Commentaire: Révocation du commandant de l’USS Theodore Roosevelt : l’arbre qui cache la forêt

RCI 2020-04-05 21:06:44
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Le capitaine Brett Crozier, commandant du porte-avions Theodore Roosevelt, a été déchu par sa hiérarchie pour avoir, dans une lettre adressée à US Navy, appelé au secours des marins. C’est cette alerte, pourtant salvatrice, qui lui a coûté son poste. Cette étonnante révocation ne serait-elle pas cet arbre qui cache la forêt? C’est en tout cas la question que tout le monde se pose.

Dans une vidéo devenue virale sur Internet, on voit le capitaine Crozier descendre de la passerelle, acclamé et applaudi par les marins. Avant de monter à bord de sa voiture, ce désormais ancien commandant a fait un signe d’adieu à ses hommes. Aussi curieux que cela puisse paraître, M. Crozier qui devrait, conformément aux valeurs américaines, être considéré comme héros, pour avoir tenté de sauver des milliers de vies, est cependant vu comme un coupable. L’homme serait victime de l’injustice orchestrée au niveau du haut commandement américain.

Tout a commencé par une lettre. Vers fin mars, les cas d’infection du Covid-19 se multipliaient à bord de Theodore Roosevelt. Brett Crozier écrivit alors une lettre à la direction de l’US Navy, lui demandant d’évacuer le navire dont il était commandant.

«Il faut agir vite, sinon nous n’aurions plus les moyens de prendre soin de nos précieux marins», a écrit le capitaine dans sa lettre relayée par CNN. Les chiffres donnés le vendredi 27 mars par un officier du département de la Défense faisaient état de 137 cas confirmés parmi les marins du navire Theodore Roosevelt, soit 10% du nombre total des cas recensés dans l’armée américaine. Mais ce qui intrigue dans cette affaire, c’est le fait de voir ce sauveur sermonné par les autorités militaires américaines au point de le révoquer. Sa hiérarchie l’accuse d’avoir «mal jugé la situation».

Une décision qui revient à «tirer sur le messager», selon l’ancien vice-président Joseph Biden. Cette affaire a fait grand bruit aux Etats-Unis. Des démocrates du conseil de la défense de la Chambre des Représentants n’ont pas tardé à critiquer la décision de l’US Navy qui a voulu « déstabiliser le porte-avions Theodore Roosevelt» et«exposer les marins sous la menace de l’épidémie».

Et s’en est suivie une pétition lancée par de nombreux internautes américains, réclamant la réhabilitation de Crozier. Des analyses essaient de faire le rapprochement de 3 points pour comprendre les véritables motivations qui conduisent Washington à agir de la sorte:

Primo, les autorités ont sanctionné Crozier pour avoir révélé des infos « confidentielles ». Washington est sévèrement critiqué pour sa réponse tardive et mal appropriée à l’épidémie. La lettre de Crozier a été publiée par les médias et a montré devant le public les défaillances des autorités militaires. Suffisant pour surprendre désagréablement le public et créer la panique, a compris de sa manière Thomas Modly, le secrétaire à la Marine par intérim.

Secondo, la marine américaine avait besoin d’un bouc-émissaire qui devrait être tenu responsable de la propagation du virus à l’intérieur du navire. Modly a annoncé devant la presse que Crozier avait « troublé pour rien les marins et leurs familles », sans pourtant « avoir aucun projet pour résoudre le problème ». La marine a donc collé à Crozier l’étiquette de l’immobilisme devant l’épidémie.

En dernière analyse, l’armée américaine considère que la fuite de ces informations porterait préjudice à sa force dissuasive. Sa sanction contre le capitaine Crozier est un message qui traduit sa volonté de ne plus voir pareille situation se reproduire. Stationné dans le Pacifique ouest, le Theodore Roosevelt est un important appareil dissuasif. Aux yeux de la direction de la marine, la révélation de la situation sanitaire à son bord pourrait « nuire à sa combativité ».

Tout porte à croire qu’entre dissimiler le fait et lutter contre le Covid-19, Washington a déjà fait son choix. Reste que le gouvernement fédéral se ressaisisse et se concentre à la lutte contre le Covid-19. Déjà en janvier de l’année en cours, la docteure Helen Chu avait lancé l’alerte sur le nouveau coronavirus. Un mois plus tard, elle sera contrainte au silence et à l’arrêt de tout test sur le Covid-19.

Il apparaît clairement que les décideurs américains tâtonnent encore dans la prise de bonnes décisions qui pourraient favoriser le contrôle de l’épidémie aux Etats-Unis. La mise en avant de leurs intérêts égoïstes serait sans nul doute à la base de leur échec cuisant. Le mécanisme américain de prise de décision est complètement infecté par le virus de la bureaucratie: c’est bien à cause de cela que beaucoup de temps a été perdu dans la riposte à l’épidémie.


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