Zhou Hua : regard sur le Tibet
  2013-03-07 10:37:46  cri

Reproduire la réalité

Dans son enfance, Zhou Hua allait souvent prier au monastère de Jokhang, en compagnie de son père. En hiver, une vague de pèlerins venus des quatre coins du Tibet descendait la rue Barkhor. Vêtus de leurs habits locaux, les mains jointes, ils se prosternaient sur le chemin. Ils mettaient trois, quatre mois, voire un an, pour faire le trajet depuis leur village natal jusqu'au cœur du haut lieu suprême qu'est Lhassa. Debout à l'entrée du monastère de Jokhang, ils acceptaient la hada (écharpe blanche tibétaine utilisée pour les cérémonies) qu'on leur présentait. Malgré leur tablier rapiécé et poli par frottement ou les épaisses callosités sur leur front, leur visage était empli de splendeur et leur corps et âmes laissaient transparaître un respect mêlé de crainte.

Adolescente, Zhou Hua allait déjà souvent s'asseoir sur la place du monastère pour y réaliser des croquis. En grandissant, en outre, elle apprit à filmer. De retour à son atelier, Zhou Hua cherchait soigneusement à ajouter sa propre compréhension à ces images encore fraîches, pour qu'elles deviennent bien plus que de simples croquis. Au fil des saisons, jour après jour, les gens qui allaient et venaient au monastère de Jokhang étaient immortalisés dans les œuvres de Zhou Hua.

Depuis les temps anciens, que ce soit dans l'histoire de l'art oriental ou de l'art occidental, la question du réalisme constitue un défi. Particulièrement en Occident, où les multiples efforts pour reproduire la réalité se sont étalés tout au long de l'histoire de l'art. Zhou Hua, elle aussi, a toujours cherché à calquer le réel.

Mais son regard ne peut ni se limiter à Lhassa, ni à une simple spectatrice. Avant, Zhou Hua était plutôt casanière, mais ces dernières années, elle a tenu à sortir faire le plein d'images au moins une fois par an. Au début, elle parcourait souvent les prairies au Nord du Tibet. Le visage des éleveurs là-bas est empreint des caractéristiques de la prairie : calme, paisible. Les épais et lourds vêtements tibétains ainsi que la carrure impressionnante de ces hommes d'un naturel si pur ont également inspiré Zhou Hua.

Peut-être du fait de leur condition féminine, de nombreuses femmes peintres portent progressivement leur attention sur les enfants et les animaux. Zhou Hua ne fait pas exception. Ce vif désir s'est manifesté à mesure qu'elle progressait dans sa capacité à rendre la réalité. Bien qu'elle n'ait pas d'enfant, elle a commencé inconsciemment à emplir ses peintures d'amour maternel, l'enfant devenant son principal sujet.

Durant trois hivers consécutifs, Zhou Hua a suivi de célèbres photographes pour découvrir de nouveaux paysages. Dans la région tibétaine du Kham, couverte de neige et de glace, les enfants de bergers portent une tunique en fourrure pour se mêler au troupeau. Ils pleurent rarement et ne font jamais de caprices. Ces enfants qui vivent sur le plateau tibétain, tout en entretenant une crainte envers la nature et l'inconnu, comptent sur les miséricordes divines pour grandir naturellement, sans souci.

Dans son album La Bergère comptant deux peintures, Zhou Hua n'a pas opté pour les couleurs vives qu'elle utilise habituellement, la prédominance du gris faisant ressortir un sentiment de compassion. Un troupeau d'agneaux se cachent dans la vallée orangée, regardant de tous côtés avec leurs yeux curieux. Au centre, une jeune fille, cheveux tressés attachés avec des turquoises, assise par terre, tient dans ses bras un agneau. Seule la tête de l'animal ressort du vêtement en peau de la jeune fille, dont le regard est bourré d'affection.

Il semblerait qu'après la réalisation de cette série de peintures, Zhou Hua a soudainement trouvé une nouvelle énergie créatrice. Elle a composé notamment l'album Petit Lama, un ensemble de quatre peintures. Au Tibet, traditionnellement, les jeunes garçons sont envoyés au monastère, où ils y étudient le bouddhisme, un honneur pour leur famille. Zhou Hua a visité de nombreux monastères. Ayant grandi à Lhassa, elle se sent proche et se conforme naturellement au bouddhisme tibétain. Dans ses portraits, soit ce petit lama rit de bon cœur, soit il court. L'identité de l'enfant est marquée par les vêtements rouges de lamas qu'il porte, mais ce qui le caractérise, ce sont surtout sa liberté et sa gaieté sans limite. Au sein de ces monastères majestueux et dans l'innocence même de ces enfants, Zhou Hua trouve sa propre inspiration.

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