​Robert Lawrence Kuhn : il faut comprendre le PCC et sa logique de gouvernance
La Chine au présent 2022-10-27 10:59:49

Robert Lawrence Kuhn, président de la Fondation Kuhn (basée aux États-Unis), observe et étudie la Chine depuis plus de trois décennies. Lors de son premier voyage en Chine en janvier 1989, il s’est rendu compte que l’économie, la politique, la diplomatie et la culture de la Chine auraient bientôt une influence importante sur le monde. En 2018, à l’occasion du 40eanniversaire de la réforme et l’ouverture de la Chine, il a reçu la Médaille de l’Amitié pour la réforme, conférée par le gouvernement chinois.  

À la veille du XXe Congrès du PCC, Robert Lawrence Kuhn a déclaré dans une interview que cette édition allait non seulement établir un agenda pour les cinq prochaines années, mais également procéder à l’élaboration d’un plan jusqu’en 2035 et à la présentation d’une vision pour le 100e anniversaire de la République populaire de Chine en 2049. 

 

En tant qu’expert de haut niveau en matière de questions liées à la Chine, quel est votre point de vue sur le développement socioéconomique chinois au cours de la dernière décennie ? 

Robert Lawrence Kuhn : La Chine est devenue aujourd’hui la deuxième plus grande économie, le deuxième plus grand marché de consommation, le premier pays manufacturier, le premier pays de commerce des biens et le premier pays en termes de réserves de devises au monde. Son PIB est passé d’environ 54 000 milliards de yuans en 2012 à 114 000 milliards de yuans en 2021 (son PIB par habitant est passé de 6 300 à 12 500 dollars), et sa part dans l’économie mondiale est passée de 11,4 % à plus de 18 %.  

Depuis plus de trente ans, j’explique la Chine au reste du monde sous diverses formes, mais aucune histoire n’est aussi représentative que l’éradication de la pauvreté absolue fin 2020. En effet, les étrangers connaissent peu l’engagement de la Chine et ses actions concrètes en matière de lutte contre la pauvreté. S’ils lisent quelques reportages à cet égard, ils trouvent certainement des chiffres colossaux, tels que 800 millions de personnes sorties de la pauvreté. La compréhension réelle dans ce domaine réside dans les expériences authentiques des foyers chinois sortis de la pauvreté. Il s’agit de millions d’histoires vivantes. 

Au cours des 30 dernières années, en particulier des 15 dernières années, j’ai parcouru la Chine avec mon partenaire fidèle Adam Zhu, visitant une centaine de villes ainsi que d’innombrables districts, cantons et villages, pour mener des recherches, des enquêtes, et des interviews. En plus des livres et des essais, nous avons produit des films et des documentaires. Plus tard, je croyais avoir réussi à comprendre la Chine, jusqu’à mon voyage dans des régions pauvres, surtout dans des villages de montagne isolés. Après des conversations directes avec des personnes pauvres, je me suis rendu compte de tout ce dont nous avions besoin pour lutter contre la pauvreté. 

Je crois que le succès de la Chine dans la lutte contre la pauvreté résulte de trois aspects : la direction en action du PCC, le leadership du secrétaire général Xi Jinping qui montre l’exemple, et la capacité de mobilisation du PCC pour concentrer les ressources humaines et matérielles du pays. En fait, les raisons du succès de la lutte contre le COVID-19 en Chine sont similaires. 

 

Sur la base de votre recherche sur le modèle de gouvernance du PCC, comment appréciez-vous le développement chinois au cours de la prochaine décennie ? 

Robert Lawrence Kuhn : Le modèle de gouvernance de la Chine repose sur l’idée d’élite politique. Au sens large, il s’agit probablement d’un résultat de la méritocratie économique ou académique, qui apporterait des bénéfices incrémentaux à la société au fil du temps. 

La Chine a une longue histoire de recrutement des meilleurs talents dans les services publics, et ce processus complexe est bien utilisé à l’époque contemporaine. Ce qui est peu connu à l’étranger, c’est que le Département de l’organisation du CC du PCC est responsable de la sélection, de la formation, de la supervision, du contrôle et de la promotion des fonctionnaires du Parti et du gouvernement, même de leur rétrogradation et de leur limogeage en cas de besoin.  

Pour les fonctionnaires chinois, ce processus est rigoureux, quantitatif et continu, avec une transparence accrue et une large participation. Des formations intensives se poursuivent tout au long de leur vie professionnelle ; les règles liées au style de travail et au comportement personnel sont plus strictes ; les « Huit Recommandations » publiées par le Comité central du Parti sont sérieusement appliquées, qui s’opposent au gaspillage et qui exigent la réduction des visites bureaucratiques, des réunions et des propos creux.  

Les formations concernent la qualité morale, l’exercice strict du pouvoir, le renforcement de l’autodiscipline et l’esprit d’intégrité. Je suis en contact avec des fonctionnaires chinois à tous les niveaux depuis 33 ans, et dans l’ensemble, ils font partie des dirigeants les plus compétents au monde. 

Certes, des défis existent. Le PCC est confronté à des défis dans le domaine de la prévention de la formation de petits groupes et factions qui ont des tractations en cercle interne et qui sapent le système d’élite politique. La couche dirigeante du PCC est déjà consciente de ce problème, c’est pourquoi on a créé la Commission centrale de contrôle de la discipline au sein du PCC et la Commission nationale de surveillance. 

La Chine prévoit que le PIB par habitant atteindra le niveau des pays moyennement développés en 2035, et réalisera pour l’essentiel la prospérité commune du peuple chinois en 2050. La prospérité commune signifie un plan global de 30 ans, qui exige des efforts à long terme sous la direction continue du PCC. Parallèlement, l’intégration de la revitalisation rurale dans le cadre de la prospérité commune est considérée comme un point clé du grand renouveau de la nation chinoise.  

 

Quand les sociétés occidentales parlent du Parti communiste chinois, ils le décrivent souvent « dictature unipartite ». Que pensez-vous de ce phénomène ? 

Robert Lawrence Kuhn : Il est nécessaire de comprendre ce que la Chine entend par la démocratie populaire à processus complet, une expression mystérieuse pour les Occidentaux. Ceux-ci pensent que le système politique chinois ne peut être démocratique du tout, en l’absence de multipartisme ni de suffrage universel. 

Le président chinois Xi Jinping a déclaré que la démocratie est une valeur commune à toute l’humanité, ainsi qu’une idée importante à laquelle le PCC et le peuple chinois adhèrent inlassablement, et que la démocratie doit servir à résoudre les problèmes que les peuples veulent résoudre. D’après les théoriciens du PCC, la démocratie populaire à processus complet est une démocratie à tous les chaînons, tous azimuts et avec une couverture complète. Ils soulignent que la démocratie populaire est unie à la volonté nationale. 

Alors qu’en est-il de la pratique ? 

Le PCC appelle à élargir sans cesse la participation politique ordonnée du peuple et à renforcer la garantie par la loi des droits de l’homme, pour assurer aux personnes un large éventail de droits et de libertés conformément à la loi. Cela inclut le fait que le peuple exerce son droit de vote et élit de manière démocratique des députés à l’assemblée populaire, qu’il a le droit à l’information, à la participation, à l’expression et à la surveillance sur le travail de l’assemblée populaire. Naturellement, la direction du Parti est une condition préalable. 

La démocratie sous la direction du Parti comprend l’acceptation de l’opinion publique par des mécanismes de rétroaction, par exemple, faire des sondages d’opinion pour connaître les réflexions des gens, ou ce qu’ils pensent des nouvelles politiques, un processus consistant à faire converger la sagesse du peuple. 

Par conséquent, il y a encore beaucoup de contacts avec les différentes circonscriptions électorales, même en l’absence d’élections au sens occidental du terme. Plus concrètement, avant qu’un fonctionnaire ne soit nommé à un nouveau poste, des commentaires honnêtes de ses collègues, subordonnés et organisations supérieures du Parti seront reçus.  

Dans la promotion de la démocratie populaire à processus complet, M. Xi insiste sur le maintien et le perfectionnement du système de l’assemblée populaire, ainsi que sur l’exercice correct et efficace du droit de supervision de l’assemblée populaire, en s’en tenant au rôle important de la consultation politique dans le développement de la démocratie socialiste consultative. Bien que la Conférence consultative politique du Peuple chinois (CCPPC) n’ait pas de pouvoir législatif ni de pouvoir exécutif, elle dispose d’une force sociale croissante en matière de connaissances spéciales, d’influence et de voix publique. 

Par ailleurs, le rapport du Congrès du PCC qui se tient tous les cinq ans et le rapport d’activité du gouvernement à l’Assemblée populaire nationale qui se tient chaque année, reflètent une grande quantité d’opinions et de propositions venant des fonctionnaires, experts et électeurs. Il ne s’agit pas seulement de pratiques formelles et rituelles proposées par les hauts dirigeants, ces rapports sont en effet rédigés par différentes équipes, en consultant de nombreux fonctionnaires et experts. Au cours de la rédaction durant six ou huit mois (même plus longue), ces documents sont diffusés et modifiés à plusieurs reprises.  

Certains de mes amis en Chine m’ont demandé : pourquoi le monde a-t-il mal compris le PCC ? Je crois que c’est une question de sémantique dans une certaine mesure. En effet, dans le système de démocratie politique, le mot « parti » en anglais signifie un parti politique qui concourt à des élections multipartites, libres et ouvertes. Ainsi, lorsqu’un parti au pouvoir ne participe pas aux telles élections, ce système politique sera considéré non démocratique. 

Cependant, c’est une fausse description du système chinois, car celui-ci repose sur des principes différents. En Chine, le PCC est une organisation au pouvoir, non pas un parti concurrent. Issu d’une élite de toutes les classes sociales, il représente moins de 7 % de la population, mais sa mission est destinée à toute la population. 

Cela signifie aussi que le PCC n’est pas l’équivalent des partis au pouvoir occidentaux. Dans le système occidental, un parti politique ne représente que certains groupes d’électeurs et est limité par la durée du cycle électoral. En fait, le PCC a une obligation plus élevée et plus large d’améliorer le niveau de vie et le bien-être de tous les Chinois. Cela se reflète par des réformes, l’État de droit, la transparence du gouvernement, la participation du public à la gouvernance, ainsi que le renforcement des libertés démocratiques et des droits de l’homme.  

  

*XU HAO est journaliste à China Reporter. 

ZUO LIN est journaliste invitée à China Reporter.  

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