« Le bassin de Fuchun » est exposé à Taibei dans son intégralité
  2011-08-29 09:01:59  cri

Le tableau « Fu Chun Shan Ju Tu » 富春山居图 est à présent exposé à Taibei, au Musée du palais impérial. L'exposition doit durer jusqu' au 5 septembre prochain.

C'est l'un des dix plus grands classiques chinois en terme de peinture. Mais, ce qui l'a fait entrer dans la légende, c'est son histoire exceptionnelle. En effet, le tableau fut scindé en deux il y a de cela plus de 360 ans. Et depuis 1948, les deux moitiés de la toile furent conservées séparément par les Chinois des deux rives du détroit de Taiwan.

Aujourd'hui on est enfin parvenu à les réunir et à exposer l'œuvre dans son intégralité. Ce résultat est l'aboutissement des efforts inlassables déployés depuis une bonne dizaine d'année par les esprits éclairés des deux rives.

Mais tout de suite, plus de détails sur cette oeuvre apparue il y a de cela plus de 660 ans.

Le tableau : « Fuchun Shan Ju Tu 富春山居图», qui peut être traduit par : « Le bassin de Fuchun », est, comme on vient de le dire, l'un des dix plus grands classiques chinois du genre. L'œuvre représente l'apogée de la peinture à l'encre de Chine de la Chine antique. En 2010, on a fêté, le 660ème anniversaire de la création de ce chef d'oeuvre.

La toile reproduit le paysage pittoresque qui borde la rivière de Fuchun, rivière qui se trouve dans la province du Zhejiang. Son auteur est Huang Gongwang黄公望, un très grand peintre qui a vécu entre 1269-1354, sous le règne des Yuans

La toile est depuis toujours considérée comme un grand classique, un chef d'œuvre. En plus, d'être très bien structurée, son auteur a su mettre en valeur les effets de l'encre de Chine, parvenant à une parfaite harmonie entre le foncé et le clair, le sec et l'humide. Son caractère remarquable lui a valu dès son achèvement d'être encensée.

Vers la fin de la dynastie des Yuans, la peinture était détenue par un grand collectionneur du nom de Wu Hongyu吴洪裕. Il aimait tellement l'œuvre, que mourant, il ordonna qu'on la brûle pour qu'elle puisse le suivre dans l'au-delà.

C'est un cousin du collectionneur qui la sauva du feu. C'est ainsi que la toile se retrouva scindée en deux. La première moitié fut alors renommée « Sheng Shan Tu 剩山图 », ou « le reste des montagnes ». Elle mesure 50cm de long et est conservée au musée de la province du Zhejiang. L'autre moitié porte à présent le nom de « Wu Yong Shi Juan 无用师卷», d'après le nom d'un moine, auquel, Huang Gongwang avait originellement dédié son œuvre.

La seconde partie de la peinture mesure 640 cm de long. Elle fut conservée à la Cité interdite du temps des Qing, dernière dynastie féodale qui régna entre 1644-1911 et fut ensuite conservée au musée du palais impérial de Taibei depuis 1948. Quant à la première moitié de la toile intitulée : « Sheng Shan Tu », le reste des montagnes, il circula longtemps au sein de la population.

En 1956, le grand calligraphe chinois Sha Menghai沙孟海 parvient à convaincre un collectionneur originaire de Shanghai de céder le tableau, qui est un trésor national. Depuis, le tableau est conservé au Musée de la province du Zhejiang, basé à Hangzhou, son chef lieu.

Et cette situation perdura des décennies. On prit l'habitude de dire que ces deux moitiés de tableau, conservées à Hangzhou et à Taibei, se faisaient face de chaque côté du détroit, s'interpellant mutuellement.

C'est vers la fin des années 90 que Yang Jianxin杨建新, actuellement directeur du Bureau culturel de la province du Zhejiang, mais qui était alors directeur du Bureau chargé des affaires taiwanaises du gouvernement populaire de la province du Zhejiang, commença à s'intéresser au tableau. On l'écoute s'exprimer au micro de RCI :  « C'était en 1997-98 que j'ai commencé à m'intéresser au tableau 'Fu Chun Shan Ju Tu'. Je savais qu'au musée du Palais impérial de Taibei, sont conservés des centaines de milliers d'objets anciens originaires de la partie continentale. Mais parmi tous ces objets de valeur, il y en a un qui me tenait à cœur parce que c'était le seul objet qui fut conservé de par et d'autre du détroit. Il s'agit bel et bien de 'Fu Chun Shan Ju Tu' ».

Et Yang Jianxin de souligner que si on parvient à réunir, à exposer le tableau dans son intégralité, il était sûr que cela serait un grand événement, méritant de figurer tant dans l'histoire de la peinture et même de la culture chinoises, de même que dans l'histoire des échanges culturels entre les deux rives.

C'est ainsi qu'il lança son projet de réunification du tableau. Mais le résultat ne fut pas ce que le directeur escomptait. Continuons à écouter Yang Jianxin :  « Parce qu'entre 1998 et 1999, les relations entre les deux rives furent très marquées par l'animosité. La situation globale des échanges entre les deux rives était loin d'être aussi bonne que celle qu'on a à présent. Nous, on a cherché à établir des contacts par tous les moyens, notamment en faisant appel aux vieilles connaissances. »

Hélas, Yang Jianxin fut très déçu par le résultat de ses efforts. En effet, il lui fut répondu que la réunification ne pourrait avoir lieu qu'à une seule condition : qu'elle ait lieu à Taiwan et non sur la partie continentale. Obligeant la partie continentale à aller exposer à Taiwan la section du tableau qu'elle conserve, si elle désire réunifier les deux moitiés de l'œuvre.

Comme les conditions n'étaient alors pas réunies, la province du Zhejiang opta pour un autre moyen de présenter dans son intégralité l'œuvre.

En 1999, la province du Zhejiang a fait venir de Taiwan une trentaine de calligraphes et de peintres. En plus de ceux de l'Académie des Beaux-Arts de Chine, les artistes des deux rives ont réalisé ensemble « le Nouveau Fu Chun Shan Ju Tu », ou le nouveau bassin de Fuchun.

Ce fut une réalisation très symbolique manifestant la volonté des artistes des deux rives de réunifier ce trésor de la Nation chinoise. D'ailleurs, le résultat fut très appréciée par Wang Daohan汪道涵, alors président de l'Association pour les relations entre les deux rives du Détroit de Taiwan.

Au comble de la joie, ce dernier écrivit avec son pinceau les 7 caractères suivants : « Fu Chun Shan Ju Tu Yuan He 富春山居图缘合», ou en français, La réunification du tableau Fu Chun Shan Ju Tu.

Malgré le succès de l'opération, le projet initial n'est repris qu'en 2005. Alors, après bien des détours, un homme est parvenu à joindre Yang Jianxin, alors au poste de directeur du Bureau culturel de la province du Zhejiang. Tout de suite le témoignage de Yang Jianxin :  « Liu Changle, président du groupe Phénix Satellite Télévision est venu me voir pour me faire part d'une idée qu'on pourrait exploiter pour donner un coup de fouet aux échanges culturels entre les deux rives. Je lui ai répondu ce qui suit : 'Mon cher président Changle, je m'occupe de ce projet depuis des années. Et personnellement je crois que ce sera une mission difficile, presque impossible à accomplir'. »

Selon Yang Jianxin, il n'a pu convaincre son interlocuteur Liu Changle. Plein de confiance, ce dernier lui promet de continuer à travailler pour la réalisation du projet. Et il a effectivement déployé de grands efforts à cet égard. Mais, après un certain temps, Yang Jianxin n'a plus aucune nouvelle de son ami.

Ce n'est que beaucoup plus tard que Liu Changle a de nouveau contacté Yang Jianxin :  « Il m'a dit ceci : mon vieux, est-il possible de faire autrement ? De changer de position. De ne plus exiger qu'ils viennent sur le continent, et nous, de nous rendre à Taiwan. Si on veut qu'ils viennent, ce sera très difficile. Je lui ai alors répondu que c'est ce que j'avais déjà tenté. Mais comme moi, Liu Changle n'a jamais cédé. »

Tout de suite le témoignage de Liu Changle刘长乐, président de la chaîne de télévision Phénix : « Entre temps, on a été confronté à pas mal de zones d'ombres, de tabous, de difficultés. Des difficultés inattendues au niveau du droit, de la réglementation que de la paternité culturelle de l'œuvre. »

En 2010, l'affaire a connu un tournant. Lors de la tenue des deux sessions annuelles, He Shuifa何水法, peintre originaire du Zhejiang, et membre de la CCPPC, Conférence Consultative Politique du Peuple Chinois a avancé un projet de résolution pour réunifier les deux moitiés de la toile. He Shuifa s'exprime au micro de RCI : « Tout en espérant que le désir ardent manifesté par les artistes des deux rives de voir réunifier la toile soit compris, j'étais alors très confiant. Car les Chinois des deux rives sont originaires d'une même famille. »

Lors d'une conférence de presse, tenue à l'occasion de l'ouverture des deux sessions annelles, le Premier ministre chinois Wen Jiabao 温家宝a fait une remarque à ce sujet. On l'écoute tout de suite : « La première moitié est conservée à Hangzhou, et la seconde, à Taibei. J'espère que ces deux morceaux de la peinture pourront un jour être réunis. Si on peut le faire pour un tableau, alors c'est qu'on peut aussi le faire pour les hommes, non ? »

Cette intervention du Premier ministre a redonné un coup de fouet au projet. De l'autre côté de la rive du Détroit, la réunification de la toile commence à attirer l'attention du milieu culturel. On écoute tout de suite Cai Zhizhong蔡志忠, l'un des auteurs de bandes dessinées les plus connus de Chine :  « Je suis tout à fait persuadé par le fait que tous les artistes du monde prendront plaisir à voir réunir un tableau scindé ».

On écoute s'exprimer au micro de RCI Huang Guangnan (Huang Kuang-Nan)黄光男, recteur de l'Université d'art de Taiwan : « Les deux sections de la toile sont en mesure de pérenniser les échanges culturels entre les deux rives. De lier les cultures. Ce sera un évènement d'importance historique culturellement et esthétiquement ».

En juin 2010, le préfet de la province du Zhejiang Lü Zushan吕祖善 se rend à Taiwan. En visitant le Musée du Palais impérial de Taibei, il déclare ce qui suit, on l'écoute tout de suite : « Le musée du Zhejiang est disposé à prêter le Sheng Shan Tu, la première moitié de la toile au musée du Palais impérial de Taibei. Ce qui nous permettra d'exposer dans son intégralité la toile 'Le bassin de Fu Chun Shan', et à nos compatriotes de Taiwan d'être les premiers à apprécier la toile».

C'est ainsi que le projet de réunification de la toile est remis à l'ordre du jour. Les deux musées, celui du Zhejiang et celui de Taibei accélèrent leur coopération et discutent en détails de l'application du projet. Le 16 janvier 2011, les deux parties ont officiellement signé un mémorandum ; Le 11 mai, la première moitié de la toile « le Shen Shan Tu » est mis en caisse. Après avoir traversé le Détroit, il parvient à Taiwan. Le 1er juin, il est exposé au musée de Taibei avec « Wu Yong Shi Juan », l'autre moitié de la toile.

Dès que Yang Jianxin 杨建新pose ses yeux sur le tableau « Fu Chun Shan Ju Tu » dans son intégralité, il s'en émerveille. C'est l'aboutissement d'une dizaine année d'efforts déployés. On l'écoute s'exprimer au micro de RCI : « Je crois que tout a changé, même l'ambiance. C'est difficile à dire. On se sent envelopper par une sorte d'aura imprégnée de solennité, d'élégance, de vie, et d'histoire. Dans une vitrine longue de 16 mètres, sont placées deux tableaux, le Shen Shan Tu et le Wu Yong Shi Juan. Quel régal ! Un vrai bonheur !»

Liu Changle刘长乐, président du groupe Phénix Satellite Télévision en est encore plus ému. On l'écoute s'exprimer au micro de RCI :  « Des discussion, des navettes, enfin des réflexions et de la promotion, tous les efforts sont aujourd'hui récompensés. Comme on dit : vouloir, c'est pouvoir. »

He Shuifa, auteur du projet de résolution pour réunifier les morceaux de la toile « Le bassin de Fu Chun Shan » s'est rendu à Taiwan pour prendre part à l'exposition de la toile. On l'écoute s'exprimer au micro de RCI : « J'ai déjà effectué quatre visites à Taiwan. Cette fois, je peux enfin apprécier la toile dans son intégralité. Mon vœu est exaucé. Ce voyage a pour finalité la concrétisation de mon rêve. »

L'exposition spéciale doit durer 3 mois. Du 1er juin au 5 septembre. Elle doit accueillir plus d'un million de visiteurs, chinois et étrangers. On écoute s'exprimer au micro de RCI, une visiteuse du nom de Yang originaire de Taiwan :

Journaliste : Vous venez spécialement pour cette exposition ?

Yang : Oui. Tout à fait.

Journaliste : Avez-vous déjà entendu parler de cette exposition ?

Yang : Oui. J'en ai entendu parlé dans le journal. En plus, ça fait longtemps qu'on attendait cette exposition.

Journaliste : Après l'avoir vu, qu'en pensez vous ?

Yang : Super. Majestueuse et imposante. C'est bien, c'est très bien. Maintenant, c'est les vacances d'été. J'espère que tous les élèves pourront venir la voir.

Journaliste : Les échanges culturels rapprochent-ils le cœur des Chinois des deux rives ?

Yang: Exactement. Ils sont plus grands, plus puissants que les forces politiques et militaires. Vous avez tout à fait raison.

(Yannine) 

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