Deng Xiaoping et la France

RCI 2017-12-27 15:34:05
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Le 15 mai 1975, Deng Xiaoping, lors de sa visite à Lyon, a écrit sur le registre des visiteurs de l'Hôtel de ville de Lyon : « Rendons hommage au peuple de Lyon ! »

Le 15 mai 1975, Deng Xiaoping, lors de sa visite à Lyon, a écrit sur le registre des visiteurs de l'Hôtel de ville de Lyon : « Rendons hommage au peuple de Lyon ! »

LU RUCAI La Chine au présent

Le 12 mai 1975, flottaient à l'aéroport de Paris Orly les drapeaux chinois et français. Lorsque Deng Xiaoping, vigoureux septuagénaire et vice-premier ministre chinois de l'époque, est sorti de son avion, Jacques Chirac, qui était alors premier ministre français, et le ministre des Affaires étrangères Jean Sauvagnargues, l'attendaient. Deng Xiaoping venait juste de reprendre ses fonctions après avoir été déchu de son poste au début de la Révolution culturelle (1966-1976).

Il s'agissait de la première visite officielle d'un dirigeant de la Chine nouvelle dans un grand pays occidental. Deng Xiaoping a été reçu par la France selon le protocole réservé aux chefs d'État. Dans le pavillon d'honneur de l'aéroport, Deng Xiaoping a dit à M. Chirac : « La France est un lieu où j'ai vécu dans ma jeunesse. J'étais très impressionné par l'hospitalité du peuple français. Je suis très heureux de retourner sur les lieux de mon passé. » Lors du dîner de bienvenue donné le jour même, Valéry Giscard d'Estaing, le président d'alors, a exprimé le souhait que « ce voyage en France de M. le vice-premier ministre lui permette d'évoquer ses souvenirs de la France. » Il y a 55 ans, Deng Xiaoping est venu en France dans le cadre du mouvement Travail-Études.

Deng Xiaoping a évoqué ses cinq ans de Travail-Études dans une lettre adressée le 3 janvier 1993, à Hangzhou (Zhejiang), à ses petits-enfants : « Quand j'avais 16 ans, je n'avais pas le même niveau d'instruction que vous, et j'avais moins de connaissances modernes que vous. Je devais étudier par moi-même et apprendre sur le terrain. J'avais 16 ou 17 ans et je donnais des discours. Je suis resté en France cinq ans et je ne comprenais pas le français ; j'ai dû apprendre sur le tas. »

Le séjour de cinq ans de M. Deng en France a commencé en automne 1920. À l'automne 1919, Deng Xiaoping, sous le nom de Teng Hei Hien, fut admis à l'école préparatoire de Chongqing, pour le mouvement Travail-Études en France. Influencés par le Mouvement du 4 Mai (1919) et avec l'esprit patriotique de « salut de la patrie par l'industrie », Deng Xiaoping et quelque autres 80 élèves partirent à l'automne 1920 pour la France dans le cadre du mouvement Travail-Études. Ils arrivèrent le 19 octobre en France, puis M. Deng et son oncle s'inscrirent au collège de Bayeux, en Normandie, pour apprendre le français. C'est ici que M. Deng passa sa seule période d'« Études » en France. D'après le livre Mon Père, Deng Xiaoping écrit par Deng Rong, fille de Deng Xiaoping, le Quotidien de Bayeux d'alors publia le 22 octobre un message intitulé Les étudiants arrivent à Bayeux, qui disait : « Une vingtaine d'étudiants chinois, conduits par deux compatriotes parlant couramment le français, sont arrivés à Bayeux hier soir. Envoyés en France par leur gouvernement, ces jeunes hommes suivront les cours qui les intéressent au collège de Bayeux pour connaître la langue et les mœurs françaises. Ils sont pensionnaires. » Au bout de cinq mois, la vie des étudiants devint très difficile à cause de la réduction des fonds aux études à l'étranger attribués par les autorités chinoises d'alors. Sans financement, la période d'études de Deng Xiaoping s'acheva, et il quitta Bayeux pour commencer sa période de « Travail ».

En 1921, M. Deng, qui n'avait pas encore 17 ans, alla au Creusot, dans le sud de la France, pour travailler comme lamineur à l'usine Schneider.

Mais il se retrouva sans emploi après quelques mois de travail. Dès lors, il fit plusieurs petits boulots dans des villes différentes. Il travailla à la fabrique d'éventails Chambrelent dans le Xe arrondissement de Paris, au bord du canal ; à la fabrique de galoches Hutchinson dans la commune de Chalette, près de Montargis ; comme ajusteur à l'usine automobile Renault, en 1925.

Dans le cadre de son activité professionnelle, Deng Xiaoping, comme d'autres étudiants chinois avancés, fut influencé par la Révolution socialiste d'octobre en Russie et embrassa le marxisme pour s'engager sur la voie révolutionnaire. Il s'est rappelé que durant son séjour de cinq ans et deux mois en France, sous l'influence de ses camarades avancés et du mouvement ouvrier français, sa pensée commença à changer et il se mit à lire des livres sur le marxisme et à participer à des rassemblements procommunistes de Chinois et de Français. À l'été 1922, il rejoignit la Ligue de la jeunesse socialiste chinoise (le Parti communiste de la jeunesse chinoise en Europe, PCCJ), fondée en juin 1922.

Le 1er août, le PCCJ créa son organe de presse, Jeunesse, dont le siège se trouvait en haut d'un café situé 5 Place d'Italie, à Paris. En raison de sa belle écriture, Deng Xiaoping était chargé de faire le travail d'impression dans la rédaction. Parmi ses collègues, se trouvaient Zhou Enlai et Li Fuchun qui devinrent plus tard des dirigeants de la Chine nouvelle. Le 1er février 1924, Jeunesse fut rebaptisé Lumière rouge, et officiellement publié. Deng Xiaoping reçut le surnom de « Docteur Polycopie » du fait de son travail à la rédaction.

Lors de sa visite en France en 1975, en marge de ses activités diplomatiques, Deng Xiaoping est allé en voiture là où il avait vécu, travaillé pour la rédaction et bu du café. Mais, il n'a pas retrouvé le petit hôtel et le café qui lui étaient familiers.

Le 30 mai 1925, un mouvement ouvrier et anti-impérialiste éclata en Chine et gagna la solidarité des Chinois en France. Ces derniers déclenchèrent des manifestations et des dizaines d'étudiants furent expulsés du pays. Deng Xiaoping, alors membre du Comité spécial dans la zone de Lyon-Creusot, rentra à Paris pour prendre la direction de la Ligue. Le 7 janvier 1926, Deng Xiaoping partit en Union soviétique.

« Je pense que cette expérience en France a profondément marqué M. Deng Xiaoping et l'a inspiré dans sa lutte politique et pour la construction d'une Chine moderne et ouverte sur l'extérieur », a déclaré Jacques Chirac, dans une interview écrite accordée le 19 août 2004 au Quotidien du Peuple.

Le 15 mai 1975, après trois jours de négociations intensives à Paris, Deng Xiaoping est parti visiter Lyon, où il vécut il y a presque cinquante ans. Lors de la cérémonie de bienvenue à l'hôtel de ville de Lyon, Deng Xiaoping a prononcé une allocution, à la fin de laquelle il a crié en français « Vive l'amitié entre les deux peuples ! », paroles qui furent suivies d'applaudissements prolongés.

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