti Henry Puna, secrétaire général du Forum des îles du Pacifique. C’est aussi une préoccupation commune de la communauté internationale. Un rapport de l’AIEA ne peut pas « blanchir » le plan de rejet du Japon. Le gouvernement japonais devrait écouter l’opinion publique, respecter la science, mettre un terme au plan de rejet en mer, traiter l’eau radioactive de manière pertinente, sûre et transparente, et se soumettre à une supervision internationale stricte.

 

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