Fête du Printemps : Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse

RCI 2022-02-09 15:16:38
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Yves Mouillet en voyage dans la région autonome hui du Ningxia (nord-ouest)

Yves Mouillet en voyage dans la région autonome hui du Ningxia (nord-ouest)

Sa première expérience remonte à 2007 et il en garde encore le souvenir. « J’ai eu la chance d’aller dans les hutong [ruelles] de Beijing, et mes amis chinois avaient tout préparé, avec des feux d’artifice et des chaînes de pétards », explique-t-il. « Visuellement, c’était magnifique. On n’avait même pas besoin de préparer quoi que ce soit, il suffisait de sortir pour ressentir une ambiance chaleureuse et cordiale. »

De la bonne chère, de l’alcool qui coule à flot, une ambiance merveilleuse, toute la famille réunie, les gens détendus et heureux de vivre : voici l’image que conserve M. Mouillet de la fête du Printemps, l’événement festif le plus important pour les Chinois. Il constate néanmoins qu’elle a perdu en intensité ces dernières années avec l’interdiction des pétards et des feux d’artifice dans plusieurs villes chinoises en raison de la pollution atmosphérique et des accidents. Et avec l’amélioration du niveau de vie de la population et l’accélération du rythme de vie des Chinois, les gens vont désormais à l’essentiel et délaissent les aspects superficiels. Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse !

« La magie de la fête du Printemps, c’est que 95 % des Chinois vont tout faire pour rentrer au pays voir leur famille et passer du temps avec ceux qui leur sont le plus chers », remarque M. Mouillet. Il se réjouit de voir que certaines traditions restent bien vivantes, comme le grand ménage de printemps au domicile, les sentences parallèles sur les bandes de papier rouge ou les vœux du Nouvel An.

Qu’il s’agisse de la fête du Printemps ou de Noël, c’est le bonheur qui prime. « C’est l’occasion de faire preuve de convivialité et de se retrouver en famille. On peut se promener, manger ensemble, prendre son temps, et ça permet de se couper du rythme extrêmement rapide de la vie quotidienne. »

Une rencontre prédestinée avec la Chine

Mais ce lien spécial qu’entretient M. Mouillet avec la Chine remonte à son enfance. Sa mère, d’origine polonaise, a eu l’occasion de rencontrer une jeune Hongkongaise à Varsovie et lui a servi de guide. Quelques années plus tard, alors que M. Mouillet n’était encore qu’un enfant, les deux femmes se sont retrouvées à Nancy. « Elle a passé une semaine avec nous et laissé un très bon souvenir car elle était très belle, avec des manières exquises. Le fait de rencontrer une jeune femme chinoise distinguée, très bien éduquée dès mon plus jeune âge, ça m’a influencé et j’ai toujours eu des aprioris positifs vis-à-vis de la Chine. »

En 2004, il a vécu avec son frère aîné en colocation avec deux jeunes Chinois. Très vite, ils sont devenus inséparables. Ils ont cuisiné ensemble, partagé de nombreuses aventures et ont parcouru une grande partie de la France… Les quatre jeunes ont vécu deux ans comme une famille. Durant cette période, M. Mouillet travaillait dans un service universitaire en tant qu’enseignant de français. Dans sa classe, il y avait des Chinois avec lesquels il a noué des liens d’amitié solides. Ces expériences l’ont finalement décidé à découvrir ce pays lointain.

Il a franchi le pas en 2007 en passant trois mois en Chine. Un jour, s’étant perdu à Shanghai, un jeune homme s’est arrêté et lui a demandé s’il avait besoin d’aide. Après avoir échangé quelques paroles, ce Shanghaïen lui a dit : « Écoute, si tu veux, tu passes un jour avec moi et je te fais découvrir la ville. »

« Il m’a présenté Shanghai sous toutes les coutures. On a joué au ping-pong avec des personnes âgées qui jouaient merveilleusement bien. Il m’a fait goûter de la nourriture locale dans des restaurants dans lesquels les touristes n’ont pas l’habitude de se rendre. Il m’a présenté à ses parents et sa mère m’a cuisiné des plats locaux », dit-il. « J’ai des souvenirs incroyables avec un inconnu, avec qui j’ai malheureusement perdu le contact. Ça m’a profondément marqué parce que faire preuve d’une telle bienveillance et d’une telle générosité, ça a été l’un de mes meilleurs souvenirs en Chine à mes débuts. »

Des villes gigantesques peuplées de millions d’habitants, de nouveaux paysages splendides, la bienveillance des gens… Sa première visite en Chine lui a laissé une très bonne impression et donné l’envie d’apprendre le chinois et d’y vivre.

Yves Mouillet en voyage dans la région autonome hui du Ningxia (nord-ouest)

Yves Mouillet en voyage dans la région autonome hui du Ningxia (nord-ouest)

Quand l’histoire s’écrit en Chine

M. Mouillet s’est installé à Beijing en 2009 et s’est immédiatement lancé dans l’étude du chinois. Il possédait déjà des rudiments grâce à ses colocataires chinois en France, mais ne maîtrisait ni le pinyin ni les hanzi (caractères chinois).

« Le chinois est une langue à tons et la grosse difficulté pour nous, les Européens, c’est de retenir les tons, ça tient de la gageure », note-t-il. Selon lui, l’apprentissage de cette langue est un travail à plein temps qui exige de la patience et beaucoup d’énergie. Il trouve des astuces pour mieux la maîtriser : écrire les hanzi à longueur de temps, regarder les émissions sous-titrées qui facilitent la compréhension, et bien sûr, vivre avec des Chinois.

« Pour vraiment apprendre une langue étrangère, il faut s’intéresser à la culture de cette langue. Si l’on est attiré par les films, la musique, les livres, l’apprentissage se fera naturellement. Si l’on a une réelle curiosité et un vrai intérêt pour le pays, avec le temps, on va progresser. » Il est toujours attiré par les arts martiaux et la philosophie chinoise et le concept d’harmonie entre l’homme et la nature. Au quotidien, il aime se plonger dans les œuvres littéraires chinoises. L’importance de vivre, de Lin Yutang, est un de ses livres de chevet. Il estime que cet auteur, qui avait vécu dans plusieurs pays occidentaux dans la première moitié du XXe siècle, connaissait parfaitement la culture occidentale et chinoise. Le 7e art chinois l’a également profondément touché, notamment des films comme Waiting Alone et The Wandering Earth.

Depuis 2011, il travaille pour CGTN français et contribue à faire connaître la culture chinoise et favoriser les échanges culturels entre la Chine et la France. Il a participé à de nombreux projets d’émissions télévisées, de séries et de documentaires réalisés par les deux pays.

En 2012, il a eu la chance de participer à une émission sur la culture chinoise, présentant non seulement la langue, mais aussi la gastronomie, la littérature, l’histoire du pays… Cette émission a connu un grand succès. « Ce qui est toujours plaisant, c’est de voir les internautes du monde entier qui nous remercient par leurs messages. »

En tant que journaliste, M. Mouillet a exploré la Chine pour effectuer interviews et reportages sur le terrain. Ces expériences lui ont permis de mieux connaître ce vaste pays. « J’ai eu la chance de me rendre au Xinjiang et au Tibet, et j’ai été surpris par les infrastructures modernes et la nette amélioration du niveau de vie des autochtones », souligne-t-il. Il espère que les étrangers qui ont une perception erronée de la Chine authentique, surtout du Xinjiang et du Tibet, pourront y aller pour dissiper leurs préjugés.

Vivant en Chine depuis plus d’une décennie, il a pu constater la transformation du pays au quotidien. Il note que la lutte contre la pollution à Beijing est une réussite et que les taxis utilisent de plus en plus de véhicules propres. Le niveau de vie de la population s’est nettement amélioré, surtout pour les personnes démunies vivant dans des régions éloignées. Aujourd’hui, un Chinois n’a plus besoin de portefeuille pour sortir de chez lui, un simple smartphone suffit. Il peut y effectuer toute sorte d’achats, qu’il s’agisse du restaurant, des tickets de cinéma, ou pour régler un trajet en taxi… « Si j’étais né il y a cent ans, j’aurais sans doute voulu vivre à New York. À l’heure actuelle, c’est en Chine que le monde change, c’est ici que les choses avancent. Et c’est pour ça que je suis vraiment ravi d’avoir la chance de vivre en Chine où l’histoire s’écrit », conclut-il.


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