Visites de parlementaires français à Taïwan : les (vraies) raisons de la crispation
Laurène Beaumond
Journaliste spécialiste de la Chine
Journaliste indépendante basée en France, Laurène Beaumond a vécu 7 ans à Beijing où elle a officié en tant que rédactrice, reporter et présentatrice de JT. Spécialiste de la Chine et passionnée de littérature et de pop-culture asiatique, elle suit avec grande attention l'évolution de cet immense pays sur tous les plans.
Les jours passent et se ressemblent... avec chacun son lot de critiques grotesques visant la Chine. Des attaques plus ou moins frontales, pas toujours assumées, souvent injustifiées mais une chose est sûre : rien ne semble arrêter certains médias, experts ou personnalités politiques occidentales dans leur travail de sape anti-Chine.
Un sujet cristallise les crispations depuis janvier, qui a été relayé récemment dans la majorité des médias mainstream français. Tout est parti du lancement du « Programme Taïwan sur la sécurité et la diplomatie » par la Fondation pour la Recherche Stratégique, un groupe de réflexion indépendant français fondé en 1992. Sur son site Internet, on peut lire que la FRS « contribue à enrichir le débat stratégique en France » et que « son expertise couvre l'ensemble des questions de sécurité et de défense. » Respectée et reconnue, la FRS collabore régulièrement avec des organisations prestigieuses tels que l'ONU, la Commission Européenne et de nombreux ministères français. Mais elle dit également se démarquer par un « caractère non-partisan de la recherche », et c'est là que le bât blesse. Elle prétend vouloir faire « mieux connaître Taïwan et sa culture » et, je cite un des chercheurs liés à ce programme, «à faire en sorte que Taïwan devienne un sujet comme les autres» et prétend que l'île « est confrontée à des menaces traditionnelles ». Et de soutenir la visite de parlementaires français à Taïwan en pleine pandémie. La Chine, qui n'est jamais citée directement, n'est pas dupe. C'est un prétexte fallacieux pour tenter de mettre un nez étranger dans ses affaires intérieures.
Pourquoi la France et d'autres pays occidentaux s'intéressent-ils subitement au sort de l'ancienne Formose, alors qu'ils avaient jusque-là affiché une certaine neutralité ? Le statut international de Taïwan est bâtard depuis les années 70. Seuls 14 des 193 états membres de l'ONU ont des représentations officielles avec l'île qui ne siège plus à l'ONU depuis la résolution 2758 votée en 1971, et qui est exclue du FMI et de l'OMS. Pour la Chine, Taïwan est incluse dans le concept « d'une seule Chine », et l'immense majorité des pays du monde ne reconnaissent que la République Populaire de Chine. Sauf les États-Unis qui soutiennent les dirigeants nationalistes de l'île depuis les années 50. Il est évident que les intérêts économiques des États-Unis à Taïwan, dont les installations militaires vieillissent, sont énormes.
Le groupe d'amitié français Sénat-Taïwan, sous couvert d'échanges amicaux et culturels, cache mal sa volonté de provoquer la Chine sur ses plates-bandes en tentant de la faire passer pour la méchante puissance communiste colonisatrice. Le 1er septembre 2020, le président du sénat tchèque Milos Vystricl s'était déjà ridiculisé en proclamant devant le parlement de Taïwan « Je suis un Taïwanais » et en se lançant dans un discours exalté sur la démocratie. Mais n'est pas John F. Kennedy qui veut, et les motivations sous-jacentes pour cette soudaine manifestation de sympathie pour Taïwan étaient très certainement financières et électoralistes – la République Tchèque n'est même pas une alliée officielle de Taïwan. Messieurs les sénateurs français, je vous en conjure : évitez-vous le même ridicule, vous vous trompez de combat. En Chine comme à l’île de Taïwan, on se contentera juste de dire que vous avez juste un peu perdu la face. Rien de grave.