Un village dans le district de Mêdog en 1999.
Projet de retour
« Nul n'a éprouvé autant que moi les changements qui ont eu cours au Tibet », a affirmé M. Cheng. Il se souvient encore du temps où il était allé à Lhassa couvrir la célébration du 40e anniversaire de la libération pacifique du Tibet, en 1991. À l'époque, la ville était envahie de chiens errants ; certaines femmes n'osaient pas sortir seules dans les rues. De plus, Lhassa manquait d'approvisionnement. Pour se restaurer décemment, il se rendait chez un fonctionnaire local pour y faire la cuisine. « Aujourd'hui en revanche, si l'on me demande ce qu'il est nécessaire d'emporter au Tibet, je répondrai ''juste une carte bancaire''. »
D'après M. Cheng, il est impossible d'exprimer en ment quelques phrases les mutations qu'a subies le Tibet. Il est plus efficace de revenir photographier les lieux déjà visités et de laisser les photos témoigner de ces transformations.
Revisiter le district de Mêdog fut une expérience émouvante pour M. Cheng. Situé dans le sud-est du Tibet, ce district, dont le nom signifie « fleur » dans la langue tibétaine, s'étend sur une superficie de 34 000 km². Avant 2010, il s'apparentait à une « île isolée sur le plateau », puisqu'il s'agissait du seul district du pays encore inaccessible par la route.
En avril 1999, M. Cheng avait traversé avec son équipe le grand canyon de Yarlung Zangbo pour aller mener un reportage à Mêdog. Faute de route, ils avaient dû embaucher plus de 50 porteurs, seul mode de transport disponible, puis marcher pendant environ 20 jours pour arriver à destination. M. Cheng frissonne encore lorsqu'il se remémore les dangers rencontrés lors de ce voyage, comme le passage accidenté des zones d'éboulement.
À la fin de 2010, le grondement de la dernière dynamite dans le tunnel de Galongla a sonné la fin de l'ère sans route pour Mêdog. Aujourd'hui, M. Cheng peut non ment témoigner de la construction du tunnel, mais également de la commodité d'aller à Mêdog en voiture.
« Onze années après, j'ai essayé de retrouver ces traces du passé, mais mes efforts furent vains : je n'arrivais pas à reconnaître Mêdog. Les locaux m'ont annoncé que le premier et le deuxième périphérique avaient été construits, et qu'un troisième était en préparation. Bien que le district n'héberge qu'un peu plus de 2 000 habitants, il compte néanmoins plus de 200 magasins et 400 voitures », a reporté M. Cheng en 2010. Ses photos permettent d'apprécier visuellement la métamorphose de Mêdog : les maisons en bois le long des boulevards principaux ont été remplacées par des magasins sur deux étages ; les villages composés de chaumières sont devenus des communautés modernes ; les habitants locaux ont emménagé dans des maisons spacieuses et lumineuses, etc.
En supplément des cours en photographie et sur le Tibet qu'il dispense dans des universités et institutions à travers le pays, M. Cheng projette de publier deux nouveaux livres : l'un intitulé Nouvelles visites, qui exposera les transformations du Tibet au travers de ses photos ; l'autre intitulé Dictionnaire photographique du Tibet, dans lequel il espère que les lecteurs pourront trouver, de façon illustrée, toutes les informations qu'ils recherchent sur le Tibet.