Rencontre avec Julien Beaudiment
  2012-02-28 15:46:50  cri

Après un coup de téléphone, je me suis préparée à la hâte pour interviewer la première flûte solo de l'Opéra national de Lyon, Julien Beaudiment, qui donnait le lendemain, le 25 février, un récital à Beijing.

Quand je suis arrivée au Grand Théâtre national, le musicien était en répétition avec le pianiste chinois Cui Honggen. Sa flûte dorée à la bouche, Julien Beaudiment, qui était au milieu de la scène, était en train d'interpréter « le Prélude à l'après-midi d'un faune » de Debussy. La salle était presque vide et de couleur or. Le son de la flûte dessinait finement une image lumineuse. C'était comme si les rayons de soleil perçaient le feuillage de la forêt et jetaient des taches de lumière au sol. Dans la forêt, un faune s'amusait avec des fées, songeait et se prélassait. La musique était douce comme un sucre qui fond. La musique peignait un rêve.

Après la répétition, je me suis présentée à Julien Beaudiment, qui essuyait sa flûte avant de la ranger dans une petite boîte. « Prenez votre temps », lui ai-je dit. « Merci. », a-t-il gentiment répondu.

Comme la préparation était rapide, je n'avais pas d'idée précise sur le thème de notre entretien. Mais je voulais commencer par la flûte traversière..

« Mon premier contact avec la flûte traversière, je crois que j'avais onze ans, douze ans. C'était au Conservatoire de ma ville natale, la Rochelle.

En fait, avant, je jouais de la flûte à bec. Mais j'en jouais très sérieusement. Et puis, je voulais changer d'instrument, parce que je voulais être musicien et que l'on me disait que jouer de la flûte à bec, professionnellement, c'était assez limité. Logiquement, on m'a aiguillé vers la classe de flûte traversière au Conservatoire de la Rochelle.

Il y avait un élève qui jouait d'une étude de Chopin transcrite à la flûte. Je trouvais c'est incroyable. C'était très virtuose. Le son me plaisait, tout me plaisait. C'était « love at first sight », un grand amour tout de suite.

Le grand amour pour la flûte traversière accompagne Julien depuis plus de 20 ans et a guidé Julien Beaudiment vers la voie d'un vrai musicien.

Pour exercer le métier de musicien, on a beau être doué, encore faut-il travailler durement. Cependant, faire des exercices n'est plus une contrainte pour ce jeune musicien. « C'est comme un footballeur qui fait du jogging, de la musculation. En fait, on n'y pense plus. C'est comme ça. Ça fait partie du quotidien. Ce n'est plus une contrainte. C'est une nécessité. Ça fait déjà partie de la vie. »

Quel est le charme de la flûte ?

« C'est être capable d'être un instrument très expressif. Plein de couleurs, léger, à la fois dense. Je trouve que c'est un son capable de faire beaucoup de choses, comparé à d'autres instruments. Et j'aime la liberté au niveau du souffle. Au niveau de l'embouchure, il n'y pas de résistance comme le hautbois et la clarinette. J'aime cette impression de souffler dans le vide. Et miraculeusement, il y a un son qui sort. »

Qui est le meilleur ami de la flûte ?

« La voix », a-t-il répondu sans hésitation. « Quand la voix de soprano a besoin d'un soutien, au niveau de l'orchestre, c'est souvent la flûte qui joue avec elle. Dans le bel canto, il y a toujours une très belle partie de flûte. Dans l'opéra, il y a vraiment une belle place pour la flûte traversière. Donc je trouve que l'instrument le plus proche de la flûte traversière est la voix ».

Pour les choix des morceaux interprétés, Julien Beaudiment a choisi ce qu'il préférait : Après-midi d'un faune et Claire de Lune de Debussy, Fantaise de Faurest, La Grande fantaisie sur Mignon de Paul Taffanel et aussi des oeuvres de Ravel et de Cesar Franck. Toutes ces oeuvres ont été composées autour de 1900. Selon Julien Beaudiment, c'est une époque très importante dans l'histoire. Parce que « Tout était censé oeuvrer pour l'humanité, le progrès technique, le progrès industriel et le progrès culturel aussi. C'était peut-être ce qu'on appelle « Belle époque ».

Bien qu'il ait déjà joué avec de nombreux orchestres, il n'a jamais joué dans un orchestre asiatique. La grande première aura lieu en mai. « J'ai hâte. J'espère qu'il y a de belles rencontres. ».

Pour sa deuxième visite en Chine, Julien n'a toujours pas eu le temps de faire du tourisme. Il pensait qu'en mai, il aurait l'occasion de visiter la Cité Interdite. Il avait l'air songeur.

« C'est un pays incontournable à la fois culturellement et à la fois économiquement. Je trouve que c'est un pays qui s'ouvre à la musique classique et à l'Europe au niveau de la musique. La Chine est en train de faire pareil avec des moyens considérables. Parce que la salle ici est magnifique. Il y a beaucoup de concerts. Les Chinois sont très gentils. Donc, je suis très heureux d'être là. »

Quand Julien Beaudiment parlait, des mots anglais surgissaient parfois, gênant la compréhension. C'est normal. Il a étudié en Angleterre. Aimerait-il résider dans ce pays ? « Si je devais répondre tout de suite, je dirais en Italie. » Oui. Il aime la nourriture italienne, la culture italienne, les Italiens et surtout l'Opéra italien. « Quand je vais en Italie, je me sens très bien. J'ai pas plein d'adaptation. Je peux du jour au lendemain, en 24 heures, vivre à l'italienne. Sans aucun problème. » a-t-il conclu en claquant les doigts.

A la fin de l'interview, j'ai mentionné le pianiste Jean-Yves Thibaudet. « Je l'adore ! C'est un musicien avec qui je rêve de jouer. » s'exclamait Julien Beaudiment.

La Chine est un pays où la consommation de la musique croît à grande vitesse et qui attire de grands orchestres du monde entier. On peut imaginer qu'un jour, le pianiste Thibaudet et le flûtiste Beaudiment seront ensemble en concert en Chine.



Courte biographie de Julien Beaudiment

A 18 ans, il traverse la Manche pour étudier à la Guildhall School of music avec Paul Edmund-Davies à Londres et deux ans après au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, où il obtient le premier prix de flûte dans la classe de Sophie Cherrier et Vincent Lucas.

Il est nommé première flûte solo à l'Orchestre de l'Opéra National de Lyon, alors qu'il est âgé de seulement 22 ans. En 2004, il est lauréat avec sa pianiste du 50è concours international de sonates de Barcelone.

En 2005, il est nommé première flûte solo du BBC National Orchestra of Wales. Il occupera ce poste jusqu'en 2006, avant de revenir à l'Opéra de Lyon. C'est le seul flûtiste français à avoir tenu ce poste dans un orchestre britannique.

Il s'est produit en Europe, en Amérique du Nord, au Moyen-Orient et en Extrême-Orient, en tant que soliste ou au sein de nombreux orchestres, comme le London Symphony Orchestra, l'Orchestre de Paris, l'Opéra de Paris, l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg...

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