Chers Le Monde et M. Bondaz, il serait peut-être temps de présenter vos excuses ?
Note de l'éditeur : Journaliste, écrivain, blogueur et traducteur, Zheng Ruolin a été le correspondant à Paris du Wen Hui Bao, quotidien national édité à Shanghai pendant de nombreuses années.
L'article reflète les opinions de l'auteur, et pas nécessairement celles de CGTN Français.
Une « affaire » fait en ce moment débat entre certains médias français et chinois.
Il y a quelques jours, le célèbre quotidien français Le Monde a publié sur son site Internet un article accusant la chaîne francophone de CGTN d'avoir créé de toutes pièces le profil d'une journaliste française, « une certaine Laurène Beaumond » qui « développe sur le média d'Etat chinois les thèses de Pékin sur les Ouïghours et Taïwan ». Le titre à sensation du chef d'œuvre en question ? « Quand la télévision chinoise CGTN invente une journaliste française ».
Ce qui est sous-entendu, c'est que Beaumond s'exprime au nom du gouvernement chinois sur la situation au Xinjiang. Mais plutôt que de s'intéresser à la véracité des propos de Beaumond, l'auteur de l'article a tout simplement préféré remettre en cause son existence. « Le problème est que Laurène Beaumond n'existe pas. » Et l'affaire est réglée.
C'est la tendance dans les médias français ces dernières années : s'attacher à la conformité des faits n'est visiblement plus à la mode. Ce qui est important, c'est le « politiquement correct ». Ce terme de « politiquement correct » renvoie bien au « politiquement correct » français - autrement dit, le contenu des informations doit aller dans un certain sens, répondre aux obligations politiques françaises et se calquer sur l'opinion publique dominante.
Comment s'applique ce terme concernant la Chine en France ? C'est de dire systématiquement et uniquement des choses négatives sur la Chine et de donner une image défavorable de celle-ci. Et tout article ou reportage provenant de Chine concernant la politique de Beijing est directement classé dans les fake news, peu importe le sujet. Mais Le Monde est allé encore plus loin en affirmant avec aplomb que Beaumond n'existait pas. Et puisque les Chinois fabriquent désormais des individus, il n'y a absolument aucune raison de s'intéresser à ce qu'ils racontent...
L'argument avancé par Le Monde est d'avoir « vérifié qu'aucune personne de ce nom ne figure dans le fichier de la Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels français. » Le Monde en a donc tiré la conclusion que Laurène Beaumond n'existait pas.
En fait, c'étaient des tweets du sinologue Antoine Bondaz qui ont fait croire au Monde que c'était une « bonne histoire » pour dénigrer CGTN.
Bondaz, qui a récemment connu son quart d'heure de célébrité en ayant été traité de « petite frappe » par le personnel de l'ambassade de Chine en France après un vif échange, a publié plusieurs tweets visant CGTN Français, sans doute dans un accès de vengeur.
« Je n'ose imaginer que CGTN Français qui vient d'obtenir l'autorisation par le CSA d'émettre en France publie des articles sur le Xinjiang écrit par de faux profils se faisant passer pour des journalistes basés en France, comme "Laurène Beaumond" », a écrit Bondaz.
Mais les faits sont les faits. Antoine Bondaz et Le Monde ont sauté à pieds joints et avec fracas dans le panneau avec une rapidité effarante.
D'autres médias ont enquêté et ont découvert que Laurène Beaumond existait bel et bien et qu'elle était bien doublement diplômée d'histoire de l'art et de journalisme. Elle a même accordé une interview exclusive à un journaliste du Figaro. Pourquoi son nom ne figure-t-il pas dans le registre de la Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels français ? Parce qu'elle a utilisé un nom d'emprunt. Et pourquoi a-t-elle utilisé un nom d'emprunt ? Parce qu'il existe une forte pression exercée sur des journalistes ou intellectuels français qui osent s'exprimer à contre-courant des grands médias français.
Beaumond a eu raison de s'inquiéter, car les exemples sont nombreux.
Christian Mestre, enseignant célèbre et président de la Faculté de Droit de Strasbourg a été accusé en 2019 de soutenir le gouvernement chinois dans un discours prononcé en 2019, où il approuvait la politique menée dans la région du Xinjiang.
Autre exemple, celui de l'écrivain Maxime Vivas qui s'est rendu deux fois au Xinjiang. De cette expérience il a tiré l'ouvrage : « Ouïghours, pour en finir avec les fake news » paru en 2020. Quelqu'un lui aurait dit : « Ne songes même plus à publier de livre en France à l'avenir... »
Voilà pourquoi Laurène Beaumond a dû utiliser un nom d'emprunt. Elle subit elle-même une forme de harcèlement, la forçant à fermer tous ses comptes sur les réseaux sociaux. Elle a avoué vouloir abandonner ce nom de plume et qu'on l'oublie au plus vite... Cela veut tout dire !
Elle n'a fait que livrer son témoignage.
Elle a vécu sept ans en Chine et s'est en effet mariée à un homme originaire du Xinjiang en 2014. C'est une région qu'elle connaît bien. Dans ses confidences au Figaro, elle a déclaré avec un courage admirable qu'elle assumait pleinement ses écrits et qu'elle a pris l'initiative de l'envoyer le 24 mars à la rédaction de CGTN Français. Le texte a été publié quelques jours après en Chine, après vérification de son contenu.
Je tenais à dire « bravo » à cette journaliste et à féliciter son courage et sa volonté de défendre son témoignage.
Je suis curieux de savoir pourquoi l'article du Monde était d'abord gratuit, puis réservé aux abonnés. Un bon article pour humilier le média chinois. Non ?
Monsieur Bondaz, de son côté, a également supprimé plusieurs de ses tweets et publications et a soigneusement effacé les commentaires qui le gênaient. Il continue à faire comme si rien n'était. La Chine se sent blessée, nous ne pouvons pas laisser passer cela.
Vous devez présenter vos excuses, et le faire solennellement. Vos propos ont trompé vos lecteurs, ont blessé le personnel de CGTN Français accusé à tort, blessé Laurène Beaumond bien évidemment. Mais vous avez surtout causé du tort aux relations entre la France et la Chine. Vous devriez dire exactement pourquoi vous vous excusez. Parce qu'avoir accusé la chaîne chinoise d'avoir inventé quelqu'un, c'est précisément dire une fake news ! Vous devez vous excuser auprès de vos lecteurs et de tous ceux que vous avez heurtés. Mais que vous le fassiez ou non, cela montre à quel rapport vous avez avec les fake news.
Nous espérons également que Laurène Beaumond ne sera jamais menacée à cause de ce qu'elle a écrit. Elle n'a rapporté que des choses dont elle a été témoin dans un cadre non-professionnel, qui plus est. Et elle a parfaitement le droit de conserver l'anonymat dans une grande démocratie comme la France.
Enfin, qu'il s'agisse des reporters du Monde ou de M. Bondaz, ils semblent tomber des nues quand des reporters étrangers travaillent pour « les médias d'État chinois ». Oui, des médias chinois sont publics, le but étant d'empêcher des capitaux privés d'utiliser et de contrôler les médias à des fins personnelles. La France possède aussi des chaînes publiques ainsi que des stations de radio. Mais le problème n'est pas tellement de savoir si ces médias sont privés ou publics, c'est plutôt de savoir s'ils disent la vérité ou non. Concernant le « cas » de Laurène Beaumond, Le Monde et Antoine Bondaz ont menti. Et CGTN Français accusée à tort. Rien que pour cela, ils doivent s'excuser.