Les cinq montagnes sacrées (Wuyue) qui se dressent en Chine font référence à plusieurs aspects de la culture chinoise : le culte que les anciens vouaient aux dieux de la montagne, le concept du Wuxing (les cinq éléments que sont le métal, le bois, l'eau, le feu et la terre, dont se servaient les ancêtres pour composer l'univers physique, puis utilisés par la suite dans la médecine traditionnelle chinoise), ainsi que la foi des empereurs chinois envers le taoïsme. En considérant la plaine centrale de Chine comme le point central, on peut définir quatre orientations : à l'ouest se trouve Huashan, parfois appelé Xiyue (le mont de l'Ouest) ; le mont de l'Est se nomme Taishan, dans le Shandong ; le mont du Nord correspond à Hengshan, dans le Shanxi ; le mont du Centre est Songshan, dans le Henan ; et le mont du Sud, Hengshan (qui s'écrit avec des caractères différents du premier en chinois), dans le Hunan.
C'est à 120 km à l'est de Xi'an, le chef-lieu de la province du Shaanxi, que s'élève Huashan, un lieu qui compte pas moins de 210 attractions, allant de paysages naturels uniques à des perles culturelles. Ce n'est pas pour rien que ce mont est vu comme la « racine culturelle de la Chine ». Avec ses nombreux temples, Huashan est également un haut lieu du taoïsme.
Le goût de l'aventure
Il existe aujourd'hui deux téléphériques pour arriver en haut, mais pour de plus fortes sensations, nous vous conseillons de faire l'ascension à pied. Le sentier de randonnée Huashanyu qui y a été creusé permet d'accéder aux divers points d'intérêt du site. Les autochtones racontent d'ailleurs que cette voie était autrefois, dans l'antiquité, l'unique chemin, pour gravir le mont Huashan. Huashanyu reste aujourd'hui la meilleure piste pour les grimpeurs.
Alors que la majorité des montagnes en Chine sont composées de calcaire, le mont Huashan se distingue par son imposante structure en granite, qui s'est formée sous le Crétacé, il y a plus de 100 millions d'années. Cette masse rocheuse s'étend sur 15 km d'est en ouest, et sur 10 km du sud au nord. La géologie particulière du mont Huashan explique ses innombrables falaises abruptes, qui constituent un vrai défi pour les alpinistes.
Le mont Huashan est réputé pour ses sentiers périlleux, comme celui par exemple de Changkong, au sommet sud, où est suspendue une passerelle en bois, de 30 cm de largeur seulement, qui est uniquement tenue par des tiges d'acier clouées dans la falaise. Ce passage est considéré comme le plus délicat de Huashan. Il est requis pour les visiteurs de porter des harnais de sécurité et de prendre leur courage à deux mains pour passer ce tronçon en s'accrochant au câble de fer, lui aussi fixé dans la roche. Yaozi fanshen (yaozi signifie « aigle », fanshen signifie « rotation ») est un autre passage à flanc de falaise particulièrement ardu, qui requiert justement à ses grimpeurs de se retourner à certains points de leur ascension. À un moment donné, les alpinistes doivent se tenir à un câble de fer, leur seul « filet de sécurité », en faisant attention de ne pas glisser sur les roches. Cette étape est donc particulièrement dangereuse.
Entre le sanctuaire taoïste Yuquanyuan et le sommet du nord, on compte les « trois sections escarpées de Huashan » : Qianchizhuang, Baichixia et Laojun ligou. Qianchizhuang consiste en une pente à 70o aménagée en 370 marches, parfois extrêmement étroites. Les visiteurs doivent donc faire preuve de prudence et ne pas hésiter à se tenir aux rambardes de sécurité des deux côtés. Enserrés entre deux falaises, en levant la tête, seule une ligne de ciel est perceptible. Baichixia est également niché entre deux falaises, liée par le gigantesque monolithe qu'elles supportent, dénommé Jingxinshi. Ce chemin donne accès aux ponts Xianrenqiao, Fuweiya et Heihuling, avant d'arriver à Laojun ligou. Il s'agit d'un ravin profond, dans lequel vous pouvez descendre en empruntant les 570 marches qui s'y échelonnent. Selon la légende, le taoïste immortel Taishang Laojun s'y serait aventuré, mais incapable de trouver une issue, il aurait demandé à son bœuf de creuser ce passage en piétinant la montagne.
Si vous décidez de vous rendre au pic de l'ouest, vous pouvez prendre directement le téléphérique. En haut, reposent des rochers en forme de lotus, d'où le nom Lianhua (lotus) donné au sommet par les ancêtres. Cette falaise de l'ouest rejoint le pic du sud par un sentier très accidenté d'une longueur de 300 m, celui de Quling, qui ressemble à un long dragon.
Un riche patrimoine culturel
Puisqu'il pleuvait le jour de notre escalade au mont Huashan, nous avons décidé, pour des raisons de sécurité, de ne pas nous risquer sur les chemins périlleux. Cela ne nous a néanmoins pas empêchés de ressentir l'atmosphère culturelle qui y règne. Sa longue histoire et son abondante culture expliquent que Huashan est considéré comme l'un des cinq plus grands monts de Chine.
Huashan est l'un des berceaux de la culture chinoise. Certains archéologues et chercheurs contemporains soutiennent que les termes Zhonghua, Huaxia (désignant la Chine) ainsi que Huaren (désignant les Chinois) dérivent du nom de cette montagne. En outre, il est dit que le mont Huashan est un totem culturel imprégné de l'esprit de la Chine.
Selon certains documents historiques, de nombreuses personnalités ont laissé leurs traces au mont Huashan. Dans l'antiquité, Huashan était un lieu de culte, où les ancêtres offraient des sacrifices aux dieux du mont. Il y a plus de 4 000 ans, les empereurs Huang, Yao et Shun, ont foulé cette montagne pour y faire des offrandes. Datant de plus de 3 000 ans, les empereurs des dynasties des Xia (XXIe – XVIe siècle av. J.-C.), des Shang (XVIe – XIe siècle av. J.-C.) et des Zhou (XIe siècle –221 av. J.-C.) , s'y rendaient trois fois par an. Après l'empereur Shihuangdi des Qin (247-221 av. J.-C.), qui a institué le culte du mont Huashan, toutes les dynasties qui se sont succédées pendant deux millénaires ont loué les dieux de la montagne à travers des sacrifices.
Au temps des Sui (581-618) et des Tang (618-907), de célèbres lettrés chinois ont fait l'éloge du mont Huashan, comme Du Fu et Li Bai, qui ont composé plus de 1 000 poèmes, articles et récits de voyage à son sujet. Sur le chemin, on peut admirer par ailleurs plus de 1 000 gravures sur des stèles ou directement sur la falaise, datant de diverses dynasties, qui donnent un aperçu de l'évolution des styles calligraphiques au fil des époques.
Huashan est également l'un des berceaux du taoïsme, et celui-ci est fortement ancré dans la culture du mont Huashan. Beaucoup de sages taoïstes s'y sont retirés, comme Chen Tuan (871-989) et Hao Datong (1149-1212). Huashan abrite encore aujourd'hui 72 grottes destinées à la méditation et plus de 20 temples taoïstes, dont celui de Yuquanyuan, le plus réputé de tout le Nord de la Chine. Il a été construit par Jia Desheng pour son maître Chen Tuan entre 1049 et 1051, durant la dynastie des Song du Nord (960-1127). Ce temple se compose d'une cour centrale, cernée de couloirs et de nombreux arbres centenaires. Ce lieu tranquille est idéal pour les visiteurs cherchant à se détendre. Des activités taoïstes y sont organisées quotidiennement.
Un vent d'arts martiaux
Impossible d'omettre les arts martiaux lorsque l'on parle de Huashan. La forme du mont Huashan rappelle l'esprit indomptable des hommes du Nord. Louis Cha Leung-yung (ou Jin Yong en chinois) y fait référence dans ses romans de cape et d'épée. Dans une de ses histoires, la plus grande compétition d'arts martiaux a lieu au sommet du mont Huashan.
Depuis l'enfance, les romans de cet auteur me passionnent et m'ont donné envie de visiter le mont Huashan pour explorer les beaux paysages qui y sont décrits. Et je suis loin d'être la seule parmi mes compatriotes à avoir découvert le mont Huashan à travers des romans de cape et d'épée. Louis Cha Leung-yung serait à l'origine du proverbe « Huashan lunjian », ce qui signifie « le croisement des épées à Huashan », une rencontre durant laquelle des maîtres en arts martiaux se réunissent en haut du mont Huashan pour se confronter en duel.
En s'appuyant sur des archives historiques et sur sa créativité, Louis Cha Leung-yung a dépeint ce mont dans 13 de ses 15 romans, mêlant habilement l'esprit du mont Huashan et celui des arts martiaux, ce qui a conféré à Huashan sa réputation chevaleresque.
Cependant, ce n'est qu'en 2003 que l'auteur a réalisé pour la première fois son rêve de visiter le mont Huashan, pourtant au cœur de ses romans.
Enchanteur tout au long de l'année
En toute saison, Huashan possède d'indéniables charmes. Au printemps, les montagnes sont recouvertes de fleurs de pêchers et d'autres fleurs sauvages. L'été, avec ses températures douces, est la meilleure période pour observer le lever et le coucher du soleil, ainsi que les chutes d'eau qui cascadent dans les montagnes. L'automne est plutôt la saison pour prendre de belles photos et escalader le mont. En hiver, les visiteurs peuvent profiter du panorama des sommets et des pins enneigés, qui se confondent avec les nuages blancs et contrastent avec le ciel bleu.
Le meilleur moment pour visiter Huashan s'étire d'avril à octobre, mais cette période correspond aussi à la pleine saison touristique. Pour notre part, nous y sommes allés à la fin du mois de juillet. Nous sommes donc malheureusement passés à côté de la journée de pèlerinage, qui s'y déroule tous les ans le 15 mars du calendrier lunaire chinois. Durant cette journée sont organisés une grande foire et tout un lot de célébrations.
La foire du mont Huashan commence, dès le 1er mars du calendrier lunaire chinois, avec des vagues de croyants se dirigeant vers les temples taoïstes pour aller y prier. Le jour, une grande cérémonie de sacrifices pour le mont Huashan se tient dans le temple taoïste Xiyue, et une série d'activités ont lieu dans les autres temples, comme Yuquanyuan par exemple. Cette fête attire chaque année une foule de visiteurs, qui sont invités à participer aux nombreuses activités culturelles prévues ce jour-là, telles que compétition d'escalade, échecs chinois, calligraphie, exposition photographique ou encore spectacles folkloriques donnés par des artistes de tous horizons.
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