La carotte et le bâton, nouvelle stratégie de George Bush en Irak ?
2007-08-23 17:33:06 cri

La carotte et le bâton? C'est l'image que pourrait inspirer ces derniers jours l'attitude de l'administration Bush à l'égard du gouvernement irakien, tant il est vrai qu'elle s'avère peu concordante. Le bâton d'abord, a été brandi par le chef de la Maison-Blanche lors de sa rencontre, le 21 août à Montebello, au Canada, avec ses homologues canadien et mexicain... George W. Bush a en effet critiqué sans ménagement le Premier ministre irakien Nouri Al-Maliki. Mais le lendemain, place à la carotte, tendue par le même George Bush qui a réaffirmé son ferme soutien au dirigeant irakien lors d'une réunion des Vétérans de guerre organisée dans le Mississipi.

Voyons les choses en détails? Lors du sommet du 21 août, le président Bush s'est en fait dit déçu à l'égard du gouvernement irakien, affirmant que ce dernier n'a pas su satisfaire les demandes de la population? Population dont le mécontentement croissant pourrait bien déboucher, a affirmé le président américain, sur la démission du gouvernement Al-Maliki.

A la Maison-Blanche, les critiques à l'égard du gouvernement al-Maliki, à prédominance chiite, visent en premier lieu son échec à réconcilier les différentes tendances politiques, ethniques et religieuses du pays ? et notamment les sunnites. Second point, le président Bush avait fait part de son souhait de voir Nouri al-Maliki autoriser d'anciens membres du Parti Baas, issus du régime de Saddam Hussein, à retrouver leurs postes au sein du gouvernement. Or, selon la Maison-Blanche, le premier ministre irakien n'en a pas eu le courage? Un autre poids dans une balance que Washington jugeait déjà négative dans un rapport publié le mois dernier ? rapport qui pointe aussi une série de lacunes comme la mauvaise répartition des recettes pétriolières ou les élections provinciales.

Mais une partie de la presse américaine, elle, ne s'y trompe pas. Beaucoup de commentateurs soulignent en effet que cette mise à l'index vise moins à critiquer le gouvernement irakien qu'à détourner l'attention de l'opinion publique de la politique irakienne de l'administration Bush elle-même, de plus en plus contestée. Il faut dire aussi que l'administration Bush doit soumette le 15 septembre au Congrès un nouveau rapport sur la situation en Irak. Et il est évident que les Démocrates, qui tiennent désormais les deux chambres, ne ménageront pas leurs efforts pour enjoindre l'administration Bush à cesser les opérations de l'armée américaine en Irak. D'autant que dans le camp républicain, de nombreux parlementaires mettent aussi en doute l'efficacité de la politique d'accroissement des effectifs américains. Dans ce contexte, les récentes critiques de George Bush contre le gouvernement irakien peuvent bien être perçues comme un moyen de rejeter la responsabilité du marasme qui touche l'Irak depuis l'intervention américano-britannique sur Nouri al-Maliki et son gouvernement. En d'autres termes, le message à faire passer, c'est « nous avons rempli notre part du contrat, mais ce sont les Irakiens qui sont responsables des difficultés ».

La réponse du Premier ministre Nouri Al-Maliki n'a évidemment pas tardé. Il a notamment rappelé la légitimité de son gouvernement, qui émane de la volonté du peuple par la voie d'élections ? légitimité qui ne saurait être contestée par qui que ce fût. Et le dirigeant irakien d'émettre l'hypothèse que ces critiques de Washington seraient en fait liées à sa récente visite en Syrie, justifiée par la nécessité pour l'Irak de chercher des appuis là où il y en a.

La querelle allant crescendo, c'est le porte-parole de la Maison-Blanche en charge de la sécurité nationale, Gordon Johndroe, qui est monté au créneau le lendemain, soit mercredi. Pour lui, le discours prononcé par George Bush à Montebello n'enlève rien au soutien de Washington au gouvernement irakien. Et dans la foulée, le président américain lui-même a qualifié Nouri Al-Maliki de « good guy », « un type bien », dont le travail est particulièrement difficile. Il lui a réaffirmé son soutien, notamment face aux parlementaires américains qui réclament son départ, soulignant justement que cette décision revient à la population irakienne, et non aux politiciens de Washington.

Comment comprendre ce grand écart ?? Certains soulignent que, si l'administration américaine a voulu exprimer son mécontentement à l'égard de Bagdad, elle est aussi bien consciente du fait qu'il sera extrêmement difficile de trouver en Irak un substitut à Nouri al-Maliki acceptable pour toutes les parties. En d'autres termes, on exerce une pression sur lui, mais on se garde bien de le pousser à quitter le pouvoir ? car dans ce cas, la situation pourrait bien empirer. Et cela, George Bush veut l'éviter à tout prix? D'où ce numéro d'équilibriste, qui consiste à ménager la chèvre et le choux, à savoir l'opinion publique américaine d'une part et les actuels dirigeants irakiens de l'autre. Car il a sans doute autant besoin de l'un que de l'autre.

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