Commentaire : Aux États-Unis, 10 000 bananes devant le Wall Street qui traduisent le fossé entre les riches et les pauvres

RCI 2021-10-20 21:52:45
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Un tas de bananes, 10 000 environ, ont été récemment rangées à côté de la sculpture emblématique du Wall Street de New York, le taureau en bronze, en face de laquelle on peut voir une autre sculpture d’un gorille. Il s’agit d’une campagne pour dénoncer le fossé trop important qui existe entre les riches et les pauvres dans ce pays. C’est aussi une manière de s’insurger contre le capitalisme impitoyable aux États-Unis.

Selon les organisateurs de la campagne, la sculpture d’un gorille symbolise la classe inférieure américaine, alors que les bananes traduisent l’image du Wall Street devenu fou. Une représentation bien trouvée d’autant qu’en anglais le sens du mot « banane » renvoie aussi à quelque chose de fou.

Les données publiées par la Réserve fédérale américaine permettent de bien comprendre l’ampleur du fossé entre les riches et les pauvres aux États-Unis. 10% de personnes les plus riches aux États-Unis détiennent 89 % des actions et des fonds américains. Du jamais vu ! Et, ce n’est pas tout. 1 % des plus riches, les « super riches » aux États-Unis gagnent autant que toute la classe moyenne. Une situation inédite qui a poussé Bloomberg à sortir de son silence, en disant que « la richesse est de plus en plus concentrée vers le sommet de la pyramide, ce qui est le dernier signal de l'écart grandissant entre les riches et les pauvres aux États-Unis. »

Des propos confirmés dans un récent sondage publié par l'Université Harvard et d'autres institutions. Selon ce sondage, 40 % des ménages américains éprouvent de graves difficultés financières, et environ un cinquième des ménages n’ont quasiment plus d’épargne. L'épidémie a rendu les riches encore plus riches et les pauvres encore plus pauvres.

En apparence, c’est le résultat de la forte appréciation des actions détenues par les riches suite à l'assouplissement quantitatif. Or, la disparité entre les riches et les pauvres est un problème récurrent dans la société américaine. Le prix Nobel américain d’économie, Joseph Stiglitz, a souligné dans son livre « Le prix de l’inégalité » que le groupe de 1% de la population s'accapare de la richesse sociale, laissant les 99% dans l'inquiétude et l’insécurité.

Pourquoi la seule superpuissance du monde ignore-t-elle les voix des gens d'en bas et laisse-t-elle le fossé se creuser entre les riches et les pauvres ? Cela est dû tout simplement aux contradictions qu’amène le capitalisme. Selon le chercheur français Thomas Piketty, étant donné la prévalence du taux de rendement du capital sur le taux de croissance de la productivité, la société capitaliste ne sera que de plus en plus bipolaire. Mais cela n’est pas l’unique raison. Comme le mentionne le rapport du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, si l’extrême pauvreté existe dans un pays aussi riche que les États-Unis, cela est dû au manque de volonté de la part des dirigeants. Pour inverser cette tendance, il suffit seulement d’une petite dose de bonne volonté des hommes politiques. Ainsi, l'extrême pauvreté sera vaincue.

Seulement voilà il n’y pas de volonté dans le groupe dirigeant des États-Unis. C’est toute la difficulté. En réalité, la politique américaine est basée sur le lucre. Seule une poignée d'élites détiennent le pouvoir économique et politique, et ils ne voudront pas qu’on change les règles du capitalisme. Ils n’ont qu’une seule priorité en tête : protéger leurs richesses. Le reste ne les concerne pas.

Pour le magazine américain « Fortune », bien que des millions d'Américains aient du mal à nouer les deux bouts du mois pendant l'épidémie, la rémunération des PDG des grandes entreprises américaines reste impressionnante, comme toujours. Selon les statistiques, le revenu des magnats a augmenté de 16% en 2020, tandis que le salaire des travailleurs n'a augmenté que de 1,8%.

Il y a dix ans, les manifestants de la campagne « Occupy Wall Street » scandaient le slogan « 99% et 1% » pour dénoncer l'injustice de la société américaine. Dix ans plus tard, les choses n’ont toujours pas changé. D’après le fondateur de Bridgewater Fund, Ray Dario, l'écart de la richesse des différents groupes américains est une urgence nationale.

Il y a dix ans, des manifestants ont crié justice dans le Wall Street. Dix ans plus tard, une plainte silencieuse de 10 000 bananes. Si les politiciens américains restent toujours indifférents, c’est une véritable crise qui pourra secouer les États-Unis.

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