Ils appellent à garantir le marché de l'art chinois, voire l'ensemble de l'industrie culturelle du pays, par un mécanisme évolué. Le 13 novembre dernier a été lancée « La nuit des joyaux de la calligraphie et de la peinture chinoise », une soirée spéciale très attendue de la saison d'automne 2011, offerte par la maison de ventes China Guardian. Au terme de deux heures de concurrence, le montant des affaires conclues a atteint un milliard 73 millions de yuans. Chiffres qui prouvent une fois de plus la prospérité du marché de l'art chinois.
Selon Wang Dingqian王定乾, vice-président de l'Association des collectionneurs de Taiwan de Chine, en raison de la crise des dettes européennes et américaine, on n'est pas très optimste à l'égard de la situation économique du monde. Il en est de même pour le marché de l'art ; plus précisément pour la saison d'automne 2011, on va jusqu'à prévoir une relative baisse. Contre toute attente, la soirée de China Guardian a plutôt bien fonctionné. On écoute s'exprimer au micro de RCI Wang Dingqian : «Compte tenu de l'ensemble de la situation qu'on connaît au second semestre, notamment des changements qui ont eu lieu ces derniers temps, je crois que l'environnement est beaucoup plus rigoureux que celui de la saison du printemps. Malgré tout, on est performant, avec un milliard de yuans par séance. Je crois que c'est pas mal du tout. »
Outre le marché de l'art chinois des antiquités, qui est d'ailleurs très florissant, celui de l'art contemporain est aussi très encensé depuis ces dernières années. Les prix augmentent également de manière soutenue. Preuve, le 2 octobre 2011, lors de la vente aux enchères Ullens des oeuvres de l'avant-garde chinoise, le montant des affaires conclues a atteint 132 millions de dollars hongkongais. Le lendemain, la vente aux enchères des oeuvres de « la Chine du 20ème siècle » a atteint 336 millions de dollars. Ces deux ventes ont pulvérisé le record de ventes réalisé par la maison de vente Sotheby's en Asie, en termes de ventes d'oeuvres d'art asiatiques contemporaines.
Malgré tout, Liu Xinhui刘新惠, ancien administrateur exécutif de la maison de vente Changfeng长风 de Beijing et commissaire-priseur en chef, estime que les oeuvres d'art contemporaines sont différentes des antiquités. On prend des risques en augmentant massivement les prix des oeuvres contemporaines. Liu Xinhui : « Le nombre d'antiquités est en quelque sorte défini. En plus, il nous est donc impossible de les reproduire. Que ce soit leurs valeurs économique ou culturelle, elles sont claires. Alors qu'on les concrétise, qu'on les applique à une oeuvre d'art, qu'on leur donne un prix élevé, c'est dans la logique des choses. Quant aux oeuvres d'art contemporaines, elles peuvent être reproduites à tout instant. Ni leur valeur idéologique, ni leur valeur artistique ne sont encore soumises à l'épreuve du temps. Donc, au niveau des prix, on prend des risques. »
Toujours selon Liu Xinhui, tant dans le marché de l'art des objets anciens que dans celui des objets contemporains, on voit augmenter sans cesse les prix de vente et le nombre d'affaires conclues depuis ces dernières années. Au contraire des antiquités dont les valeurs sont reconnues de tous, les prix qu'on accorde aux objets d'art contemporain ne représentent pas toujours leur réelle valeur artistique, tout cela par manque d'un système de courtiers mature. Et la prospérité du marché des objets contemporains reflète exactement les problèmes qui existent dans le marché de l'art chinois. Continuons à écouter Liu Xinhui : «En fait, si l'on dit que le commerce des oeuvres d'art chinois n'est pas encore mûr, c'est parce qu'il n'existe pas de système de courtage complet en la matière dans la Chine actuelle. On est donc très marqué par cette absence d'intermédiaires. Ce qui fait que le marché de l'art ne se développe pas comme les autres. Ce qui veut dire que trop d'intervention artificielle déstabilise le marché. Autrement dit, plus le marché fait preuve d'objectivité, plus il aura une grande potentialité de développement. La valeur proprement dite des oeuvres d'art est capable de décider du sens final du marché».
Selon certaines analyses, pour un pays, lorsque la moyenne des revenus atteint 6 000 dollars, on voit le marché de l'art décoller, et lorsque la moyenne atteint 9 000 dollars, on voit augmenter rapidement les prix de vente.
La croissance soutenue de l'économie chinoise apporte des opportunités au développement du marché de l'art. D'après les dernières données, en 2010, le marché de l'art chinois se place premier de par l'importance des affaires conclues. En dépassant celui des Etats-Unis.
Néanmoins, l'édification institutionnelle du marché de l'art chinois n'est pas en phase avec l'accroissement des prix et des volumes commerciaux. Derrière la prospérité se cachent de nombreux problèmes, tels que le mélange des bonnes et des mauvaises opportunités, et la surchauffe des investissements, avertissent les professionnels.
Qi Shuyu祁述裕est professeur au Centre de recherches de l'industrie créative et culturelle de l'Université du peuple chinois. Selon lui, il nous est impératif de mettre en vigueur une politique visant à régulariser le commerce et le développement du marché de l'art. Qi Shuyu s'exprime au micro de RCI : « C'est dans la logique des choses, si l'on se met à régulariser le marché. Actuellement, la politique relative au commerce des objets d'art n'est pas satisfaisante. C'est là où résident tous les problèmes. Il nous est impératif de promulguer une loi sur le marché de l'art. D'administrer le marché de l'art en vertu de la loi. En effet, l'ensemble du développement de l'industrie culturelle doit se faire en vertu de la loi. Là aussi, c'est impératif ».
En octobre 2011 fut promulguée « La décision sur les problèmes d'importance majeure visant à approfondir la réforme du système culturel, à propulser le grand développement et la grande prospérité de la culture socialiste ».
La décision appelle à construire un système d'industrie culturelle moderne, à élargir la consommation culturelle, à parfaire le marché culturel moderne, et à promouvoir la réalisation de l'objectif de faire de l'industrie culturelle une industrie pilier de l'économie nationale.
Les professionnels sont à présent très préoccupés par les investissements « aller-retour» effectués sur le marché, car ils causeront des problèmes tels que la surcapitalisation du marché.
Toujours selon Qi Shuyu, professeur au Centre de recherches de l'industrie créative et culturelle de l'Université du peuple chinois, le marché de l'art chinois n'en est qu'à une étape de développement préliminaire. En tant qu'importante partie composante de l'industrie culturelle, les problèmes que rencontre le marché de l'art sont dûs au fait que la réforme du système culturel n'est pas encore accomplie. Pourtant, le développement sain du marché de l'art, voire de l'ensemble de l'industrie culturelle, doit être garanti par un système institutionnel. On écoute une dernière fois Qi Shuyu : « La prospérité du marché de l'art chinois n'est pas tout à fait normale dans plusieurs domaines. Cela est dû aux problèmes existant dans le système de gestion, et au problème de la gestion elle-même. Cela est dû aussi au fait que c'est un marché émergent, alors, toutes les conditions ne sont pas encore réunies. »
Et Qi Shuyu de souligner que le développement de l'industrie culturelle doit être en phase avec la réforme du système culturel. Le problème est que cette réforme n'est toujours pas accomplie jusqu'à présent. Il nous donc impossible d'espérer faire fonctionner l'industrie culturelle dans un marché complètement commercialisé. Bon nombre des problèmes qu'on voit sur le marché ne sont que des problèmes apparents. Tout revient aux problématiques institutionnelles, insiste Qi Shuyu.
(Yannine)