Les patients chinois se battent pour des ressources limitées
  2012-10-04 15:39:00  xinhua

Dong Mei payait 300 yuans (47 dollars) à des vendeurs à la sauvette afin de se procurer une fiche d'inscription pour obtenir une consultation auprès d'un spécialiste à l'Hôpital de l'Amitié de Beijing, car il lui était pratiquement impossible d'en obtenir une par la voie normale, à savoir commencer par faire la queue une nuit entière.

Cependant, une réforme lancée récemment dans cet hôpital, l'un des plus réputés de Beijing, lui a permis d'obtenir plus facilement des consultations auprès de spécialistes. L'hôpital a supprimé la majoration des prix des médicaments, mais a introduit un nouveau système de tarification des services médicaux.

La consultation d'un médecin généraliste coûte ainsi deux yuans, tandis que le coût de la consultation d'un spécialiste peut s'élever à 60 yuans.

L'écart des prix a encouragé les personnes souffrant de problèmes de santé mineurs à consulter des médecins généralistes, plutôt que de prendre inutilement du temps aux spécialistes. Grâce à cette mesure, le nombre de consultations auprès de médecins généralistes a bondi de 20%.

"Nous ne jugeons pas nécessaire que tous les patients consultent des spécialistes, parce que ces derniers constituent des ressources limitées. L'écart des prix sert de levier économique pour 'détourner' certains patients", a expliqué Wang Yu, directeur du service médical de cet hôpital.

La réforme de la tarification variable des services médicaux pourrait être introduite dans d'autres hôpitaux si elle s'avère efficace dans l'Hôpital de l'Amitié.

Les autorités chinoises délibèrent sur la réforme médicale depuis 2006.

Cependant, il a fallu attendre jusqu'en 2009 pour que le gouvernement central lance un nouveau cycle de réformes des soins de santé pour améliorer l'accès aux services médicaux abordables et baisser les frais médicaux.

Entre 2009 et 2011, le gouvernement central a alloué 450,6 milliards de yuans (70,79 milliards de dollars) à la mise en place d'un système d'assurance-maladie fondamentale et d'un système médical fondamental, ainsi qu'à l'amélioration des services des institutions médicales au niveau de la base.

La réforme est aujourd'hui entrée dans une "phase cruciale", où des problèmes difficiles ont successivement apparu, a indiqué récemment le vice-Premier ministre chinois Li Keqiang.

Le ministre de la Santé Chen Zhu a déclaré que la réforme des hôpitaux publics était importante pour résoudre le problème aigu de ''l'accès difficile et des frais médicaux élevés".

Des experts ont estimé que le plus grand défi auquel faisait actuellement face la réforme médicale était d'améliorer l'efficacité et la performance des hôpitaux publics, où se concentrent la plupart des meilleurs équipements médicaux et des meilleurs médecins du pays.

La répartition inégale des ressources médicales entre les régions urbaines et rurales fait également l'objet de plaintes du public. Presque tous les meilleurs médecins et équipements médicaux modernes sont dans les villes, obligeant les patients à se bousculer pour des ressources limitées.

Il est également difficile de consulter des spécialistes, en conséquence, de nombreuses personnes sont dans l'obligation de faire la queue une nuit entière ou d'acheter une fiche d'inscription à des vendeurs à la sauvette ou même de nouer des relations avec le personnel hospitalier dans l'espoir de bénéficier d'un traitement préférentiel.

Malgré la mise en service d'un système d'inscription en ligne en 2011, seul un petit nombre de rendez-vous peuvent être accordés par ce biais et les personnes âgées ignorent souvent l'existence de ce système.

"Après des heures de queue, mon médecin ne m'a accordé que trois minutes et s'est montré réticent à m'expliquer en détail ma maladie", s'est plaint Fang Xin, un patient qui a récemment consulté un spécialiste au Centre hospitalier universitaire de l'Union de Beijing.

Parfois, la tension suscitée par les ressources médicales limitées conduit à la violence. Un médecin a été poignardé par un patient en avril dernier à l'Hôpital du Peuple de l'Université de Beijing, qui l'accusait de ne pas l'avoir correctement soigné. En septembre 2011, un malade a poignardé une chirurgienne à l'Hôpital Tongren de Beijing à la suite d'un litige d'ordre médical.

En Chine, les médecins travaillent souvent de longues heures pour un salaire pas très élevé. Leurs relations avec les patients sont tendues, car de nombreux patients sont mécontents en raison des frais élevés et de l'accès limité aux soins médicaux.

Huang Jiefu, vice-ministre de la Santé, a estimé que la tension entre les médecins et les patients révélait la déficience du système médical chinois. La répartition inégale des investissements, des ressources et des médecins a obligé les patients à affluer vers les grands hôpitaux.

"Comment un médecin peut-il garder une bonne attitude toute la journée quand il n'a pas le temps de se reposer ou même d'aller aux toilettes. Bien sûr, les médecins en disent le moins possible", a expliqué M. Huang.

Des experts estiment qu'en effet 80% des patients en consultation externe dans les grands hôpitaux n'ont pas besoin d'y venir pour une première consultation, car les hôpitaux de base sont tout à fait en mesure d'établir un premier diagnostic.

Fang Laiying, directeur du Bureau de la Santé de Beijing, a indiqué que les gens devaient se rendre d'abord dans les petits hôpitaux et les cliniques de quartier, plutôt que d'encombrer les grands hôpitaux.

"Ce que nous devons explorer dans le futur c'est l'établissement d'un canal fluide de transfert des patients entre les grands hôpitaux et les hôpitaux de quartier", a affirmé M. Fang.

Avant qu'un canal de transfert des patients efficace ne soit établi par le gouvernement, le site HaoDF.com a tenté de mettre en place un système similaire. Le site oriente les patients vers des spécialistes en fonction de la gravité de leur maladie grâce à une "équipe de triage" composée de professionnels de la santé qui s'occupent d'analyser les informations soumises par les patients et de transmettre leur dossier à des spécialistes. Ces derniers décident enfin de recevoir ou non les patients. Ce système accorde la priorité aux patients les plus gravement malades.

Environ 6 000 spécialistes en Chine sont en coopération avec ce site Internet, et plus de 230 000 patients ont réussi à consulter des spécialistes grâce à ce système, selon les chiffres fournis par l'opérateur du site.

HaoDF sert également de plate-forme d'évaluation qui a permis à 300 000 médecins de 3 000 hôpitaux de recevoir les commentaires de leurs patients sur leur professionnalisme et leur attitude.

Li Huajun, directeur adjoint du service de gynécologie et obstétrique de l'Hôpital de l'Amitié sino-japonaise de Beijing, accorde deux rendez-vous par semaine par le biais du site HaoDF. Il répond également aux questions des patients sur le site Internet.

"Après que l'un de mes patients m'eut créé une page d'accueil personnelle sur le site HaoDF il y a plusieurs années, j'ai commencé à prêter attention à ce site", a confié M. Li, qui prend le temps chaque soir de répondre aux questions des patients sur le site avant d'aller se coucher.

"Si je peux donner un coup de main à quelqu'un par l'Internet, pourquoi ne le ferais-je pas? De nombreux patients ne savent pas quels médecins ils doivent consulter. Chaque médecin a sa propre spécialité. Le service de transfert sur Internet aide à rediriger les patients atteints de maladies dont je ne suis pas spécialiste", a-t-il expliqué.

"La communication sur Internet avec les patients est avantageuse en ce qu'elle n'est pas limitée par le temps et l'espace. Je peux lire les informations concernant un patient dès que j'ai un moment de libre. Toutefois, les descriptions et les photos sur Internet ne sont pas suffisantes pour établir un diagnostic complet. Il nous faut encore communiquer directement avec le patient et faire des examens", a-t-il poursuivi.

Lorsque les gens disent qu'il est difficile de consulter un médecin en Chine, cela sous-entend en général qu'il est difficile de consulter des spécialistes reconnus dans des hôpitaux très réputés. "De nombreux patients cherchent aveuglement à obtenir une consultation auprès de spécialistes", a-t-il affirmé.

"Le problème fondamental c'est qu'il nous manque un bon système de transfert des patients. Si les patients peuvent recevoir leur premier traitement dans les hôpitaux de quartier ou être transférés dans de grands hôpitaux en cas de nécessité, il ne leur serait plus difficile d'obtenir une consultation", a déclaré M. Li.

Des experts ont estimé que l'établissement d'un système de transfert des patients exigeait une amélioration de la qualité des médecins dans les hôpitaux de quartier. Ces derniers sont mal payés, sont confrontés à un environnement de travail difficile et ont peu de chances de promotion. 

"Le manque de bons éléments est le principal obstacle à la construction d'un système médical au niveau du quartier. Je ne pense pas que les meilleurs médecins doivent exercer dans les grands hôpitaux, tandis que les médecins de niveau moyen doivent se retrouver dans des hôpitaux de quartier", a indiqué M. Huang.

"Un médecin ne doit pas être jugé en fonction de son lieu de travail mais du nombre de patients qu'il guérit".

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