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A Bagdad, on ne fait maintenant plus semblant? Un projet de loi irakien sur le pétrole, élaboré avec la participation de Washington, sera soumis très prochainement au gouvernement et au parlement irakiens. Un projet de loi selon lequel certaines compagnies pétrolières occidentales seront autorisées à mener en priorité des exploitations pétrolières de grande envergure en Irak. Et - on l'a compris -, il s'agit de compagnies états-uniennes et britanniques comme BP, Shell, Exxon ou Chevron qui remportent la mise et vont obtenir des contrats d'exploitation pétrolière en Irak et ce pendant 30 ans. Un détail qui ne laisse plus beaucoup d'illusions sur la nature très « pétrolière » de la guerre déclenchée en Irak par la coalition emmenée par les Etats-Unis et le Royaume-Uni.
Selon le journal britannique « The Independant », l'élaboration de ce nouveau projet de loi irakien sur le pétrole s'est faite avec l'aide de la société Rearing Point, qui entretient des rapports d'affaires très étroit avec l'administration Bush. Et pour cause : en juillet dernier, le texte de ce projet de loi avait été envoyé « pour approbation » au gouvernement américain et aux principales compagnies pétrolières américaines. Ce qui a rapidement fait dire aux analystes, pour ceux qui ne l'avait pas déjà fait remarqué, que le processus d'élaboration de ce projet de loi révèle au grand jour les objectifs réels du déclenchement de la guerre en Irak par Londres et Washington : à savoir, le pétrole.
Bien sûr, les représentants des gouvernements américain et britannique le nient depuis le début : le déclenchement de la guerre en Irak était lié à des armes de destruction massives, et absolument pas au pétrole? Sauf qu'avant même le début des combats, les troupes de la coalition américano-britannique ont reçu l'ordre de protéger en priorité les installations pétrolières irakiennes. Et lorsque après la chute du régime de Saddam Hussein, le secrétaire américain à la Défense Donald Rumsfeld s'était montré plus que tolérant envers les pillages de biens publics gouvernementaux ? notamment culturels -, seul le ministère du Pétrole a bénéficié d'une protection spéciale par les troupes de choc américaines. Autre détail saisissant, la société qui a enregistré le plus de recettes depuis le début du processus de reconstruction en Irak n'est autre que la filière du groupe Halliburton ? le conglomérat proche de la famille Bush ? laquelle succursale a raflé 13 milliards de dollars de contrats, dont celui de la reconstruction des installations pétrolières irakiennes pour 7 milliards de dollars.
Et le nouveau projet de loi enfonce clairement le clou pour sceller les intérêts des sociétés pétrolières américaines et britanniques. Toujours selon l'« Independant » de Londres, le texte de ce projet prévoit notamment un « accord sur le partage commun des produits », qui permettra aux pétroliers anglo-saxons de se partager les bénéfices de l'exploitation pétrolière avec Bagdad. Plus précisément, l'Etat irakien possède la propriété des ressources pétrolières propres, tandis que les compagnies pétrolières étrangères investissent dans les infrastructures, assurent le fonctionnement des puits de pétrole et des raffineries, pour finalement se partager des bénéfices apportés par l'exploitation des ressources. Un mode de coopération dans l'exploitation des ressources qu'on ne retrouve aujourd'hui quasiment plus dans les pays producteurs de pétrole, ni même dans les autres pays en développement.
Et comme on l'a dit plus tôt, le texte prévoit une exploitation de l'or noir irakien par les compagnies anglo-saxonnes sur une période de 30 ans. 30 ans durant lesquels ces dispositions préférentielles resteront inchangées. En cas de litige entre le gouvernement irakien et les pétroliers étrangers, l'arbitrage devra par ailleurs être assuré par des institutions judiciaires internationales. Quant à la répartition des revenus, en plus de la garantie d'un retour sur investissement dans l'exploitation des champs pétrolifères, les compagnies pétrolières étrangères pourront également bénéficier de 20% des profits globaux. Un pourcentage très élevé, au point qu'on en rencontre très rarement dans l'histoire de la coopération pétrolière. D'autant que les groupes anglo-saxons seront autorisés à transférer leurs profits à l'étranger sans payer la moindre taxe. Résultat, avec des coûts d'exploitation des champs pétrolifères et des risques particulièrement bas en Irak ? la plus grande réserve pétrolière du monde - les conditions préférentielles prévues par ce texte de loi devraient apporter des profits colossaux aux sociétés pétrolières américaines et britanniques.
Reste que pour l'instant, cette nouvelle loi n'est qu'à l'état de projet, et n'a pas encore été votée. Et selon beaucoup d'analystes, la réaction des Irakiens face à ce texte pourrait être très violente. Ainsi, dans une déclaration publique, une organisation syndicale irakienne indiquait récemment que « le peuple irakien n'acceptera pas une telle loi, et [qu']en cas d'occupation, le peuple irakien sera seul à déterminer l'avenir de son propre pays. » |
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