Chongqinq rime avec collines. Celles-ci se distinguent, sous une forêt d'immeubles parfois étonnamment habillés de verdure, dès que l'avion parvient à se frayer un passage à travers les nuages... ou plutôt à travers le brouillard, deuxième caractéristique flagrante de cette conurbation hors normes de 31 millions d'habitants--soit près de la moitié de la population française.

Ville d'eau, Chongqing est traversée par une rivière méconnue des étrangers--JialingJiang--et un fleuve mythique--le Yangtsé, ou ChangJiang--qui ne font plus qu'un à l'Est, ce qui fait de la ville une presqu'île. Symboliquement, c'est aussi vers l'Est que Chongqing lorgne le plus souvent. Car la comparaison est flatteuse avec les métropoles côtières de la Chine, qui ont réussi le pari du développement économique éclatant. A commencer, bien sûr, par la vibrionnante Hong Kong. Et en effet, l'île ? Hong Kong--a plus d'un lien avec la presqu'île--Chongqing. L'omniprésence de l'eau, des collines, la densité de population et l'impossible extension du centre figurent parmi les points communs. Quant aux liens économiques, ils sont nombreux. Un chiffre suffit à les résumer : 45% des 9,4 milliards de yuans de capitaux « étrangers » investis à Chongqing sont hongkongais. Pas étonnant qu'un parterre de journalistes de l'île ait été invités ici pendant une semaine, reçus en VIP.

Mais il n'y a pas que Hong Kong. Tous les jours à Chongqing, des milliers de véhicules franchissent un pont ultramoderne, tout en courbes, construit avec l'aide de Macao. Symboliquement, financièrement, géographiquement, et même au niveau de ses infrastructures, Chongqing est donc la plus à l'Est des villes de l'Ouest, et les autorités municipales le revendiquent.

Pour rattraper--dépasser--les Beijing, Shanghai, et autres Tianjin, Chongqing a plus d'un tour dans son sac. Son statut particulier, tout d'abord. Ses statuts, même. Ville indépendante de la province qui l'abrite--le Sichuan--Chonqqing relève directement de Beijing. Zone « spéciale » et première zone « en franchise » de la partie continentale de la Chine, Chongqing a l'intention de devenir, en plus, la clé de voûte d'un triangle qu'elle dessinerait avec Xi'an et Chengdu. L'absence d'accès direct à la mer ne serait en rien un frein au développement : il s'agit davantage d'attirer les investissements que de tout miser sur les exportations.

Autre atout potentiel : son plan à long terme, décliné en cinq points et avec 1300 milliards de yuans. « Vivre mieux à Chongqing », car une telle densité de population va avec de nombreux problèmes de pollution, de ressources et de qualité de vie. « Circuler à Chongqing », car malgré les téléphériques et le métro aérien, les engorgements sont la règle. « Se soigner à Chongqing », car comme partout les disparités entre riches et pauvres sont criantes. « Chongqing en toute sûreté », car les actes malveillants sont en augmentation. Et « Reboiser Chongqing », car les collines de la ville sont davantage truffées d'immeubles que de pins. C'est entre 2012 et 2020 que les habitants pourront profiter des premiers fruits de ces cinq politiques, dont aucune n'est prioritaire par rapport à l'autre, assure-t-on. C'est également pendant cette période, en 2018 précisément, que Chongqing devrait avoir atteint l'objectif national d'une « société de moyenne aisance ». Ce serait alors la première ville de Chine à pouvoir s'en prévaloir.

Ces thématiques, et bien d'autres, ont été évoquées ce lundi 23 mars par les responsables en charge de l'avenir de cette ville multipolaire de plus de trente millions de personnes, assise sur un territoire six fois plus grand que Beijing et sept fois plus grand que l'Ile-de-France. Wang Hongju tout d'abord, le maire, et Huang Qifan, le vice-maire délégué, puis les adjoints, et enfin le secrétaire du comité municipal du PCC, Bo Xilai. Laissons le mot de la fin à cet ancien ministre du Commerce, au langage imagé : « Une ville, c'est comme un visage. Un visage plat, sans relief, c'est un visage ordinaire. Si, en revanche, un visage a des formes, c'est un beau visage. » Autrement dit, avec ses collines, Chongqing a bonne mine...