S'il y a une province chinoise qui se développe et qui a besoin de le faire savoir, c'est bien le Guizhou. Coincée entre Guangxi, Yunnan, et Sichuan, cette province affiche un dynamisme économique réel, qui touche aussi bien aux secteurs de l'industrie pharmaceutique que du recyclage, en passant par l'agriculture biologique et le tourisme. Le Guizhou dispose de nombreux atouts, et tente de les mettre en valeur en surmontant des handicaps certains.
Ces atouts, le Guizhou les exploite depuis longtemps. La province abrite 20% des ressources de bauxite du pays, des réserves de phosphore très importantes, un véritable savoir-faire en terme de médecine chinoise et d'agro-alimentaire, une production électrique notoire... et des richesses naturelles splendides qui laissent prévoir de belles perspectives touristiques.
Ce qui frappe dès qu'on arrive dans le Guizhou, et notamment dans le chef-lieu Guiyang, c'est la co-existence de deux Chines. Celle du passé et celle du futur. Plus que dans beaucoup d'autres endroits du pays, on y ressent la poussée inexorable du développement économique. Un développement que les responsables de la province tentent toujours de placer sous le signe de l'amélioration des conditions de vie et du respect de l'environnement. Tout le monde est conscient, dans le Guizhou, que la première richesse, c'est la nature et ses hommes.
Le phénomène d'essor économique est plutôt récent dans cette province qui bénéficie de la politique de développement de l'ouest du pays lancée par le gouvernement central. Cela a apporté beaucoup d'opportunités à la province qui, ces deux dernières années, a enclenché un processus irréversible de développement. Zhao Yingmin, maire-adjoint de Guiyang, nous donne quelques chiffres clés : « L'an passé, le PIB de la région de Guiyang a atteint les 43 milliards de yuans, soit 14% de plus qu'en 2003. Mais sur le plan national, il faut reconnaître que Guiyang est encore en retard. Notre objectif est de doubler le PIB en 2020, mais il faut absolument préserver notre environnement écologique. »
Avec cette échéance 2020 en tête, les responsables de la province ont dressé un plan de développement réaliste, et fondamentalement basé sur les atouts locaux. Alors, entre choix stratégiques et devoirs publics, quels sont ces grands objectifs. Zhao Yingmin a dit : « D'ici à 2020 nous allons développer trois grands axes de travail : d'abord, développer l'économie du recyclage. Ensuite, améliorer les conditions de vie des habitants et les infrastructures de la province. Enfin, améliorer notre environnement écologique ».
L'économie du recyclage, c'est même la fierté du Guizhou. Car à ce jour, la province est la seule dans toute la Chine, à avoir élaboré des réglements et lois spécifiques en la matière. C'est en 2004 que le gouvernement local a mis ces lois en vigueur, devenant la première région test au plan national.
La région de Guiyang a encore beaucoup de travail à faire avant que cette économie du recyclage prenne sa vitesse de croisière. Mais déjà, les orientations sont clairement fixées : réduire les consommations énergétiques, remplacer progressivement les industries lourdes et polluantes par des activités moins gourmandes en énergie et en matières premières, ou encore mettre en place des projets industriels basés sur un recyclage en chaine... Chaque année, Guiyang consacre 5 millions de yuans pour encourager les entreprises à suivre cette voie. Un récent sondage indique que près de 93% de la population approuve ce choix stratégique.
La plus grosse entreprise implantée récemment dans la nouvelle zone d'activités de Guiyang, l'entreprise Nanfeng Guidong, produit des disques durs pour ordinateurs. Le maire-adjoint explique qu'elle remplace avantageusement les anciennes entreprises et qu'elle produit beaucoup mieux, en consommant moins de ressources. Cette usine ultramoderne emploie 8.000 personnes.
Nanfeng Guidong siège au milieu de la zone technologique de Guiyang, appelée Jinyang xinqu. Pour des raisons liées à la topographie locale, cette zone sort de terre à une quizaine de kilomètres de Guiyang, sur un plateau. Guiyang et ses 3,5 millions d'habitants sont encaissés dans plusieurs petites vallées, entourés de montagnes et de collines boisées. Toute perspective de développement est par conséquent très limitée dans cette vieille ville.
Désormais, après une vingtaine de minutes par l'autoroute, on rejoint la zone technologique... qui est, en réalité, bien plus qu'une simple zone d'activité. C'est comme une ville n°2, sur laquelle beaucoup d'espoirs reposent. 18.000 personnes y travaillent actuellement. L'objectif pour 2050 est de compter 50.000 salariés sur ce site. Zhao Yingmin nous le confirme. « Dans le futur, Guiyang pourra être une ville avec deux centres. Notre gouvernement local est persuadé que la nouvelle ville pourra, à terme, accueillir les habitants de la vieille ville. »
La nouvelle ville est en pleine construction. Parmi les premiers immeubles érigés, on compte les bâtiments des quatre organes du pouvoir, dont les locaux administratifs du gouvernement local et le siège du parti. Il s'agit de monuments impressionnants par leur taille, qui font figure de vitrine pour toute la province.
Un peu plus loin, plusieurs ensembles d'habitations flambant neufs n'attendent plus que leurs habitants. Ces cités totalement modernes ont été bâties par le gouvernement et une société de gestion. Cette tranche immobilière regroupe pas moins de 80.000 appartements à loyer modéré. La plupart sont déjà vendus. Et les tarifs sont attractifs : de 1300 à 1600 yuans le m2... c'est presque deux fois moins cher que dans la vieille ville de Guiyang.
Bien sûr, de nombreuses infrastructures vont compléter la nouvelle ville : un hôpital, un marché, des écoles, un lycée, des commerces, un grand hôtel... Et pour ceux qui bénéficient de revenus élevés, la région de Guiyang est en train de construire des ensembles de villas plutôt luxueuses, dans des environnements bucoliques à souhait.
Partons maintenant dans l'arrondissement de Baiyun, l'un des six de la région de Guiyang. Baiyun a choisi de développer le secteur des hautes et nouvelles technologies, avec une politique préférentielle pour les investisseurs : terrains gratuits, taxes réduites... C'est là qu'a été créé en 2004 le Centre d'innovation technique et de transformation des matériaux du Guizhou. C'est un laboratoire de polymérisation d'envergure nationale.
Ce centre public possède des succursales à capitaux privés et publics. Ce laboratoire unique dans le sud-ouest de la Chine a bénéficié d'une aide de 5 millions de yuans du ministère de la Technologie... et a récolté l'appellation de « modèle de Guizhou ». Il se développe dans un domaine technologique de pointe, avec des recherches et des productions de polymères servant à l'armement, à l'automobile, à l'électroménager, à l'agriculture...
Les recherches sont menées en collaboration avec des universités, dont celle de Qinghua, et toutes les avancées technologiques importantes sont protégées par la propriété intellectuelle. C'est un des 137 centres de recherche de ce type en Chine. Sa construction devrait être achevée dans trois ans sur ce site de 40 hectares, où 43 chercheurs-étudiants travaillent aujourd'hui en permanence. Avant de prendre sa vitesse de croisière, ce centre va devoir former ses personnels et développer de nouvelles technologies.
Déjà, des habitants du Jiangsu, du Zhejiang, du Hubei et du Liaoning sont venus s'installer à Baiyun pour travailler, attirés par des mesures incitatives. Pas moins de 18 médecins chinois qui ont étudié aux Etats-Unis sont aussi venus s'installer ici. Preuve que l'arrondissement a un réel potentiel de développement. Pour autant, les difficultés sont présentes. M.Dong, gouverneur de l'arrondissement, le reconnaît sans détour : « La première des difficultés est de changer les mentalités. Depuis toujours, Baiyun a été la base industrielle du Guizhou, mais avec seulement des entreprises publiques. Pendant des dizaines d'années, les gens ont travaillé sur le système de l'économie planifiée. Depuis 1992, les entreprises privées ou mixtes sont apparues... et dans la réalisation de ces changements, on rencontre des résistances dans les modes de gestion des entreprises ».
L'autre difficulté est le manque de notoriété. Créé en 1958, l'arrondissement de Baiyun a toujours du mal à attirer les investisseurs et à gagner leur confiance... d'autant qu'un autre Baiyun, situé dans la province du Guanzhou, lui fait concurrence. Le gouverneur affirme qu'il faut renforcer l'information vers l'extérieur et faire connaître Baiyun et ses atouts... en disant, sur le ton de la semi-plaisanterie, que Baiyun c'est « comme l'Australie ».
Enfin, la dernière difficulté est financière : Baiyun manque d'argent pour améliorer ses infrastructures... mais a quand même réussi à apporter de grands changements sur ce point ces deux dernières années. Pourtant, ce n'est pas encore suffisant. Alors, si la région a déjà convaincu les autorités centrales de ses capacités de développement, notamment en terme d'économie du recyclage, le Guizhou et Guiyang doivent communiquer vers l'extérieur de plus en plus. La province s'en donne les moyens, petit à petit. C'est ce que nous explique Gao Yan, directrice-adjointe du département de l'information : « Depuis longtemps, nous pensons que l'Internet est un moyen très important de faire connaître Guiyang. On y montre la réalité de notre pays. Guiyang a son propre site pour diffuser ses informations, mais la région reste toujours méconnue. Mais on n'a pas encore utilisé tous les moyens de communication ».
En conclusion, le Guizhou, et plus particulièrement la région de Guiyang, brillent d'un dynamisme qui mériterait une plus grande notoriété. La qualité de vie y est bonne, le taux de chômage était de 4% en 2004, et les stratégies de développement sont porteuses d'avenir car elles combinent l'économie et le respect de l'environnement. De manière exemplaire, même, par rapport à beaucoup d'autres provinces chinoises.
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