Les vestiges du royaume de Gugé, vieux de 1 300 ans.
Depuis sa première venue au Tibet en 1986, Cheng Weidong, photographe pour la revue Nationality Pictorial, a noué un lien fort avec cette région. Pour lui, c'est le Tibet qui possède le ciel le plus bleu, les sommets les plus élevés, le plus grand nombre de temples, le territoire régional le plus étendu, les paysages les plus uniques, ainsi que la population la plus humble et la plus honnête.
Durant une vingtaine d'années, M. Cheng a mené plus de cinquante interviews à travers les diverses régions peuplées de Tibétains. Il a parcouru 74 districts du Tibet et toutes les régions tibétaines des provinces du Qinghai, du Gansu, du Sichuan et du Yunnan.
Gardien du royaume de Gugé
M. Cheng est fasciné par l'héritage historique et culturel du Tibet, comme par les croyances populaires et la foi religieuse des Tibétains. Ce passionné m'a alors conté l'histoire du gardien des vestiges de l'ancien royaume de Gugé.
C'est au district de Zanda, dans la préfecture de Ngari (à 1 800 km de Lhassa vers l'ouest) que repose le site archéologique du royaume de Gugé, entouré d'innombrables collines. Établi il y a plus de 1 000 ans, ce puissant royaume à la civilisation splendide a prospéré pendant 700 ans, avant de sombrer mystérieusement. Une disparition soudaine qui fait encore débat aujourd'hui.
En 1997, M. Cheng a visité les ruines de cet ancien royaume pour la première fois. À une altitude de 3 800 m, celles-ci recouvrent une superficie de 180 000 km² totalement inhabités. « Là-bas, il n'y avait ni eau ni électricité. L'unique résident était un gardien nommé Phurbu Samcho », a raconté M. Cheng. Le photographe avait alors passé cinq jours à ses côtés, dans des conditions précaires, pour l'interviewer. Phurbu Samcho est le deuxième gardien de ce site. Depuis 1991, il s'occupe de tout là-bas, y compris de la maintenance. Il accompagne les quelques visiteurs qui s'aventurent jusqu'ici et leur ouvre les portes des neuf points d'intérêt du site, gardant toujours son trousseau de clés à la main.
« Un jour, j'ai voulu lui demander s'il ne se sentait pas trop seul ici, mais je me suis abstenu, car le mot ''seul'' ne fait pas partie du vocabulaire des gens qui ont la foi », a indiqué M. Cheng. À cette époque, Phurbu gagnait environ 200 yuans par mois, et hormis son activité de guide touristique, son unique passion était de peindre des thangka.
En 2009, M. Cheng a visité de nouveau le site archéologique du royaume de Gugé. Après déjà 18 ans de bons et loyaux services, Phurbu avait 44 ans, était marié et vivait là avec sa femme, sa belle-mère et son fils de deux ans, dans le poste de gestion d'une dizaine de mètres carrés ment. Malgré ces rudes conditions de vie, ce sont les sourires sincères des membres de cette famille qu'avait immortalisés l'appareil photo de M. Cheng. De 200 yuans, le salaire mensuel de Phurbu avait augmenté à plus de 4 000 yuans. Mais Phurbu lui-même n'avait pas changé : il aimait toujours peindre des thangka, qu'il donnait, dans sa grande générosité, aux temples et à son village natal.
À ce moment-là, Phurbu a accueilli avec enthousiasme le projet de réhabilitation globale financé par l'État. En 2010, 60 millions de yuans ont été consacrés à la restauration de l'ensemble des constructions et à la protection des peintures murales. En 2013, Phurbu a d'ailleurs été élu l'une des personnalités contribuant à la protection de la culture rurale, un prix que M. Cheng lui a remis personnellement.
M. Cheng ne se lasse pas de raconter l'histoire de Phurbu, car à son avis, « chacun de nous doit se faire le gardien de l'histoire et de la culture du Tibet ».