 |
 |
Bien mais peut mieux faire? C'est en quelque sorte l'esprit du rapport que vient de publier jeudi l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) à propos du programme nucléaire iranien. Dans ce texte remis le même jour aux 35 pays membres du conseil de l'AIEA, le directeur général de l'organisation, Mohamed el-Baradei, estime que l'Iran a fait des « progrès substantiels », mais que la coopération de Téhéran reste « plus réactive que dynamique ».
Selon ce rapport très attendu, publié le jeudi 25 novembre, l'Iran a fourni « suffisamment d'accès à des individus, a répondu dans les temps aux questions et a fourni des clarifications sur les problèmes soulevés » dans le contexte du programme de travail convenu entre Téhéran et l'AIEA en août. Le texte remarque notamment que l'Iran a bien révélé la nature et l'étendue de son programme nucléaire controversé, et plus particulièrement sur les questions d'enrichissement d'uranium et de développement des centrifugeuses.
Mais les experts de l'AIEA ne se disent pas totalement satisfaits, notamment par certaines réponses de Téhéran aux questions restées en suspens. L'agence déplore notamment le refus des Iraniens de geler leurs opérations d'enrichissement de l'uranium pourtant expressément demandé par l'ONU. Et le texte rappelle surtout que la prétendue « coopération active » et cette transparence demandée par l'AIEA à l'Iran sur son programme nucléaire n'ont été obtenues qu'au moyen d'âpres négociations et d'accords auxquels sont parvenu Téhéran et l'organisation. C'est ce qui pousse les experts à qualifier cette coopération de « passive » - si Téhéran a bien voulu coopérer, cela s'est fait uniquement sur demande et sans aucune initiative de la part de Téhéran.
Ce qui est sûr, c'est que les réactions n'ont pas traîné après la publication de ce rapport. Et d'abord à Téhéran, bien sûr. Premier intéressé, le négociateur en chef iranien Saïd Jalili a salué le jour même ce rapport. Secrétaire du comité suprême de sécurité nationale de la République islamiste, il a déclaré que « les accusations sur le fait que les activités nucléaires iraniennes auraient un objectif militaire et sont détournées, sont tout simplement fausses, comme le prouve ce rapport ». Saïd Jalili a souligné que l'Iran a bien répondu à toutes les questions de l'AIEA, et que la coopération entre les deux parties a effectivement progressé. Selon lui, « ce rapport clair et complet détruit toute velléité » de vouloir porter le dossier nucléaire iranien devant le conseil de sécurité des Nations-Unies.
Le négociateur en chef iranien a également averti que toute nouvelle résolution de l'ONU imposant des sanctions supplémentaires à Téhéran aurait des répercussions sur sa coopération avec l'AIEA. En d'autres termes, si les membres du Conseil de sécurité adoptent une nouvelle résolution, « cela influencera les modalités de la coopération avec l'AIEA », pour reprendre les termes savamment pesés de Saïd Jalili. Pour lui, les nouvelles sanctions contre l'Iran sont « illogiques et illégales ».
A Washington, on l'aura compris, le ton est sensiblement différent. Toujours jeudi, la Maison-Blanche a fait, savoir par la voix de sa porte-parole Dana Perino, qu'elle considère que l'Iran continue à défier la communauté internationale avec son programme nucléaire et que les réponses de l'Iran sont incomplètes. Elle a ajouté à propos du refus de Téhéran d'interrompre ses activités d'enrichissement d'uranium par l'Iran, que les Etats-Unis coopéreront avec l'Allemagne, la Chine, la France, le Royaume-Uni et la Russie pour mettre à exécution le 3e projet des sanctions.
A Londres, on est plus circonspect. Le Foreign Office a fait savoir qu'il travaillerait soigneusement sur le rapport de Mohamed el-Baradei et donnera des points de vue détaillés au cours de la prochaine réunion du Conseil des gouverneurs de l'AIEA, les 22 et 23 novembre. Mais les diplomates britanniques estiment globalement que l'Iran doit faire davantage s'il ne veut pas se voir imposer de nouvelles sanctions. « Puisque le rapport de l'AIEA montre que l'Iran n'a toujours pas abordé certains problèmes sur son programme nucléaire, explique-t-on à Londres, nous continuerons d'exercer des pressions auprès du Conseil de sécurité de l'ONU et de l'UE pour qu'ils mettent en ?uvre davantage de sanctions à son encontre ».
Après ce rapport tant attendu de l'AIEA, la prochaine étape, c'est un autre rapport, celui que devrait rendre Javier Solana, haut représentant chargé des affaires étrangères et de sécurité de l'Union européenne. Lui et le négociateur en chef Saïd Jalili doivent en effet entamer un nouveau tour de négociations dans les prochains jours. Et ce qui fait l'importance de ces textes, c'est qu'ils doivent servir de fondement à l'adoption ou non de nouvelles sanctions contre l'Iran par le Conseil de Sécurité de l'ONU.
Quoi qu'il en soit, le rapport publié jeudi sera discuté le 22 novembre prochain par les 35 pays membres du conseil de l'AIEA. Si la conclusion de la réunion était défavorable à l'Iran, Londres, Paris et Washington demanderont sans doute au Conseil de sécurité de l'ONU d'adopter de nouvelles sanctions contre l'Iran. |
 |