L'équipe de tournage participe à la première du documentaire.
Lu Chuan, réalisateur chinois plusieurs fois primé, vient de sortir son dernier chef-d'œuvre : Born in China, documentaire retraçant le destin de trois familles d'animaux protégés. À découvrir au cinéma dès maintenant en Chine et en septembre 2017 en France…
GONG HAN, membre de la rédaction
La coproduction sino-américano-britannique Born in China signée Lu Chuan a fait son entrée dans les salles obscures en Chine le 12 août dernier. Ce film documentaire sur le thème de la nature décrit le quotidien au fil des saisons de plusieurs espèces de la faune chinoise, en mettant l'accent sur leur vie familiale, leur reproduction et l'évolution de leur population. Parmi ces animaux figurent des pandas géants vivant à l'état sauvage dans la province du Sichuan, des singes dorés (ou rhinopithèques) ainsi que des onces (ou panthères des neiges) dans la réserve de Sanjiangyuan et des antilopes du Tibet. Seulement quatre jours après sa sortie au cinéma, le long-métrage comptabilisait déjà près de 20 millions de yuans de recettes au box-office, un succès remarquable pour un documentaire mettant la nature à l'honneur.
Un peu de tendresse dans le monde sauvage
Après leur longue migration annuelle, les antilopes du Tibet femelles parviennent au lac Zhuonai en haut du plateau Qinghai-Tibet, jalon important de leur intense périple. C'est en ce lieu qu'elles vont donner naissance à leurs petits. Après quoi, les bébés antilopes encore fragiles recherchent leur mère qu'ils identifient par l'odeur. La tâche n'est pas des plus faciles pour eux, mais ils finissent toujours par retrouver leur génitrice. À ce moment-là, ils se couchent à ses pieds pour se reposer paisiblement après cette quête et nouent avec elle des liens affectifs indissolubles.
Ce passage, qui ne dure qu'une dizaine de secondes dans le film, est véritablement un condensé de nature et de douceur. Il est clair que l'objectif n'est pas focalisé sur les espèces une à une, mais plutôt sur les familles qui les composent. Chaque animal possède un caractère singulier, mais tous peuvent faire preuve de tendresse et d'amour. Dans le film, les spectateurs sont amenés à voir des scènes d'une rare beauté : une maman panda tenant maladroitement son petit dans ses bras et l'observant téter.
Lors d'une diffusion en avant-première aux États-Unis, Born in China a reçu de la part du public la note de 87/100, propulsant cette production sur le podium des films les mieux notés ces dix dernières années. Le réalisateur Lu Chuan a commenté : « Je pense que ce film raconte une histoire à la portée des spectateurs du monde entier, car la famille est un sujet qui trouve une résonance chez chacun de nous. »
L'once est un trésor rarissime dissimulé sur le plateau enneigé du Tibet, que peu de personnes (moins de 50 chaque année) affirment avoir aperçu. De nombreux naturalistes arpentent péniblement le Tibet, à de multiples reprises, juste pour observer cette espèce. Dans Born in China, les spectateurs ont non seulement l'occasion de contempler l'once Dawa, mais aussi le panda géant Yaya et sa fille Meimei perchés dans une bambouseraie du Sichuan, le singe doré farceur Taotao grimpant aux arbres dans la jungle de Shennongjia, la grue à couronne rouge surnommée jadis la « grue magique » dans la mythologie chinoise, ou encore la rare antilope du Tibet si gracieuse sur le plateau Qinghai-Tibet.
L'once Dawa, de par son courage et son agilité, mérite d'être sacrée « reine de la montagne ». Lorsqu'elle aperçoit une proie, elle se tapit de tout son corps derrière des rochers, en alerte, avant de bondir et de se montrer sans pitié envers ses victimes. Toutefois, sous cette apparence féroce se cache le cœur d'une mère. Elle s'occupe seule de nourrir ses enfants. Pour eux, elle part à la chasse, elle combat les ennemis, et même blessée à la patte, elle prend encore le risque de s'attaquer à un troupeau de yaks.
De son côté, le singe doré Taotao est un trublion qui convoite la chaleur d'un foyer. Il se sent perdu depuis la naissance de sa petite sœur. Alors, il décide de partir loin des siens et de traîner en compagnie de singes errants. Dans cette communauté, il rencontre pour la première fois un autour des palombes, découvre l'égoïsme et le laxisme des singes errants, et regrette de plus en plus sa mère et sa sœur.
Par ailleurs, dans la vie presque entièrement solitaire d'un panda, élever un enfant est un épisode particulièrement spécial et précieux, qui ne dure que quelques mois. Le panda Yaya, ne sachant comment s'y prendre, agit en mère dominatrice, pleine d'amour maladroit et surprotecteur envers son petit. Yaya semble disposée à ne pas perdre une miette des progrès que réalise quotidiennement sa fille Meimei. Mais Meimei, animée par la curiosité, le désir de grandir et la soif de liberté, ne souhaite pas que sa mère s'occupe d'elle en permanence : elle voudrait apprendre à se nourrir et à se défendre de manière autonome.
Un pari complètement fou
Pour le réalisateur Lu Chuan, ce film était « un pari complètement fou », avant tout pour lui-même. Il avait déjà tourné Kekexili, la patrouille sauvage, film qui contait l'histoire d'une équipe luttant contre le braconnage des antilopes du Tibet, mais pour lui, réaliser un film prenant pour thème la nature dans son ensemble revenait à s'aventurer en terre inconnue.
Lu Chuan plaisante en précisant que pour cette production, les acteurs ne demandent pas de cachet, mais souligne que les difficultés sont d'autant plus grandes : premièrement, il ne faut pas que le tournage vienne troubler ou parasiter la vie des animaux sauvages sous quelque forme que ce soit ; deuxièmement, il ne faut en aucune façon chercher à attirer les animaux (en leur jetant de la nourriture par exemple), car ils adopteraient alors des comportements contraires à leurs habitudes ; troisièmement, il ne faut surtout pas altérer ni transformer le milieu de vie de ces animaux sauvages.
Cinq équipes de cameramen venant de France, du Royaume-Uni, des États-Unis et d'Allemagne ont travaillé sur le tournage pendant environ 18 mois au cœur de plusieurs réserves naturelles, dont celles de Wolong, de Shennongjia, de Hoh Xil (ou Kekexili), de Sanjiangyuan (« source des trois rivières ») et de Yancheng. Ces équipes devaient chacune filmer une espèce, à savoir l'once, l'antilope du Tibet, le panda géant, le singe doré et la grue à couronne rouge. Elles ont enregistré un total de 350 heures de bande, dont seules 80 minutes ont été conservées pour composer l'œuvre finale.
La population des onces accusant une forte baisse ces dernières années, les cameramen n'ont pas réussi à filmer ne serait-ce qu'un spécimen le premier mois qu'ils étaient à Yushu, dans la province du Qinghai. En plus, ils ne s'attendaient pas à une météo aussi capricieuse sur le plateau. L'alternance de la pluie, de la grêle, du soleil, de la neige, du brouillard mettait leur patience à rude épreuve.