A qui profite le retrait des forces américaines d’Allemagne ?
Les Etats-Unis décident de retirer 12 000 hommes de leurs troupes stationnées en Allemagne. Ils prévoient envoyer la moitié de ces militaires en Belgique, en Italie et au Royaume uni, et la deuxième moitié rentrerait à la maison. Washington prévoit également augmenter ses effectifs militaires dans les pays baltes. Ces décisions, qui inquiètent et fâchent l’Allemagne, ne sont pas du goût de la Russie. Sur place aux Etats-Unis, ces décisions ne font pas l’unanimité.
En effet, si la décision du retrait des troupes américaines d’Allemagne est exécutée, c’est l’économie de ce pays, allié de poids des Etats-Unis, qui en souffrira. C’est précisément la ville de Grafenwoehr qui sera plus affectée. Cette petite agglomération de 7.000 habitants accueille 11. 000 soldats américains.
L’Allemagne dont l’économie est déjà en difficulté à cause du COVID-19, avec une projection de décroissance de 7,8%, selon les chiffres du FMI, devrait s’attendre à des difficultés économiques supplémentaires si jamais les menaces américaines étaient mises en exécutions. Ce qui est sûr, le départ des troupes américaines ne faciliterait pas les choses à certaines villes allemandes dont les économies dépendent en partie des transactions dues à la présence militaire. Il va sans dire que le secteur de l’emploi sera impacté, avec la probabilité de connaitre un taux de chômage élevé. Ce qu’il faut également craindre, c’est l’effet domino que pourra avoir cette décision américaine dans d’autres secteurs de la vie. Voilà pourquoi, les gouverneurs des 4 bundeslands concernés ont parlé de « catastrophe » dans la lettre qu’ils ont adressée aux membres du congrès américain.
Le partenariat transatlantique déjà assez affaibli vient donc de recevoir un nouveau coup. Le secrétaire général de l’OTAN affirme en avoir déjà avisé tous les alliés, alors que le gouvernement allemand dit avoir appris la nouvelle dans la presse comme tout le monde. A ce propos, le secrétaire américain à la défense tente de relativiser : ce genre de redéploiement de forces s’est déjà passé plusieurs fois dans l’histoire de l’OTAN, a-t-il rappelé. De son côté Donald Trump, comme à ses habitudes, n’y est pas allé avec le dos de la cuillère : « les Allemands ne paient pas pour l’armée américaine...Si les Allemands augmentent leurs contributions, je vais reconsidérer la question... », a dit le président des Etats-Unis. Nicu Popescu, expert au conseil des relations diplomatiques de l’UE pense que les Etats-Unis perdent de leur influence et crédibilité, tandis que l’Europe perd en stabilité. Le retrait des troupes américaines a ébranlé l’ordre international établi au lendemain de la Seconde guerre mondiale, constate pour sa part Bloomberg News.
Par contre, pour ce qui est de la Pologne, le pays balte semble pouvoir désormais bénéficier de la présence militaire américaine pour atteindre ses objectifs stratégiques. Mais sera-t-il plus en sécurité si les désaccords se multiplient au sein de l’OTAN ? D’autant plus qu’on ne sait pas encore comment les frais de défense seront partagés entre Washington et Varsovie : les deux pays devront encore signer leur traité sur la coopération de défense. Sans parler des difficultés sur les plans des finances et des infrastructures que pourront rencontrer des pays d’Europe de l’Est dans l’hypothèse où ils accepteraient la présence militaire américaine sur leurs sols. Le stationnement des Américains en Pologne coûtera la fortune à ce pays d’Europe de l’est.
La présence des forces américaines en Europe de l’Est constitue-t-elle une stratégie de dissuasion à l’égard de la Russie ? La perspective sera difficile à réaliser. Le redéploiement de forces engagerait d’importantes dépenses et susciterait des mécontentements au sein de l’OTAN, alors que les relations entre la Russie et organisation militaire sont pour l’heure stables.
Pour Heather Conley, chercheur au Centre d’études des questions stratégiques et internationales, les Etats-Unis sont en train de commettre un « suicide stratégique », en n’ayant plus la confiance en leurs alliés et en créant des conditions de l’affaiblissement de l’OTAN. Il est vrai qu’on peut casser la chaîne d’un seul coup, mais la plus difficile reste son rétablissement. Combien coûtera la facture de la restauration du partenariat transatlantique ? Et visiblement, la Maison Blanche ne pense pas à ce calcul.