Le site archéologique de Tongguanyao铜官窑
  2012-09-03 11:29:52  cri

Quand on parle de l'exportation des porcelaines chinoises, on pense tout de suite aux porcelaines bleues produites par le bourg de Jingdezheng景德镇 que Zheng He郑和, le grand navigateur chinois qui vécu sous le règne des Ming, a fait connaître aux peuples des pays asiatiques et africains à travers ses grandes expéditions maritimes.

Mais les porcelaines produites par Tongguanyao sont de 700 ans plus anciennes que celles qui étaient du voyage de Zheng He. Tout à Fait. Il était une fois... un bateau marchant qui avait levé l'ancre au bord du fleuve Xiangjiang, près de la ville de Changsha长沙. Après avoir traversé le fleuve et le lac Dongting洞庭, il parvint à l'embouchure du Yangtsé et ensuite prit la mer. L'évènement eut lieu en l'an 800 vers la fin de la dynastie des Tang. Depuis, on n'a plus reçu aucune nouvelle du bateau, il a même disparu des mémoires...

Mais en 1998, il a refait surface. Le bateau marchant baptisé « Hei Shi 黑石», pierre noire, fut relevé du fond du Pacifique, au large de l'Indonésie. De l'épave, on a extrait plus de 60 000 pièces de porcelaines, qui ont été toutes produites par le four de Tongguan.

 Tongguanyao se trouve exactement dans le village de Cai Tao Yuan彩陶源, dans le canton de Dingzi丁字de la préfecture de Wangcheng de la ville de Changsha au Hunan. L'emplacement est à présent aménagé en un parc archéologique, et a ouvert au grand public début juin dernier.

Informé de cette ouverture, notre correspondant s'est rendu au village de Cao Tao Yuan pour couvrir l'événement. Le village est bordé par le fleuve Xiangjiang, un cours d'eau aux paysages pittoresques. En se promenant au bord du fleuve, il a été séduit par la présence d'innombrables débris céramiques, sur la plage ou dans l'eau. Tout indique que par le passé, ce fut un haut lieu de production de porcelaines.

Tout à fait. A Wangcheng, la production de porcelaine a une histoire très longue, elle doit remonter à l'époque de Yao尧 et Shun舜, qui sont considérés comme deux grands souverains de la plus haute antiquité et qui ont vécu, il y a de cela plus de quatre millénaires. A cette époque, les riverains du fleuve Xiangjiang, étaient déjà capables de produire des céramiques, avec en plus une technique de production très élaborée. Car, les porcelaines qu'ils ont produites avec le gisement local n'avaient aucun défaut.

 « Bien, très bien. La pâte est très bonne ! » Nous sommes maintenant dans une carrière de terre à porcelaine, du bourg de Tongguan. Dans la région, les artisans ont l'habitude de se rendre eux-mêmes sur place, à la carrière pour prendre la glaise qui convient à leur fabrication. Et cette habitude s'est perpétuée jusqu'à nos jours. Ils continuent d'exercer selon la tradition. Hu Wuqiang胡武强, grand maître d'art artisanal :  « Grâce à la terre argileuse de Tongguan铜官, nous parvenons à produire des céramiques qui sont différentes des autres. C'est ainsi que s'est formée la spécificité, l'originalité des produits de Tongguan. Il nous est donc impératif d'utiliser la glaise de la région. Ce genre de glaise est la meilleure et nous l'appelons Liao Tu料土, matière brute. Nous sommes très exigeants vis-à-vis de la glaise. Celle qui tourne au jaune, contient du fer. Chaque fois qu'on veut acheter de la matière brute, on se rend à la carrière. »

Sous le règne des Tang 618-907, la production de porcelaine était très développée. A cette époque, on vit fleurir une grande quantité de fours. Dont la porcelaine bleue Yue Yao越窑, issue des fours du Zhejiang et la porcelaine blanche Xing Yao邢窑, issue des fours du Hebei.

Cependant, au milieu de la dynastie Tang, on vit apparaître dans le concert de ces fours, celui de Tongguan, le seul capable de produire des porcelaines polychromes dans le pays. Des porcelaines émaillées qui représentent toute une gamme allant du bleu au bleu foncé, du blanc au noire, en passant par les bruns foncés et les verts. Toutes se distinguent par leur beauté spécifique, subtile et éclatante. Elles rivalisent et se répondent. Non seulement éclatantes, leurs couleurs sont stables et la production intensive. Elles étaient donc très en vogue et très prisées sur le marché. Xiao Xiang萧湘, grand archéologue de la céramique travaillant à Tongguanyao depuis une trentaine d'années :  « De la porcelaine bleue des Han de l'Est à la porcelaine émaillée fabriquée par le four de Changsha, une grande avancée a été réalisée au niveau de la production technique. Il a fallu 800 ans d'expériences et de progrès pour y parvenir. Cela représente donc l'apogée de la culture des Tang, du fait que ce ne fut pas un simple produit céramique, c'est l'aboutissement de toute une recherche culturelle et scientifique. Ce n'est pas une simple discipline technologique. J'ose même dire que même à présent, il nous est impossible d'atteindre le niveau de l'époque. »

Le four de Tongguan a pris l'initiative de produire des porcelaines polychromes, ce fut donc sa contribution à l'histoire de la production céramique mondiale. Aujourd'hui, dès que vous entrez dans le parc archéologique de Tongguanyao, vous pourrez constater que presque toutes les formes de la culture traditionnelle chinoise ont été mises au service de la production des céramiques : calligraphie, peinture, sculpture, poésie et proverbe ainsi que la publicité. On peut même dire que c'est à Tongguanyao qu'est né l'art décoratif, du moins dans le domaine de la production des porcelaines. Ecoutons notre correspondant sur place :  « Bonjour, alors que nous nous promenons dans le parc archéologique, nous sommes non seulement séduits par les porcelaines exposées qui sont plus belles les unes que les autres, mais aussi par l'histoire qui se cache derrière chacun de ces objets d'art. Il suffit de lire les caractères ou les motifs qui sont peints à la surface de chacune des porcelaines, pour s'en rendre compte ».

On trouve notamment des poèmes sur ces précieuses pièces d'art, comme celui qui orne l'une des porcelaines exhumées : « Lors que tu es né, je ne suis pas encore née, lors que je suis née, tu es déjà vieux. Tu regrettes que je sois née trop tard, je regrette que tu sois né trop tôt ». Cédric, qu'est-ce que tu comprends cette oeuvre poétique ?

Une déclaration d'amour. Qui chante en plus un amour né entre deux personnes avec une grande différence d'âge. On peut aussi lire sur les porcelaines exhumées des phrases publicitaires, telle que « Yan Man Tian Xia Wu Kou Guo言满天下无口过 ». Cette phrase veut dire que « les porcelaines de Tongguanyao sont connues de tout le monde, mais elles ne sont maudites par personne ».

Selon l'archéologue Xiao Xiang, à Tongguanyao, on était conscient de l'importance du commerce et le commerce a donc été rapidement pris en considération dans le développement de cette industrie. C'est ainsi qu'est née toute une culture du commerce. Une culture qui est aujourd'hui considéré comme un patrimoine culturel à préserver, puisqu'elle a contribué au développement de toute l'industrie céramique: « A Tongguanyao, on est parvenu à associer l'art à la production. C'est quelque chose d'extraordinaire. Le nombre de poèmes qui ont été inscrits sur les porcelaines produites à Tongguanyao est estimé à plus d'une centaine. Tous les vers peuvent être considérés comme des slogans publicitaires. A Tongguanyao, on est particulièrement sensible aux slogans, qui sont donc très nombreux. C'est une sorte de succès commercial remporté par cette industrie ».

La centaine de poésies qui ont été ainsi découvertes par les archéologues, au bout des années d'efforts a complèté la collection de poésie de la dynastie Tang, qui est déjà très riche. Les porcelaines de Tongguanyao ont été vendues en Asie de l'Est, du Sud, en Afrique du Nord et en Europe.

Le 5 juin 2012, le parc archéologique de Tongguanyao a été officiellement ouvert au grand public. L'accès en est gratuit. Lors de la visite, les touristes peuvent en plus s'essayer à la production de porcelaines, en se confrontant à toutes les étapes du processus de fabrication. Selon Shan Jixiang单霁翔, conservateur du Musée du Palais impérial, le site occupe une place incontournable pour la préservation des vestiges de telle envergure dans le pays. Il est au micro de RCI :  « C'est le premier du genre, c'est la première fois qu'un four est aménagé en parc archéologique. Un site d'envergure dont l'histoire remonte très loin dans le temps. Il est en plus exposé dans son état d'origine, il est là tel qu'il est depuis toujours. C'est ce qu'on veut faire en terme de la protection et de l'exposition des vestiges. En plus dans le parc, vivent des habitants. Il nous faut leur prêter attention, les sensibiliser à la protection des vestiges. Ce n'est qu'ainsi qu'on pourra garantir la sécurité de nos sites. »

Depuis son ouverture en juin, en trois mois, le site a déjà accueilli plus de 80 000 visites. Le 8 juillet dernier, la centaine d'étudiants étrangers qui ont pris part au 11ème concours « Han Yu Qiao 汉语桥», Chinese bridge, ou Pont chinois se sont rendu à Changsha pour visiter le parc archéologique des fours.

Dans la zone de démonstration, notre correspondant a croisé Antony, étudiant de l'université de Nairobi au Kenya. En mettant la main à la patte, il a modelé un petit bol pour sa mère.

(Yannine)

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