Création d’une « alliance de démocraties », une tentative sans lendemain des Etats-Unis

RCI 2021-02-07 21:59:17
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Si les « intérêts» étaient le maître-mot de l’administration américaine précédente, les « valeurs » le sont pour la nouvelle administration américaine.

Qu’il s’agisse du récent discours de politique étrangère du président américain Joe Biden au Département d’Etat américain ou des actions intensives de l’équipe diplomatique de l’administration américaine depuis son entrée en fonction, un message important a été transmis : réparer des relations avec les alliés est une priorité qui doit être inscrite dans l’agenda de l’actuelle administration américaine. Reconstruire une alliance avec la « démocratie » comme valeur principale constitue un objectif plus urgent pour les Etats-Unis.

En fait, la soi-disant « alliance de démocraties » n’est pas un concept nouveau. En 2008, David Gordon, fonctionnaire au Département d’Etat américain de l’époque, avait proposé pour la première fois l’idée de créer un « Groupe des démocraties » dans le but de coordonner davantage leurs stratégies respectives. La partie américaine chante ce refrain en ce moment, et son intention n’est pas difficile à lire : il ne s’agit pas seulement de colmater les brèches du partenariat transatlantique, fissuré de toute part, mais aussi de rassembler des alliés pour contenir conjointement la Chine. Joe Biden n’a pas éludé ce sujet dans son discours de politique étrangère.

Mais quel attrait aura-t-elle une telle alliance ?

Des pays de l’UE n'ont pas tardé à faire connaître leurs positions. « Bien que l’Europe et les Etats-Unis aient beaucoup de consensus, l’Europe a toujours besoin d’une politique indépendante à l’égard de la Chine », a martelé, le 5 février, la chancelière allemande Angela Merkel. La veille, c’était au tour du président français Emmanuel Macron d’afficher la même attitude. « Même si l’UE et les Etats-Unis partagent des valeurs communes, il ne faut pas se joindre aux Etats-Unis pour contrer la Chine », avait-il souligné. Toutes ces déclarations vont dans le sens de l’opinion que se fait l’hebdomadaire américain « News Week ». Cet organe de presse pense que l’idée des Etats-Unis de créer une « alliance de valeur » ne trouvera pas preneur dans l'Europe contemporaine, d’autant plus, argumente le journal, l’idée telle que proposée par les Etats-Unis surestime l’importance des opinions démocratiques dans la politique étrangère européenne.

Nul ne peut ignorer qu’à l’ère de la mondialisation, les intérêts de tous les pays sont entremêlés. Et la pandémie de COVID-19, qui a jusqu’ici changé la physionomie du monde, a suscité une prise de conscience du monde entier sur l’importance de la solidarité et la nécessité de la coopération.

Si Joe Biden lui-même a souligné la nécessité d’une coopération avec la Chine, pourquoi d’autres pays devraient-ils se liguer contre la Chine au profit des Etats-Unis et au détriment de leurs intérêts ?

De plus, peu importe la campagne tambour battant de la « démocratie » que mène l’actuelle administration américaine, il est évident que cette administration ne saurait dissimuler tout le chaos de la société américaine. Polarisation politique, partisannerie persistante, fissures sociales, injustice basée sur la race, émeutes au Capitole ... La « démocratie à l’américaine » est tombée de son piédestal. Le mal est tellement profond que l’image de cette démocratie ne saurait être soignée à la suite du changement de locataire à la Maison Blanche. Joseph Stiglitz, lauréat du prix Nobel d’économie, a souligné avec sagacité et perspicacité que le système démocratique du « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple », prôné par Abraham Lincoln, est devenu « gouvernement du 1% du peuple, par 1% du peuple, pour 1% du peuple ».

Même l’opinion publique américaine déplore que les Etats-Unis aient perdu aujourd’hui leur capacité de faire la pluie et le beau temps dans le monde occidental. Le « Washington Post » a récemment posé une question : pourquoi les alliés devraient-ils croire en Etats-Unis, pays dont l’administration n’a pas su bien gérer la pandémie, où le Congrès a été le théâtre des émeutes ?

Il n’existe pas deux feuilles d’arbre identiques, et il n’existe pas non plus les mêmes histoires, cultures ou systèmes sociaux. La diversité existe et existera pour toujours. Créer un « petit cercle de valeurs » ne peut qu’entraîner le monde dans la division, voire dans la confrontation. Comme l’a dit l’ancien secrétaire d’Etat américain Henry Kissinger : il n’est pas sage de former une alliance pour viser un pays spécifique. Abandonner les préjugés idéologiques, gérer les différends et se concentrer sur la coopération, voilà ce qui correspond à la volonté du peuple et à la tendance générale.

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