Bien que l'équilibre sur le long terme du taux de change du yuan soit visible à l'horizon, à court terme, l'existence d'une possibilité de dépréciation devient un casse-tête.
Le taux de change est une variable économique complexe. Lorsqu'une monnaie se déprécie, il faut faire la différence entre le cours croisé et le taux de change effectif : le premier est le taux de change entre deux monnaies, alors que le second est la moyenne pondérée en parité des prix d'une monnaie par rapport à un panier de devises. En d'autres termes, le taux de change du yuan par rapport au dollar américain est un cours croisé, tandis que l'indice du dollar et le taux de change effectif du yuan sont des taux de change intégrés.
Pour les actifs en yuans et pour l'internationalisation du yuan, le taux de change par rapport au dollar et le taux de change effectif sont tous deux importants. Ce dernier revêt une plus grande importance sur le long terme. Cependant, le marché se concentre souvent avant tout sur le premier, en négligeant le second.
Plusieurs raisons expliquent pourquoi la perspective d'une dépréciation du yuan est devenue un casse-tête.
Premièrement, le marché néglige souvent le fait que la dépréciation du yuan contre le dollar est accessoire au renforcement de l'indice du dollar.
Après l'annonce par la banque centrale chinoise d'une amélioration importante de la formation du taux de parité centrale du yuan face au dollar en août 2015, l'appréciation du dollar s'est accélérée, en même temps que la perspective d'une dépréciation du yuan avançait.
La forte dépréciation du yuan face au dollar au mois d'octobre 2016 constitue un autre exemple. Il convient cependant de noter que, pour l'instant, le yuan ne s'est pas tant déprécié que l'indice du dollar américain a augmenté, et que le taux de change du yuan par rapport à un large panier de devises s'est même apprécié.
Deuxièmement, le marché établit et renforce l'idée d'une dépréciation du yuan. Bien que la monnaie chinoise se soit dépréciée rapidement par rapport au dollar depuis le début du mois d'octobre, les fondamentaux du yuan ne se sont pas dégradés de manière significative.
En réalité, par rapport à l'économie américaine, l'économie chinoise a montré ses atouts à court terme. La croissance du PIB chinois au troisième trimestre a dépassé les attentes du marché et plusieurs grands indicateurs économiques sont au beau fixe. De l'autre côté du Pacifique, les prévisions de croissance du PIB américain ont été fortement revues à la baisse par le FMI, et les grands indicateurs économiques se sont révélés insatisfaisants. Néanmoins, le marché choisit souvent de négliger la tendance indiquée par les données, qui pointent vers une stabilisation du yuan, pour se concentrer sur des données fragmentaires qui soutiennent l'hypothèse d'une dépréciation.
Troisièmement, en l'absence d'une conviction sur l'existence d'un taux de change d'équilibre, le marché est incapable d'avancer un autre cadre d'analyse rationnelle. Au lieu de cela, il se montre de plus en plus émotif et suggère un esprit de troupeau en termes de compréhension du yuan. Par conséquent, les attentes rationnelles se transforment progressivement en mentalité irrationnelle sur la dépréciation du yuan.
Cette mentalité irrationnelle peut être attribuée à trois facteurs.
Le premier est le pessimisme envers l'économie chinoise. Normalement, la puissance économique va de pair avec une monnaie forte, car les fondamentaux sont essentiels à la stabilité de la monnaie. Ainsi, les participants au marché qui sont convaincus d'une dépréciation du yuan sont également certains que l'économie chinoise connaîtra un atterrissage brutal. Certes, la transformation économique de la Chine est douloureuse, et la stabilisation de l'économie au troisième trimestre est principalement attribuable à l'effet de la politique de relance de la demande, plutôt qu'à la politique structurelle du côté de l'offre. En outre, l'économie du pays est confrontée à des risques conjoncturels et structurels. Cependant, l'économie chinoise a seulement ralenti, elle n'a pas déraillé. La Chine a encore une grande marge de manœuvre politique, et la direction prise par la réforme est de plus en plus claire. Le pessimisme du marché envers la Chine peut être attribué à un manque de compréhension des mesures politiques et de la microéconomie.
Deuxièmement, il existe un état d'esprit qui nie la gestion du yuan. Les gens ont tendance à croire que la « main visible » n'est pas fiable, c'est-à-dire que plus le gouvernement intervient sur le marché, plus celui-ci se retourne contre lui. En ce qui concerne le taux de change du yuan, certains estiment que l'intervention du gouvernement a perturbé le marché, et suggèrent qu'il existe une surévaluation systémique du yuan. Cependant, le marché n'ose parier contre la puissante banque centrale, mais n'est pas prêt non plus à accepter le fait que l'hypothèse d'une dépréciation n'est basée sur aucun élément de long terme. C'est ici que le cauchemar de la dépréciation se développe. En fait, le marché a négligé un point clé : les interventions des gouvernements sur le taux de change ont tendance à atteindre une dépréciation compétitive, mais la Chine est l'un des rares pays qui tentent de maintenir le taux de change. Même dans le cadre des analyses rigoureuses du département américain du Trésor, la Chine n'est pas accusée de manipuler sa monnaie.
Enfin, le manque de confiance dans l'internationalisation du yuan joue également un rôle. Les perspectives du yuan ne dépendent pas du taux de change, mais de plus en plus de son internationalisation. Bien que l'internationalisation et la stabilité du taux de change aient oscillé sur le court terme, comme après la réforme d'août 2015, cet impact est temporaire. L'internationalisation du yuan ne s'arrêtera pas à l'inclusion de la monnaie dans le panier des droits de tirage spéciaux du FMI, elle s'accélérera après la stabilisation du taux de change. Par conséquent, la prudence du marché envers l'internationalisation du yuan devrait être considérée comme partiale.