​Quand le Moyen-Orient ne joue plus le « script américain »
RCI 2023-05-10 22:00:33

Après 12 ans d’isolement, la Syrie a finalement réintégré la Ligue arabe le 7 mai. A cette date, une réunion extraordinaire de l’organisation a décidé de reprendre la participation des délégations du gouvernement syrien aux réunions du conseil de la Ligue arabe et de tous ses organes.

Une décision considérée par des observateurs extérieurs comme un nouveau jalon dans le processus de réconciliation au Moyen-Orient, après la poignée de main entre l’Arabie saoudite et l’Iran à Beijing.

Fondée en 1945, la Ligue arabe compte 22 États membres. La Syrie en était l’un des membres fondateurs. Après l’éclatement de la crise syrienne en 2011, la Ligue arabe a suspendu la Syrie et plusieurs États arabes, dont l’Arabie saoudite, ont fermé leurs ambassades en Syrie. La Syrie s’est ainsi trouvée dans un isolement diplomatique relatif, tout en étant soumise à de nouvelles sanctions et répressions de la part des États-Unis et de l’Occident.

Il n’est pas vraiment surprenant qu’après 12 ans, la Syrie ait pu réintégrer la Ligue arabe. Depuis 2018, les forces gouvernementales syriennes ont repris le contrôle de plus de 70 % du pays, l’opposition s’affaiblissant de jour en jour. Alors que la perspective de la guerre devenait plus claire et que la reconstruction du pays après la guerre était à l’ordre du jour, les pays arabes se sont mis en contact avec le gouvernement syrien au cours des dernières années.

Début 2023, les Émirats arabes unis ont réservé un accueil exceptionnel au président syrien, la Tunisie et la Syrie ont publié une déclaration commune sur la réouverture de leurs ambassades et le ministre saoudien des Affaires étrangères s’est rendu en Syrie ... De plus en plus de signes indiquent que le retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe n’est plus qu’une question de temps.

Dans une perspective plus large de l’évolution de la situation au Moyen-Orient, le rapprochement saoudo-iranien a directement facilité le retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe. Comme les deux pays soutiennent des forces politiques différentes dans la crise syrienne, le rapprochement saoudo-iranien a sans aucun doute créé une opportunité pour la détente des relations entre la Syrie et les pays de la Ligue arabe.

Plus important encore, alors que le monde entre maintenant dans une nouvelle période de turbulences et de transformations, les pays arabes ont saisi la tendance générale de la situation mondiale et se sont « réveillés » les uns après les autres. Pendant longtemps, les États-Unis se sont ingérés dans les affaires du Moyen-Orient, attisant la confrontation et la division, ce qui a conduit à des conflits et à des guerres sans fin.

En février dernier, après le tremblement de terre en Turquie et en Syrie, les sanctions unilatérales des États-Unis ont directement empêché le sauvetage en Syrie, ce qui a encore aggravé la situation dans le pays. Les peuples du Moyen-Orient sont de plus en plus conscients de la nécessité de prendre leur destin en main.

La communauté internationale a généralement salué la réintégration de la Syrie par la Ligue arabe. Des analystes estiment que cette décision judicieuse encourage les efforts de la Syrie à renforcer la coopération régionale, améliorer son économie et se reconstruire après la guerre. Elle favorise les efforts de la Ligue arabe pour avoir davantage de voix sur la scène internationale et aider les pays membres à former une synergie politique et à jouer un rôle plus important sur la scène internationale. Enfin, elle favorise aussi la formation d’un consensus sur le règlement politique de la crise syrienne et contribue à l’apaisement continu de la situation au Moyen-Orient.

Par coïncidence, le jour même où la Ligue arabe a annoncé la réintégration de la Syrie, le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, s’est rendu en Arabie saoudite. Bloomberg estime que la décision de la Ligue arabe « au mépris des États-Unis » reflète la diminution de l’influence de Washington dans la région exportatrice de pétrole.

En effet, depuis un certain temps, Washington multiplie ses manœuvres face à un Moyen-Orient qui ne veut plus jouer le « scénario américain ». Nombreux sont des exemples : envoyer le directeur de la CIA en Arabie Saoudite pour exprimer sa « déception » face au rapprochement saoudo-iranien ; s’en prendre au gouvernement syrien à plusieurs occasions internationales sous le prétexte des « droits de l’homme » ; prétendre ne pas normaliser ses relations avec le régime d’Assad et ne pas soutenir la normalisation des relations d’autres pays avec Damas...

Toutefois, ces manœuvres n’ont pas réussi à étouffer la tendance générale à la réconciliation au Moyen-Orient. De la poignée de main saoudo-iranienne au retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe, les pays du Moyen-Orient ont envoyé des signaux clairs : ils veulent la paix, ils veulent le développement et ils veulent suivre leur propre voie.

Le site web Modern Diplomacy a ainsi commenté : « Alors que l’influence des États-Unis au Moyen-Orient diminue, les problèmes de cette région sont en train d’être résolus et le printemps est en route. »

Dans le Washington Post, le journaliste américain chevronné Fareed Zakaria a déclaré que les États-Unis étaient trop pris par les « succès diplomatiques » de la Guerre froide pour percevoir que le monde extérieur était en train de changer. La vague actuelle de « réconciliation » au Moyen-Orient rappelle aux États-Unis que les temps sont effectivement différents.

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