Wang Anyi, romancière et actuelle présidente de l'Association des Ecrivains de Shanghai.
  2010-04-29 15:43:45  cri

Dès qu'on parle de Shanghai, la plus grande métropole de Chine, on pense tout de suite à son passé, au vieux Shanghai, qui était qualifiée de « paradis des aventuriers ». Où régnait alors la prospérité et où l'on menait un train de vie luxueux, baignant dans la lumière, la musique et les chants. C'est là où sont nées d'innombrables légendes et histoires d'aventures. Ces dernières inspirent depuis toujours les artistes et les écrivains.

Aujourd'hui, à Shanghai, règne toujours la prospérité. Et les innombrables légendes et histoires d'aventures se reprennent et se renouvellent. Mais, les héros de ces histoires ne sont plus des aventuriers ou des aristocrates, mais le petit peuple. Le fait de prêter attention aux gens ordinaires et de retranscrire de manière fidèle leur vie quotidienne constituent la principale caractéristique de la littérature shanghaienne.

C'est de cette manière que Lu Xun, Mao Dun et Ba Jin, les grands noms de la littérature chinoise couchent sur leur papier le Shanghai de leur époque. Il faut dire que Wang Anyi 王安忆, l'héroïne de notre émission d'aujourd'hui, fait partie de la même lignée que ces grands noms. Grâce à sa sensibilité féminine, elle parvient à créer des personnages, des héros aux couleurs de Shanghai et continue d'écrire l'histoire de la cité.

Lors de l'interview que Wang Anyi a accordée à notre Radio, elle a qualifié Shanghai de « moderne », de « conservatrice » et de « grossière ». Les contradictions entre les termes choisis par la romancière ont beaucoup surpris l'audience présente lors de l'entretien,.

Devant notre étonnement, Wang Anyi nous a expliqué, que par « moderne », elle voulait dire que Shanghai suivait de près les tendances en vogue à l'étranger, et par « conservatisme », que malgré l'urbanisation, Shanghai est restée fidèle à ses origines campagnardes. En ce qui concerne le « grossier », on écoute Wang Anyi s'exprimer au micro de RCI : « Je crois que Shanghai est de nature grossière, cela est due à sa naissance. La ville n'a pas été progressivement urbanisée. Elle a été soudainement inondée par des capitaux étrangers. Ce qui explique son côté voyou. Elle est donc très grossière. Au niveau national, aucune ville du pays ne produit autant de petits bourgeois que Shanghai. Une nouvelle classe sociale qu'elle a d'ailleurs fait émerger. En plus, c'est une classe sociale qui y est en pleine maturité. Si moi, j'adore Shanghai, c'est parce qu'au premier abord, elle est splendide. C'est aussi son handicap, elle est dépourvue de fondement. »

En tant que présidente de l'Association des écrivains de Shanghai, Wang Anyi suit l'évolution de la ville où elle réside et ce, sans interruption. Et c'est bel et bien la nature, la particularité de cette ville qui l'inspire. A partir de la fin des années 90, l'écrivain s'est consacré à la retranscription des us et coutumes propres à la ville.

C'est en quelque sorte une vue panoramique du Shanghai d'hier et d'aujourd'hui qu'elle a réalisé. De l'habillement à la nourriture, en passant par l'habitat et les modes de transports, la vie des shanghaiens est décrite dans les moindres détails. Une Shanghai débordante de vie, dynamique et appétissante.

« Chang Hen Ge长恨歌 », ou le « Chant de l'éternel regret », roman fleuve écrit par Wang Anyi a remporté le Prix Mao Dun. Le Prix Mao Dun est la distinction suprême qui récompense le meilleur roman fleuve du pays. Dans le commentaire fait par le jury, il est dit, je cite : « Dans son œuvre, Wang Anyi ne décrit pas une ville, mais elle offre une perception basée sur des recherches historiques et ses expériences personnelles, une vision qui est difficile à percevoir. C'est la raison pour laquelle on a qualifié son œuvre d'épopée. »

Wang Anyi 王安忆est née en 1954 à Nanjing. Sa mère l'emmène à Shanghai alors qu'elle n'est encore âgée que d'un an. A 16 ans, elle est envoyée dans l'Anhui pour travailler la terre. Deux ans plus tard, elle est admise par une troupe culturelle et artistique du Jiangsu. En 1978, elle retourne à Shanghai, depuis, elle ne l'a plus quitté.

Aussi, on peut dire que sa jeunesse a été assez ordinaire. Cependant, pour elle, ces quelques expériences de vie constituent une source d'inspiration inépuisable. A tel point, que ces premières œuvres apparaissent d'une certaine façon comme des œuvres autobiographiques. En lisant « les secondaires de la promotion 1969 六九届初中生», « L'amour de la petite ville 小城之恋», et « Xiao Bao Zhuang 小鲍庄», on parvient facilement à y retrouver des références à des épisodes de sa vie.

En 1976, elle s'engage dans la voie de la création. Dès lors, elle ne cesse de produire quantité d'œuvres littéraires, proses, nouvelles, romans, et romans fleuves. Soit, 4 millions de caractères chinois recensés au total ! Continuons à écouter Wang Anyi : « Je viens de me rendre compte que j'ai fais le bon choix en choisissant le métier d'écrivain. En effet, il m'a fallu du temps pour en prendre conscience. Grâce à l'évocation de mon passé, je suis parvenue à trouver les arguments qui affirment ce choix. Je n'ai aucune difficulté pour écrire. C'est comme si j'étais faite pour la lecture. Et j'adore lire. J'ai beaucoup de livres chez moi et ça me permet de lire à tout moment. Il faut dire que j'ai de la chance. La première œuvre que j'ai écrite a été retenue. Depuis, j'ai le vent en poupe. »

Wang Anyi est issue d'une famille d'intellectuels de Shanghai. D'une mère écrivaine et d'un père dramaturge. Jeune fille, elle se met à écrire. A la fin des années 80, elle publie trois romans d'amour, « Xiao Cheng Zhi Lian 小城之恋», amour d'une petite ville, « Huang Shan Zhi Lian 荒山之恋», amour d'une montagne désertique, et « Jin Xiu Gu Zhi Lian 锦绣谷之恋», amour de la vallée Jinxiu. Ces publications lui permettent de se faire un nom et de bénéficier d'une réputation bien plus grande que celle de sa mère.

Ces romans d'amour soulèvent, sous un angle féminin, des questions existentielles. A leur parution, ils ont fait sensation, en particulier parce que ces derniers abordent un sujet tabou, le sexe. A cette époque, la Chine venait de s'ouvrir au monde extérieur, et le grand public avait grand mal à accepter certaines des scènes d'amour décrites dans ses livres. Pour Wang Anyi, ce qu'elle décrit, c'est avant tout la puissance de la vie. Wang Anyi :  « Ce que je relate dans 'Xiao Cheng Zhi Lian', c'est le désir humain. Désir qu'on s'abstient de dire. Quant à moi, je n'ai pas beaucoup hésité. Je crois que c'est dans la logique des choses. D'autant plus que c'est abordé avec une certaine esthétique. Le désir que je décris, c'est une sorte de désir ardent, particulièrement fort. C'est une force motrice. Dont l'intensité ne dépend pas de ce que moi j'écris. Le désir est donc une sorte de vie. »

Les années suivantes, Wang Anyi publie une série de romans sur la vie familiale. Dans ces œuvres tous les personnages centraux sont de sexe féminin. En recherche d'amour, elles y perdent souvent leur carrière, leur dignité, ou davantage encore. En contrepartie, elles finissent par obtenir le prolongement de leur vie, la récompense maternelle. Elles sont porteuses d'un message d'espoir pour l'humanité. On écoute une dernière fois Wang Anyi :  « Je crois que j'ai de la chance d'écrire. J'ose même dire que j'ai du talent. Le métier d'écrivain me convient très bien. Il me donne le courage que je n'ai pas dans la réalité. J'écris avec facilité et à souhait. L'écriture me donne de la joie. »

A présent que Wang Anyi a obtenu la reconnaissance, elle est présidente de l'Association des Ecrivains de Shanghai et vice présidente de l'Association des Ecrivains de Chine. Et ses œuvres sont traduites en plusieurs langues.

Wang Anyi vit toujours à Shanghai et continue d'écrire. Selon elle, « L'esprit littéraire est très important. Une ville littéraire est tout à fait différente que celles qui ne le sont pas. La littérature permet à une ville d'avoir un goût ». Elle s'efforcera de préserver à Shanghai ; le souvenir d'une ville prospère dotée d'une saveur ordinaire.

(Yannine) 

Commentaire