 |
 |
Le rapport qu'a récemment publié l'Agence internationale de l'énergie atomique est sans ambiguïté : l'Iran ne s'est clairement pas conformée à la demande du conseil de Sécurité de l'ONU de suspendre ses activités d'enrichissement d'uranium. De quoi faire monter le ton sur le problème nucléaire iranien, d'autant que, dans la foulée, un accrochage est survenu dans une zone frontalière aux confins de l'Iran et de la Turquie. Autant d'éléments susceptibles d'aggraver les tensions dans la région.
Le vice-président américain Dick Cheney, en visite en Australie, s'est voulu clair : « Nous n'avons retiré aucune option de la table », a-t-il déclaré pour signifier que les Etats-Unis n'excluent pas la possiblité d'un recours à la force. Riposte du ministre iranien des Affaires étrangères, Manouchehr Mottaki, qui a répondu du tac au tac que les Etats-Unis ne sont tout simplement pas en mesure d'ouvrir un deuxième front au Moyen-Orient, et que Washington n'a en somme d'autre solution que le dialogue pour régler le problème nucléaire iranien. En même temps, l'adjoint de Mottaki aux Affaires étrangères, Manouchehr Mohammadi, a fait savoir que l'Iran est prêt aussi bien au dialogue qu'à une éventuelle guerre.
En fait, tout en usant d'intimidations et de menaces, les Etats-Unis comme l'Iran ont toujours émis des signes de réconciliation. Washington se prononce officiellement encore pour une résolution diplomatique du problème nucléaire iranien, mais en posant comme condition préalable la suspension des activités nucléaires de l'Iran. Et c'est justement ce que Téhéran ne saurait accepter, pour qui cette condition américaine empêche le dialogue ; le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a récemment affirmé qu'une éventuelle suspension des activités nucléaires iraniennes n'interviendraient qu'après que les pays occidentaux aient eux-mêmes mis fin aux leurs? C'est évidemment impossible, et le serpent se mord la queue. Dans les circonstances actuelles, les conditions ne sont pas vraiment réunies pour engager des négociations, c'est là un euphémisme. Le 26, lundi, les cinq pays membres permanents du conseil de sécurité de l'ONU et l'Allemagne doivent se réunir à Londres pour demander à l'Iran de changer sa position et de cesser ses activités nucléaires. Mais ces efforts risquent fort de rester à l'état de v?u pieux.
Il faut dire aussi que plusieurs éléments sont intervenus ces derniers jours pour corser un peu plus le problème nucléaire iranien. D'abord, les Etats-Unis ont annoncé la découverte de preuves attestant que l'Iran auraient fourni des armes aux forces anti-gouvernementales irakiennes. Soit? Sauf que ces soi-disant preuves, fussent-elles avérées, font cruellement penser aux accusations américaines sur la possession d'armes de destruction massive par l'Irak de Saddam Hussein pour justifier l'attaque de ce pays. Secondo, la présentation du rapport sans concession de l'AIEA fait entrer la question nucléaire iranienne dans une nouvelle phase. Conformément à la résolution 1737 du conseil de sécurité, si l'Iran n'arrête pas ses activités d'enrichissement d'uranium, il peut décider de nouvelles sanctions, qui excluent du reste le recours à la force. Le conseil de sécurité doit se réunir début mars pour en discuter. Mais en troisième lieu, l'ouverture réalisée sur le problème nucléaire coréen peut servir d'exemple à suivre pour la solution des divergences nucléaires, ce qui fait peser une pression plus grande sur l'Iran.
Et durant cette période sensible, le magazine américain « The New Yorker » a révélé les dires d'un ancien agent américain selon lesquels Washington aurait mis sur pied un groupe spécial chargé d'élaborer un plan d'attaque aérienne contre les installations nucléaires iraniennes, plan qui pourrait être mis à exécution en 24 heures sur ordre du président Bush. Et Israël a pour sa part annoncé qu'au-delà des installations nucléaires de Téhéran, seraient aussi visés les soutiens iraniens aux forces irakiennes hostiles au gouvernement relativement pro-américain de Bagdad.
En réalité, les Etats-Unis ont à peu près achevé leur dispositif militaire d'encerclement de l'Iran ; ils n'ont plus vraiment de barrière technique pour attaquer l'Iran sur le plan militaire, et c'est la « volonté politique » des leaders états-uniens qui pouraient jouer désormais un rôle décisif. Pour l'heure, le problème primordial pour Washington, c'est l'Irak ? il ne fait aucun doute? Sauf que si les Etats-Unis estiment que les troubles que connaît l'Irak sont en fait créés par l'Iran, il n'est après tout pas exclu que Washington recourt à la force contre Téhéran, histoire de résoudre le problème irakien « une fois pour toutes ». Et que dire de l' AIEA, qui envisage d'interrompre son travail en Iran ; la Maison Blanche pourrait très bien se saisir de ce retrait pour l'ériger en symbole de la défaite des efforts diplomatiques?
Oui mais voilà, ce serait aussi oublier l'évolution de la situation politique intérieure des Etats-Unis, l'attitude de leurs alliés, les efforts de la communauté internationale, voire des accidents inopinés qui peuvent compliquer encore un peu plus le problème nucléaire iranien. De sorte qu'il est encore trop tôt pour conclure à un prochain recours à la force par Washington. |
 |