Discrimination raciale, le cauchemar éternel de la société américaine
Les mouvements contre la discrimination raciale ne se terminent pas aux Etats-Unis. Dans l’après-midi du 29 août, des milliers de personnes sont descendues dans la rue de Kenosha dans le Wisconsin pour protester contre la brutalité policière sur Jacob Blake, un Afro-Américain dans le dos duquel les policiers ont tiré sept balles. La scène s’est passée en présence des trois enfants de la victime qui, selon des sources médicales, est entièrement paralysée, mais encore à l’hôpital.
Un jour avant ce drame, plusieurs dizaines de milliers de personnes s’étaient rassemblées à Washington pour commémorer les 57 ans du discours de Martin Luther King. Devant cette foule compacte, le fils aîné du pasteur a déploré le cauchemar que vit la société américaine en matière de discrimination raciale. Une situation qui ne ressemble pas aux attentes de son feu père.
Une réalité bien triste. En mars cette année, à Louisville, Breonna Taylor, une Afro-Américaine a été tué par balle à son domicile par des policiers à la recherche des trafiquants de drogue. En mai, à Minneapolis, George Floyd est mort par asphyxie après qu’un policier l’a plaqué ventre contre sol, en maintenant son genou sur le cou de la victime.
Cette répétition de violences policières basées sur la couleur de la peau, dont les citoyens afro-américains sont généralement victimes, font mal dans une société américaine pourtant très sensible à la question raciale, mais qui continue à souffrir de cette vieille blessure de la discrimination. Pourquoi ? Les raisons sont à chercher dans le passé et le présent.
Du 16e au 18e siècle, les Européens ont instauré l’esclavagisme en Amérique du Nord. Un nombre considérable d’Africains ont été vendus, sans leur consentement, aux Etats-Unis. « La couleur de la peau a été décisive pour l’avenir d’un Américain », on peut le lire dans L’Histoire des ethnies d’Amérique de Thomas Sowell, économiste américain d’origine africaine. En 1661, l’Etat de Virginie a adopté la première loi affirmant explicitement l’esclavagisme, une loi qui sera appliquée également aux descendants des esclaves. En 1861, les Etats-Unis d’Amérique comptaient 4 millions d’esclaves noirs.
Pour des raisons politique, historique et idéologique, la fin de l’apartheid depuis le milieu du 20e siècle n’a pas pu amener les Etats-Unis à mieux gérer les relations interethniques. On a constaté depuis 2016 un rebond du suprémacisme blanc aux Etats-Unis. Les manifestations des forces d’extrême droite en été 2017 à Charlottesville, ainsi les actes terroristes racistes qui se sont succédés ont assombri les relations entre les peuples de différentes couleurs.
Sur le plan de l’application de la loi, le phénomène de la discrimination raciale saille. Les ethnies minoritaires voient leurs droits fondamentaux piétinés sans scrupule. Le rapporteur spécial des Nations Unies fait état de l’absence des sanctions contre les auteures des tueries et persécutions récurrentes sur les Afro-Américains. Par rapport à l’homme blanc, un adulte afro-américaine a 5,9 fois de risque d’être incarcéré, selon le même rapporteur. « Il existe aux Etats-Unis deux systèmes juridiques, un pour les blancs, un autre destiné aux Afro-Américains, ce dernier ne fonctionne pas normalement. » Ainsi a déploré le père de Blake.
La crise du coronavirus vient s’ajouter aux inégalités raciales. « Les inégalités raciales sont aussi mortelles que la maladie du nouveau coronavirus » : le titre d’un article publié sur le site de la CNN en dit long. L’article a cité Elizabeth Wrigley-Field, chercheuse à l’université de Minnesota qui constate que la pandémie a frappé de façon « disproportionnelle » les Afro-Américains et que cela creusera l’écart entre les ethnies en termes de mortalité.
En effet, selon Olubukola Nafiu, de Nationwide Children's Hospital de l’Ohio, cité dans l’article, les inégalités en termes de position sociale, de condition économique, d’accès aux soins, d’assurance et de qualité de service dans des hôpitaux sont toutes susceptibles de produire de différents résultats de santé selon l’ethnie.
La discrimination raciale continue de déchirer la société américaine. Selon un récent sondage réalisé dans 14 pays développés, 80% des Américains estiment que la pandémie a encore déchiré leur pays. L’immobilité et le comportement insensé des politiciens américains y ont certainement contribué.
L’âne contre l’éléphant, c’est le quotidien du paysage politique américain marqué par l’affrontement constant entre républicains et démocrates. Chaque partie s’accapare de l’opinion publique sans donner de réponse signifiante à la question raciale. Comme il est indiqué dans un récent reportage de New York Times, les manifestants anti-discrimination raciale revendiquent une réforme imminente du système policier, alors que la dernière Convention du Parti républicain a préféré effacer le malheur des Afro-Américains et insister sur le « débordement » provoqué par les manifestations. Un contraste qui laisse pessimiste quant à la volonté des autorités à résoudre le problème.
L’égalité des hommes devant la loi est un principe fondamental consacré dans la Déclaration universelle des Droits de l’homme. Les politiciens américains ont beau se considérer comme des défenseurs des droits de l’homme. Ils n’ont ni l’intention, ni la capacité à gérer les questions raciales qui sévissent sur leur territoire. Ceci est le résultat des défauts structurels des institutions américaines et de la profonde hypocrisie des droits de l’homme à l’américaine.
Le contrôle du pouvoir étatique par les blancs d’origine européenne, et la discrimination systématique exercée sur les autres ethnies sont des caractères essentiels des contradictions raciales aux Etats-Unis. Résultat, les ethnies minoritaires sont séparées par une fracture infranchissable des blancs d’origine européenne. Autrement dit, la vieille plaie du racisme n’a jamais été soignée, elle continue à être ouverte à travers les conflits et violences incessantes. Les ethnies minoritaires en souffrent au point de ne pas pouvoir respirer : I can’t breath.