Commentaire : le « Quad » tente en vain de contenir la Chine

Les dirigeants des Etats-Unis, du Japon, de l'Inde et de l'Australie ont récemment organisé une visioconférence du mécanisme du « Quad », un premier sommet depuis sa mise en place en 2004. A en croire la National Public Radio des Etats-Unis, cette alliance vise désormais à contenir la Chine.

Il convient de préciser que le « Quad » a été créé après les tsunamis qui ont frappé les côtes de l’océan indien en 2004, dans le but de se collaborer dans les secours et la reconstruction. Mais après un exercice militaire maritime conjoint, ce mécanisme était resté dans une longue période d’hibernation, jusqu’à ce que l'ancien président américain Donald Trump eut proposé la soi-disant « stratégie indopacifique ».

Après la prise de fonction de la nouvelle administration américaine, le « Quad » est passé d’un simple cadre de dialogue ministériel au niveau du sommet, avec la nomination du diplomate expérimenté Kurt Campbell comme « coordonnateur indopacifique ». Poste nouvellement créé au sein du conseil de sécurité de la Maison-Blanche. Pour des analystes, cette décision reflète la volonté de la nouvelle administration américaine de poursuivre la « stratégie indopacifique », et que contrebalancer la Chine avec les pays indopacifiques restait toujours l’un de leurs objectifs.

Et dans la déclaration qui a sanctionné ce premier sommet virtuel du « Quad », les sujets comme la lutte contre la Covid-19, le changement climatique et la sécurité régionale ont été évoqués. La déclaration précise que les Etats-Unis, le Japon et l'Australie ont annoncé avoir conclu un accord pour accroître les investissements dans les sociétés pharmaceutiques indiennes et augmenter la production des vaccins anti-Covid. Nulle part, dans cette déclaration, on a cité la Chine. Mais, à lire ce texte entre les lignes, il se dégage une sorte d’hostilité à la Chine qui ne dit pas son nom. En effet, ce sommet ressemble à une supercherie politique qui n’a aucune chance d’aboutir.

Il faut d’abord et avant tout préciser que le « Quad » n'est pas une coalition solide. Cet ensemble hétérogène dans lequel chaque pays a son agenda politique. C’est le cas des Etats-Unis et du Japon qui se préoccupent de la Mer de Chine méridionale et de la Mer de Chine orientale, tandis que l'Australie se soucie du Pacifique occidental, mais aussi de ces deux dossiers susmentionnés. Pour l'Inde, ce mécanisme est consacré à l'océan indien.

Il y a aussi le fait que, pour des raisons économiques, les trois pays ne pourront pas faire route ensemble avec les Etats-Unis, étant donné que la Chine est le plus grand partenaire commercial du Japon, de l'Inde et de l'Australie. Durant la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis, les producteurs des semi-conducteurs japonais ont rapidement remplacé leurs homologues américains pour s’imposer sur le marché chinois. Quant à l'Inde, elle accélère l'approbation des dizaines d'investissements chinois. Même l'Australie, membre de la « Five Eyes Alliance », envoie des signaux à la Chine, dans l'espoir d’y reprendre ses exportations de bois et des minerais

Si les Etats-Unis veulent accroître leur influence dans la région indopacifique, le fragile mécanisme du « Quad » ne leur suffit pas, ils doivent aller chercher le soutien des pays de l’ASEAN. Or, le soutien des pays de l'ASEAN s’avère aussi utopique. Pendant ce temps, les tensions en mer de Chine méridionale ont baissé d’un cran, la signature du RCEP apporte des grosses opportunités à la coopération régionale. Reste à savoir, quel est le pays qui aimerait dans le contexte coaliser les forces contre la Chine ?

Pour la communauté internationale, l’actuelle administration américaine fait semblant de rompre avec les politiques de l’administration qui l’a précédée, en affirmant que la diplomatie américaine était de retour. Ce qui n’est pas forcément vrai, d’autant plus que l’actuelle administration américaine procède au multilatéralisme sélectif, à une politique des blocs. Une stratégie qui ne fera qu’accentuer les tensions et provoquer de nouveaux conflits, portant atteinte à la paix et à la stabilité régionales, d’où l’impérieuse nécessité de rester vigilant.

« Les affaires internationales doivent être gérées à travers les consultations et l’avenir du monde devrait être déterminé conjointement par tous. » Voilà le vrai multilatéralisme dont le monde a besoin. Si le « Quad », dirigé par les Etats-Unis, reste un « multilatéralisme de façade», il est clair que cette structure ne rencontrera pas les attentes du peuple, et ses actions seront, à coup sûr, contre-productives.