Commentaire : le nationalisme vaccinal tue

RCI 2021-04-26 20:51:32
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Pendant quatre jours consécutifs, le nombre des nouveaux cas confirmés de Covid-19 en Inde a dépassé les 300 000 par jour. La pénurie de médicaments et le manque de vaccins font de nombreux morts dans le pays. Beaucoup de familles sont obligées de tenir la cérémonie de crémation du corps de leur proche dans la rue à cause du manque d’espace dans les chapelles ardentes et les crématoriums, et de la hausse soudaine du nombre de décès dus au nouveau coronavirus. Une scène décrite comme un « enfer sur terre » par l’agence de presse Reuters.

Sous la pression de plus en plus forte de la communauté internationale, le gouvernement américain a enfin annoncé le 25 avril qu’il allait offrir à l’Inde de l’équipement médical, y compris des produits nécessaires à la production des vaccins contre la Covid-19. Cependant, les internautes indiens n’ont pas été impressionnés par la déclaration tardive des Etats-Unis. Ils ont reproché l’interdiction des exportations américaines de produits médicaux, ont critiqué l’administration américaine pour son action tardive et son manque de compassion, et ont déclaré : « l’Inde ne pardonnera pas votre insensibilité à un moment où elle a désespérément besoin d’aide ».

La colère des internautes indiens est compréhensible. En avril dernier, la précédente administration américaine a imposé un embargo sur l’exportation des matières premières destinées à la production des vaccins, sur la base de l’« America First ». Cette interdiction a été renouvelée après l’entrée en fonction de l’administration Biden. Cela a entraîné l’arrêt des lignes de production de vaccins en Inde.

Ironiquement, il y a un peu plus d’un mois, le président américain a promis d’aider financièrement l’Inde à produire le vaccin contre la Covid-19, et à le distribuer à d’autres pays. Cependant, face aux demandes indiennes pour lever l’embargo sur les exportations des matières premières destinées à fabriquer les vaccins après l’aggravation de l’épidémie en Inde, le département d’Etat américain, jusqu’au 22 avril, les a froidement repoussés au motif qu’il fallait d’abord garantir la vaccination des Américains.

En Inde, pays qui est l’une des plus importantes bases de production de vaccins, seulement 8,6% de la population a reçu au moins une dose de vaccin. La situation est encore pire dans les pays moins développés. Selon les statistiques de l’université Oxford, au Niger, au Cameroun, en Libye, et en Papouasie-Nouvelle-Guinée, le taux de vaccination est inférieur à 0,1%, tandis que ceux aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Israël ont atteint respectivement 41%, 50% et 61%.

Selon un rapport de l’université Duke, les Etats-Unis pourraient disposer de plus de 300 millions de doses de vaccins d’ici juillet, avec une offre excédentaire. Une étude de la Northeastern University montre qu’un monopole sur les vaccins dans les pays riches pourrait causer deux fois plus de décès que si les vaccins étaient distribués équitablement. En d’autres termes, le nationalisme vaccinal aide le virus à « tuer ».

Pour ne rien arranger, l’aggravation de l’épidémie en Inde ralentit la lutte antiépidémique mondiale. L’Inde est le plus grand fournisseur du programme « COVAX » dirigé par l’OMS et a accepté des commandes de production des vaccins d’AstraZeneca et d’autres compagnies. La combinaison de l’aggravation de l’épidémie en Inde et des restrictions américaines sur les exportations va ralentir la production des vaccins. Les pays qui attendent le vaccin pourraient devoir attendre encore plus longtemps.

Ingrid T. Katz, spécialiste des maladies infectieuses à Harvard Medical School, a critiqué le nationalisme vaccinal dans un article récemment publié dans le « New England Journal of Medicine », en le décrivant comme un comportement qui « manque de vision, qui est inefficace et fatal ».

A ce jour, le nombre de décès à cause de la Covid-19 a dépassé les 3 millions dans le monde, et ce chiffre ne cesse d’augmenter. Dans une récente interview accordée à China Media Group, Peter Maurer, président du Comité international de la Croix-Rouge, a déclaré sans ambages que si les vaccins ne sont pas distribués équitablement, « l’épidémie apportera au monde plus de conflits, plus de violence, plus de pauvreté ». Ces « nationalistes vaccinaux » ne sont pas à l’abri de la pandémie.

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