Tactique dilatoire : les Etats-Unis et l’UE ont suspendu la guerre

RCI 2018-07-27 17:46:27
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Dans l’après-midi du 25 juillet, le président américain Donald Trump et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker se sont réunis à la Maison blanche pour rencontrer des journalistes et ont annoncé leur accord pour réduire les obstacles commerciaux bilatéraux et atténuer les frictions commerciales et suspendre l’application des nouveaux tarifs douaniers sur les marchandises de l’autre partie au travers des négociations. Du coup, la nouvelle sur la réconciliation des Etats-Unis et de l’UE en matière commerciale s’est répandue très vite.


Mais l’Administration Trump a pris l’habitude de revenir radicalement sur ses promesses, les gens regardent donc l’accord conclu avec l’UE avec plus de circonspection, ils préfèrent le considérer comme un « cessez-le-feu » temporaire et non comme un armistice formel.


En regardant le contenu de l’accord, les gens peuvent y trouver des preuves.


Premièrement, les États-Unis et l’UE ont exprimé leur accord sur un engagement commun en matière de réalisation de « zéro droits de douane », de l’élimination des obstacles au commerce ,  de la suppression des subventions sur les produits non automobile, et de l’ouverture de nouvelles négociations sur le règlement des problèmes sur les tarifs douaniers de l’aluminium et de l’acier, sur toutes sortes de tarifs douaniers à titre de représailles, et sur le renforcement de la coopération dans le domaine de l’énergie.


Après une analyse minutieuse, on peut se rendre compte que ce sont des expressions directionnelles qu’aucun calendrier n’a été formulé pour concrétiser l’accord, les détails ainsi que les mécanismes de règlement ne sont pas précisés. Dans cet accord, la partie américaine n’a pas exprimé de consentement explicite à mettre fin à l’augmentation des droits de douane sur les produits de l’aluminium et de l’acier de l’UE. En particulier en ce qui concerne les tarifs douaniers sur les automobiles, qui est le problème préoccupant le plus l’UE. M. Trump a fait des déclarations indiquant que "Mercedes Benz ne puisse pas se présenter sur la Cinquième Avenue de New York", mais cette fois, il n’y a pas eu d’engagements concrets concernant les tarifs douaniers sur les véhicules automobiles. Ce qui veut dire que M. Trump a toujours un atout qui peut être utile à tout moment. Quelle crédibilité a un tel accord ? Quelle confiance mutuelle existe-t-il entre les deux parties concernées ?


Deuxièmement, la proposition avancée par l’Administration Trump à l’UE concernant le « zéro droits de douane » n’est pas une proposition originale, mais il s’agit de mettre du vieux vin dans de nouvelles bouteilles. Sous l’administration Obama, les Etats-Unis et l’UE ont procédé à des négociations sur le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (TTIP), les deux parties ont proposé de supprimer les barrières douanières sur plus de 97 % des produits importés de l’autre partie. Toutefois, il y a eu des divergences dans des domaines tels que les marchés publics, l’accès au marché des produits agricoles et la réglementation financière. Les deux parties n’ont pas pu obtenir de résultats malgré plusieurs années de négociation. Maintenant, à quatre mois seulement des élections de mi-mandat aux États-Unis, l’administration Trump, qui n’est soumis qu’à la quête des voix, combien de temps peut-elle patienter pour réaliser l’objectif de zéro subvention sur les produits industriels non automobile à travers les négociations ?


Troisièmement, l’UE est une union composée de 28 pays membres, avec des degrés de développement différents, avec des attitudes différentes vis-à-vis des frictions commerciales avec les Etats-Unis. Il y a eu des déclarations de résistance et aussi des bruits de compromis. Bien que Jean-Claude Juncker, en tant que « patron » de l’Union européenne, occupe une place importante dans la politique européenne, l’accord final conclu entre lui et M. Trump doit être validé par les dirigeants des pays membres de l’UE. Si l’un d’entre eux s’y oppose ou le conteste, le processus de négociation pourrait échouer.


Il a été noté que, cette fois, Jean-Claude Juncker a ajouté des conditions préalables à l’augmentation des importations de gaz naturel américain : « Si les conditions le permettent, les prix du gaz américain seront également compétitifs… » Alors, quels sont les conditions nécessaires ? La plus importante est naturellement le consensus parvenu au sein de l’UE en ce qui concerne l’augmentation des importations de gaz naturel américain. En ce qui concerne les prix du gaz américain, les exportations américaines vers l’Asie sont aujourd’hui plus rentables et, une fois que les prix européens des importations de gaz naturel dépasseront ceux de l’Asie, les coûts seront bien plus élevés que ceux des importations de la Russie, et certains pays européens auront certainement du mal à accepter. On peut dire que les deux conditions préalables avancées par M. Juncker sont difficiles à mettre en œuvre.


Il est clair que l’accord conclu entre les États-Unis et l’UE sur la suspension de l’augmentation des droits de douane restent du déclaratif. L’économiste américain Chad Bown est plus catégorique: "Peut-être que dans 20 minutes, un message sur Twitter dira tout l’inverse de tout ça."


Il faut que l’UE comprenne que le « zéro droits de douane » proposé par M. Trump est en fait un piège : si l’UE le rejette, elle pourra se faire accuser d’adopter une attitude protectionniste, et Donald Trump passera pour un chantre du libéralisme. Si l’UE accepte l’idée de « zéro droits de douane », mais qu’elle ne peut respecter ses promesses, Donald Trump demandera plus à l’UE.

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