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(GMT+08:00) 2004-01-04 11:12:49    
Laisser le nom à la postérité: Liu Beimao

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Erhu est un des instruments de musique traditionnels chinois, avec son timbre particulier il occupe une place primordiale dans la musique traditionnelle. Dans l'histoire contemporaine de la Chine, Liu Tianhua est un grand nom du monde du Erhu. Il vivait au début du 20e siècle. Il est l'initiateur du regain d'intérêt pour la musique traditionnelle chinoise. Il a écrit une dizaine de compositions pour Erhu très connues ; et en tant qu'interprète, il a formé beaucoup de maîtres. Voici une des ses pièces les plus célèbres, la marche vers la lumière.

(Enr de la marche vers la lumière)

M : Mais aujourd'hui plutôt que de vous présenter Liu Tianhua, nous allons vous parler de son frère cadet, Liu Beimao, qui poursuivit la même cause après le décès prématuré de Liu Tianhua à l'âge de 37 ans.

F : Liu Beimao est né en 1903 dans une famille pauvre d'intellectuels. Au 49 de la rue de Xiheng de la ville de Jiangyin dans la province du Jiangsu, se trouve une jolie maison traditionnelle de l'époque des Qing. C'est dans cette maison que naquirent les Trois Frères Liu : Liu Bannong, Liu Tianhua et Liu Beimao, qui éclairèrent chacun à leur manière la culture contemporaine de la Chine.

M : Liu Bannong, l'aîné, est un des initiateurs de la langue chinoise simplifiée. Les trois frères ont tous été inspirés des idées d'avant-garde occidentales. Les parents de Liu Beimao sont décédés alors qu'il était encore enfant, et se sont ses deux frères qui l'ont élevé. L'aîné, Liu Bannong, l'a introduit aux idées avancées alors que le deuxième frère, Liu Tianhua, qui était très doué pour la musique traditionnelle chinoise, lui enseignait le Erhu, la flûte ainsi que d'autres instruments de musique chinois.

F : Pendant ses études secondaires, Liu Beimao a commencé à s'intéresser à l'anglais. A cette époque, le système féodal était moribond, et les milieux intellectuels se tournaient vers les Occidentaux pour apprendre de nouvelles choses. C'est pourquoi Liu Beimao a choisi l'anglais comme spécialité pendant ses études à l'Université de Beijing, où se trouvaient à l'époque un grand nombre d'hommes de talent.

M : Liu Beimao a brillamment accompli ses études dans cette université. Après avoir obtenu son diplôme, il a enseigné l'anglais dans plusieurs universités, et s'intéressait plus particulièrement à l'étude de Shakespeare.

F : En 1932, Liu Tianhua, qui était alors au sommet de sa gloire dans l'univers de la musique traditionnelle, décéda. Encouragé par son grand frère Liu Bannong, Liu Beimao a décidé de continuer sur le chemin tracé par Liu Tianhua. Il a commencé des études sur la composition musicale, tout en continuant son apprentissage du Erhu, de façon plus rigoureuse.

M : Mais il n'a pas abandonné sa carrière de professeur d'anglais. A l'été 1937, l'armée japonaise a lancé la guerre contre la Chine, en envahissant le nord-est du pays et menaçant Beijing. Ne voulant pas se soumettre aux japonais, Liu Beimao a quitté Beijing avec quelques amis et ils ont parcouru l'est, le sud et l'ouest de la Chine pour finalement atteindre Gucheng dans le Shaanxi, où se trouvait l'Université du Nord-ouest.

F : Il y était invité à enseigner l'anglais par son ami, le directeur de cette université. En 1940, Liu Beimao a été nommé maître de conférence. Et c'est cette même année que sa première pièce de Erhu a vu le jour, intitulé la vague de la Rivière Han.

(Enr de la vague de la Rivière Han)

M : Cette pièce décrit la rivière rugissante sous la brume au coucher du soleil. Elle exprime la haine vive de l'auteur envers les envahisseurs et sa nostalgie. Plus tard, il a écrit d'autres pièces qui encourageaient le peuple chinois à lutter contre l'envahisseur.

F : Oui, comme « les exercices physiques du matin », « le petit tambour », «affronter vents et marrées ». Ces pièces étaient créées pour l'époque et elles sont devenues l'héritage musical de cette période de l'histoire. M. Zhou Yaokun, célèbre interprète de Erhu et vice président de l'Association du Erhu de Chine, a résumé le style de Liu Beimao. Le voici au micro, (Enr1)

M : « Lors des célébrations du centenaire de Liu Beimao, beaucoup d'experts l'ont désigné comme le brillant successeur de son frère Liu Tianhua. Il a beaucoup contribué à la musique populaire, comme ses deux frères aînés l'avaient conçu au début du 20e siècle. Ses ?uvres expriment toutes l'esprit de son temps : elles racontent les événements et poussent le peuple à la recherche d'un avenir meilleur. Mais Liu Beimao diffère de son frère Liu Tianhua du fait de l'audience ciblée. Les pièces de Liu Beimao sont pour les gens simples, celles de Liu Tianhua ne trouvent d'échos que chez les intellectuels. Donc, je trouve que l'expression « avancer avec le temps » définit bien le style de ses ?uvres. »

F : cela correspond tout à fait ! En fait, en lisant les titres de ses pièces, on sent bien la marque de son époque. Je vous en cite quelques uns : le vent des chansons folkloriques, la danse du printemps, sous le soleil du matin.

M : Oui. Quand on écoute ces morceaux, on ressent le courage ou la joie pour une nouvelle vie. La pièce à la mémoire du ministre Zhou Enlai, est la seule qui soit imprégnée de tristesse.

F : Par rapport aux chansons populaires d'aujourd'hui, qui ne chantent que l'amour, la tristesse ou le désespoir d'être abandonné par l'être aimé, les pièces de Liu Beimao devraient toucher un plus large public. Quant au style strictement suivi par Liu Beimao, son fils M. Liu Yuxi, violoniste réputé et maître de conférence à l'Institut national de la musique nous a raconté une histoire, (Enr2)

M : « Quand mon frère aîné est mort à l'âge de onze ans, mon père était très triste. Il aimait tant cet enfant plein de talent. Il a alors écrit un morceau pleurer mon fils. Bien sûr c'est une pièce douloureuse et touchante. A ce moment-là, un étudiant pauvre atteint de tuberculose habitait à côté de nous. Il écoutait tous les jours mon père jouer la pièce, et il est tombé dans le désespoir. Il pensait à se suicider dans une rivière pas très loin. Heureusement quelqu'un l'a sauvé. Quand mon père a appris cette histoire, il croyait que c'était de sa faute. Plus tard, il a décidé de ne plus écrire de pièces pessimistes, qui vont jusqu'à faire penser à la mort. »

F : Cette histoire est très significative. Je n'ai jamais entendu parler de ce genre d'anecdotes.

M : Moi non plus.

F : En entendant cette histoire, M. Zhou Yaokun et M. Zhang Shao, l'ancien président de l'Association de Erhu ont exprimé, (Enr3)

M : « La création musicale, que ce soit la musique traditionnelle, ou la musique populaire, doit être liée étroitement à la société. D'un côté, il ne faut pas chanter les sentiments personnels extrêmes, d'un autre côté, au lieu de rechercher une mélodie agréable à écouter, il faut mettre l'accent sur l'esprit de la musique. Certains compositeurs pour le Erhu se sont même plongés dans les livres antiques pour trouver de l'inspiration, et leurs ?uvres sont déconnectés de l'époque. »

F : Et M. Zhang Shao a comparé l'ensemble des pièces de Liu Beimao à une chronologie écrite avec des notes de musique.

M : Je suis d'accord avec cette comparaison. D'ailleurs il a été professeur dans plusieurs instituts de musique pendant une trentaine d'années.

F : Oui. L'autre carrière de M. Liu Beimao est l'enseignement du Erhu. Depuis 1942, Liu Beimao a quitté l'Université de Nord-ouest pour l'Institut national de musique. Dès lors, il est devenu professeur de Erhu. Pendant la guerre, Liu Beimao a déménagé plusieurs fois, accompagnant son institut, de Chongqing à Nanjing, de Nanjing à Tianjin, de Tianjin à Beijing.

M : Fin 1955, Liu Beimao a été muté dans une Classe de musique pour les aveugles. Sur ce point, nous devons expliquer un peu plus aux auditeurs étrangers. En Chine, il y a beaucoup de joueurs aveugles de Erhu, comme par exemple les compositeurs et interprètes talentueux Ah Bing et Gan Bolin.

(Enr de clair de la lune à la fontaine de Erquan )

F : Ce que vous venez d'entendre, c'est la pièce la plus célèbre de Ah Bing, clair de la lune à la fontaine de Erquan, écrit et joué par lui.

M : La Classe se situait dans la grande banlieue de Beijing, les conditions de travail et de vie y étaient très dures. Mais Liu Beimao ne se plaignait pas. Il transmettait tout son savoir aux élèves aveugles, en les aidant avec beaucoup de patience.

F : Gan Bolin était un des élèves de cette classe, plus tard recommandé par Liu Beimao, il en est devenu le professeur à son tour. Le voici au micro de RCI, (Enr4)

M : « Quand je suis arrivé dans cette classe, je connaissais déjà pas mal le Erhu. Mais je n'avais pas mon propre style. Mon professeur m'a signalé ce défaut, il m'a dit qu'il ne faut pas donner uniquement du sucre aux auditeurs, parce qu'ils seraient vite écoeurés. Donc il m'a conseillé de travailler mon propre style. D'ailleurs, ce qui m'a profondément touché, c'est que mon professeur m'a donné beaucoup d'occasions pour jouer devant un grand public ; ces représentations étaient initialement prévues pour lui mais il ne me l'avait pas dit à l'époque. C'est seulement après sa mort que son épouse me l'a appris.»

F : Plus tard, en 1958, Gan Bolin a été muté à la faculté de musique de l'Ecole des beaux Arts de l'Anhui. Il a travaillétreize ans dans cette province. En 1971, M. Liu Beimao a pris sa retraite pour cause de maladie.

M : Pendant son long séjour dans l'Anhui, c'était une période difficile pour tout le pays. En tant que professeur, Liu Beimao pouvait bénéficier d'une allocation en nature de l'Etat, comme par exemple des bonbons ou de la viande. Comme il ne voulait pas tout manger tout seul, il invitait très souvent ses élèves à prendre des repas chez lui.

F : il consacrait son temps libre à aider les élèves à préparer leurs examens ; il allait jusque dans leurs dortoirs pour les appeler à venir aux cours optionnels.

M : C'est rare ce genre de professeur. Et ses élèves restaient très attachés à lui après leurs études. Beaucoup d'entre eux ont écrit des articles en son honneur après sa mort en 1981.

F : Liu Beimao a consacré ses dernières forces à la fondation de l'Association nationale de Erhu, malheureusement il n'a pas vu de son vivant la création de cette fondation. M. Zhou Yaokun évoque les travaux préparatoires, (Enr5)

M : « A ce moment-là, M. Liu Beimao était gravement malade. Alité, il a exprimé sa joie et son soutien pour la fondation de l'Association. Il nous a dit que nous n'aurions pas besoin de faire une place pour lui, et qu'il serait d'accord si on pouvait réunir tout le monde. En effet, M. Liu Beimao était le plus grand maître de Erhu de l'époque, et il a donné un bon exemple à tous, avec ses paroles encourageantes pour tous. Bref, M. Liu Beimao est un personnage très important pour le Erhu et pour notre association. »

F : Un an après sa mort, l'Association nationale du Erhu a organisé un grand concert à la mémoire de ce musicien, c'est aussi le premier grand événement organisé par la fondation.

M : Cette année c'est le centenaire de la naissance de Liu Beimao. Une série de manifestations est organisée : un concert a eu lieu fin septembre à l'Université de Beijing, plusieurs expositions commémoratives ont eu lieu dans les différents lieux où Liu Beimao a vécu. D'ailleurs, une conférence sur ce grand personnage et ses idées sur l'éducation a été ouverte à l'Université de Beijing, pendant laquelle les gens qui l'ont connu ont partagé leurs souvenirs et leurs réflexions sur Liu Beimao.

F : Cette conférence nous a permis de mieux le connaître. Et il en ressort que c'était une personnalité remarquable.

M : Oui. Je pense que nos auditeurs partageront ce sentiment. A la fin, nous vous dédions la dernière composition de Liu Beimao, intitulée laisser le nom à la postérité.

(Enr de laisser le nom à la postérité)

F : Cette pièce a été écrite pour glorifier la nation chinoise. Nous le diffusons ici pour célébrer son compositeur, M. Liu Beimao.